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LE Sphinx par Apeutpasdurer

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Le SPHINX Enfant, vous songiez à elle. Déjà. Vos parents semblaient s’en inquiéter, et vous grondaient en dissimulant leur anxiété. Mais vous n’étiez pas dupe. « Tu verras ça plus tard ! Ce n’est pas une pensée de ton âge ». Vous en avez déduit que c’était une pensée que vous deviez taire, et vous n'avez pas manqué d'en dire un mot au vieux Monsieur de l’Eglise, que vous appeliez « mon Père » et qui avait votre confiance. Il ne répétait rien. Pour votre malheur, intrigué ou réprobateur, vous ne savez plus, il vous intima l’ordre de chasser cette idée de votre tête. "C'est le pire des péchés que tu puisses commettre devant Dieu: comprends-tu?". Je ne comprenais pas. Bref, il n’est pas convenable de songer à "elle" lorsque l’on a huit ans. Vous y songiez ! Mais vous ne saviez pas l’imaginer. Une silhouette, oui, grande, mince, sombre et sans visage, hors un regard absent qui ne vous voyait pas, comme si vous n'aviez pas d'existence pour elle. Bien sûr, vous jouiez à chat, au gendarme et au voleur, et vous achetiez en douce, avec les gamins de votre âge, des carambars et des mistrals gagnants. Mais elle était toujours là, comme une ombre que n'effaçaient ni la nuit ni le sommeil. Vous la deviniez très belle, indifférente, d’une élégance de cygne souverain. C’est surtout Mme Laugier, la sublime institutrice de l’école, qui l’évoquait au mieux : si grande qu’il vous fallait relever très haut la tête pour la voir et l’écouter lorsqu’elle s’approchait. Elle ne vous aimait pas, mais vous, si ! Un jour, elle parla, en classe, du Sphinx et de ses énigmes : ce fut un choc pour vous, et il vous sembla que les traits de "son"visage se précisaient.... Devenu "grand", toujours présente à votre esprit, elle s'accommoda du changement en devenant plus intérieure: intérieure au regard des hommes et des femmes. Hors de sa chrysalide égyptienne, devenue le foyer mystérieux de tout visage humain, beau ou laid, elle vous laissait rêveur, parfois longtemps, devant "La jeune fille à la perle". Ce qui vous intriguait n'était pas de savoir ce qu'elle regardait, ou ce qu'elle pensait. Mais autre chose qui vous paraissait plus profond, plus énigmatique. Quelque chose du Sphinx, la trace muette d'une question sans réponse, l'obscure présence, insistante, pressante, de celle, qu'enfant, vous imaginiez extérieure à nos vies, et pour tout dire, imaginaire.. Et puis, les années passant, vous avez pressenti qu'"elle" avait encore "migré", et que, peu à peu, elle levait un des innombrables voiles de son identité.... Les miroirs sont bavards, à leur façon! Peut-être, n'auriez-vous pas du regarder ce matin votre propre regard comme s'il était celui d'un autre? Elle était là, oui là! Non plus chez Mme Laugier, la belle institutrice de votre enfance défunte, non plus dans les yeux de la jeune fille de Vermeer, mais là, "plus intérieure à moi-même que moi-même", habitante fidèle de votre chair inquiète, dont déjà, elle s'affame .

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