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LA TRINITE DU CREDIT ET DU CREDO (3) par Jules Elysard

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La mouche du coach 95ème numéro, 10ème année 2011 octobre LA TRINITE DU CREDIT ET DU CREDO (A PROPOS DES TROIS AGENCES : SUITE ENCORE) « Nous partons de l’idée que nous sommes maîtres du temps qui nous est imparti, que nous aurons la liberté de choisir le bon moment pour acheter et sortir. Or l’évangéliste nous l’a enseigné : « Tu ne connais ni le jour ni l’heure ».Pour le croyant, Dieu seul le sait.» Jean Louis Gombeaud (1) Nous avons déjà publié deux bulletins sur ce sujet. Ces deux bulletins n’en faisaient qu’un à l’origine, c’est-à-dire au printemps. La paresse du rédacteur principal, sa tendance à la procrastination et à la dispersion, et surtout sa condition de salarié dans une activité de services, tout cela l’a un peu retardé jusqu’au mois d’août quand il a pris ses congés. L’abondance des sujets évoqués l’ont alors amené à publier séparément ce qui n’était au départ que les deux parties d’un seul bulletin : UN PEU D’HISTOIRE et UN PEU D’HUMEUR. En ce mois d’août, les commentaires allaient bon train (2). De même la concurrence entre les agences de notation. Standard & Poor’s dégradait la note des Etats-Unis. Deux mois plus tard, c’est le Moody Blues du nom de cette seconde agence, centenaire depuis deux ans. Elle dégrade sans états d’âme la note de l’Espagne et menace de s’en prendre à celle de la France, malgré la règle d’or que le président français envisageait d’introduire, avant sa réélection, dans la constitution de son pays. Et la concurrence entre indignés fait rage aussi puisque, après l’Espagne et la Grèce, c’est Wall Street qui doit subir des mouvements d’humeur et de rue contre les mouvements de capitaux. Cet éditorial était donc en forme de rebond. Maintenant… III UN PEU DE RECUL On aura remarqué que la règle d’or (3) dont se gargarisent les gouvernants se résume au chiffre 3, qui était déjà un des critères de convergence avant l’avènement de l’euro. On sait comment on les tortura et on les contourna, ces pauvres critères. Car bien sûr, les régles sont établies pour être détournées et transgressées, et il est permis de les violer si on leur fait des enfants beaux comme des courbes de croissance. Mais pourquoi 3 ? Les socialistes français prétendent créer 300 000 emplois publics. Et la règle de rentabilité était de 15% ces derniers temps. 3 est bien un chiffre magique, celui pour lequel on est prêt à faire une guerre. Ce ne serait peut-être qu’une querelle de chiffres, mais la permanence de symbole est indéniable : 3 personnes dans la trinité chrétienne, 3 dieux, 3 peuples et 3 collines pour fonder Rome (4), 3 mages dans les Ecritures, 3 pouvoirs chez Montesquieu, 3 fonctions chez Dumézil, 3 ordres chez Duby, 3 mousquetaires chez Dumas, 3 agences… Et nous-mêmes, en publiant le dernier volet de ce triptyque, nous avons bien conscience de sacrifier à cette mode, ou à ce mode de pensée. Mais les agences ne sont plus 3, comme on l’a vu, avec l’arrivée du d’Artagnan chinois (le 4ème pouvoir ?). Elles sont 4 comme les cabinets d’audits (the Fat Four) qui étaient 5 (the Big Five) avant la chute d’Arthur. (5) Ce que nous appelons la trinité du crédit et du credo, c’est plutôt la collusion (ou la collision) de 3 phénomènes qui sont aussi des organisations. La confiance étant l’esprit du capitalisme, on peut considérée qu’elle a été instaurée en trois temps : Au moyen âge, d’abord, avec les banques et les assurances ; puis avec les bourses ; enfin, si l’on peut dire, depuis le XIXè siècle avec les théoriciens du capitalisme, d’abord, les économistes classiques ; puis les comptables et les auditeurs ; puis les agences de notation chargées de conserver la confiance des investisseurs. Les banques et les assurances, institutions séculaires donc, sont les premières dépositaires, après Dieu, de la confiance et du crédit. Il a pu leur arriver de faire banqueroute, mais désormais, on l’a vu, avec la généralisation de salariat et du crédit à la consommation, par exemple, les Etats ne peuvent plus se le permettre beaucoup. Les bourses sont les deuxièmes dépositaires de la confiance et de crédit, mais il s’agit alors, pourrait-on dire, de confiance et de crédit au second degré. Toutes les activités et les entreprises humaines ne sont pas cotées en bourses, heureusement. Mais de plus en plus d’activités et d’entreprises industrielles et commerciales demandent à l’être, afin de lever des crédits et de mesurer la confiance que leur fait la communauté financière, comme on dit. Mais cette communauté est d’un naturel inquiet et a besoin d’être rassurée tout le temps. Car le capitalisme est aussi, on le sait, une culture du risque. Dans un premier temps, à l’âge classique, il suffisait de quelques économistes, théologiens du marché qui en disaient le dogme et en dénonçaient les hérésies. Ils ont bien élaboré des théories des crises et des cycles, expliquant que la confiance peut se perdre, ou plutôt s’égarer, car elle finit par être retrouvée. Mais si ces explications peuvent suffire à raisonner des ouvriers licenciés avant de leur envoyer la police, elles ne pouvaient suffire à des investisseurs, et même à des lumpeninvestisseurs, qui ne peuvent se payer de mots, fussent-ils proférés par Attali ou Minc. Il leur fallait des chiffres et bientôt sont apparus des experts comptables et des cabinets d’audit chargé de certifier les comptes des entreprises industrielles et commerciales, même ceux des banques et des assurances qui étaient pourtant des experts dans le crédit et la confiance. Mais dans les premières années du nouveau millénaire, un certain discrédit tomba sur ces comptables et auditeurs. Ce fut le succès pour un autre type d’experts apparus discrètement cent ans plus tôt, des agents très spéciaux, chargés de noter les comptabilités des entreprises, afin d’aider les Bourses dans ses missions de cotation et, donc, afin de rassurer des investisseurs naturellement très inquiets. L’esprit du capitalisme, c’est-à-dire la confiance et le crédit, est ainsi distribué entre quelques intervenants. Les économistes sérieux, ainsi que ceux qui croient au caractère scientifique de l’économie, nous reprocherons de les ramener arbitrairement, au gré de notre fantaisie et de notre mauvaise foi, à 3 « entités : 1) banques et assurances ; 2) bourses ; 3) économistes, comptables, auditeurs et agents de notation. Mais des économistes très sérieux ont eu recours à cet arbitraire « triolectique » (6) : Adam Smith (Terre, Travail et Capital) et Schumpeter (Travail, Capital et Innovation). C’est une façon très courante (qui découle peut-être d’une prédisposition culturelle remarquée par Dumézil et Duby) de décrire et de tenter de comprendre l’existant. Une façon tout aussi courante de contester l’ordre existant est de le ramener à une opposition frontale, classe contre classe, possédants contre dépossédés, les uns et les autres étant parfois possédés par quelques illusions. La dernière illusion en cours serait-elle une indignation religieuse, dénonçant, après une vente généralisée d’indulgences entre initiés, la menace d’une pénitence sans fin pour les possédés et les dépossédés ? Les propos de Marx restent d’actualité : « La misère religieuse est à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre cette misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme sensible d’un monde insensible comme elle est l’esprit de situations sans esprit. » (7) Mais en guise de conclusion provisoire, au moment où il est question de punir la Grèce pour ses péchés, nous rappellerons ces lignes d’ Albert Grenier : « Caton vécut trop longtemps pour ne pas assister à la défaite de toutes les idées qu’il avait défendues. » La Grèce était l’objet de son ressentiment. Mais le professeur au collège de France relativise le jugement du censeur romain : « La plupart des vices qui se répandirent à Rome à partir de ce moment n’avaient rien de grec : gloutonnerie, avidité sans mesure d’honneurs, d’autorité, d’argent. (…) Ils résultent uniquement d’un enrichissement trop rapide. (…) Cette richesse ne s’est pas retrouvée répartie entre tout le peuple vainqueur. Elle est demeurée le privilège d’une classe restreinte. (…) Ce n’est pas la pensée grecque, c’est l’or du monde mis au pillage qui a ruiné les antiques vertus et finalement la puissance de Rome. » (8) (1) Editorialiste à EUROPE 1. Confidence faite à LIBERATION le 6 août 2002 dans un billet intitulé : « En Bourse, la vérité n’existe pas ». (2) Ainsi, le 11 août, l’inamovible Elie Cohen confiait à France Inter : « Les investisseurs, c’est nous. Ce sont, par exemple, les gestionnaires des fonds de pension américain qui doivent assurer la retraite des charbonniers de l’Arkansas » L’on retombe toujours sur ce fameux problème des retraites. (3) http://www.liberation.fr/politiques/01012336582-finances-publiques-l-assemblee-adopte-la-regle-d-or (4) Jupiter, Junon et Minerve ; les Etrusques, les Latins et les Sabins ; le Capitole, le Palatin et le Quirinal. (5) Arthur Andersen (6) Nous empruntons ce mot à Asger Jorn. (7) INTRODUCTION A LA CRITIQUE DU DROIT HEGELIEN (1844). La phrase qui suit est une phrase qui tue : « Elle est l’opium du peuple. » (8) LE GENIE ROMAIN DANS LA RELIGION, LA PENSEE ET L’ART (1925)

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