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Bénarès par Misty44

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Voulez-vous refaire avec moi faire un petit tour sur les rives du Gange, à Bénarès (Inde) ? Un voyage que j’ai fait il y a une dizaine d’années et qui m’a laissé un inoubliable souvenir… (Autrefois publié, mais remanié) BENARES La barque avance au fil de l’eau dans la brume du petit matin. Un soleil rose orangé irradie l’horizon gris et vert où s’entremêlent les eaux et les îles. Déjà dans le ciel des nuages noirs s’amoncellent et chaque coup de rame dans l’eau du Gange fait monter une vapeur sacrée qui embue le paysage. Il a plu, il pleut ou il pleuvra. Soudain, un chant monte de la berge, sorte de litanie, récitation appliquée et mélodique. La brume se déchire et Bénarès apparaît, avec ses palais de maharadjah, façades ocre jaune, roses ou bleu pastel, aux murs crevés d’humidité, branlants et noircis. Chaque matin, à l’aube, moi Raja, je me sens le maître de ce royaume. Aujourd’hui ici, jadis ailleurs, je suis un infatigable voyageur depuis longtemps, à la poursuite d’un rêve, d’une utopie. Savoir qui je suis en retrouvant qui il est. Savoir où je vais en sachant où il est. Chaque matin, j’accomplis auprès d’un brahmane mes dévotions à Shiva, avec ce lancinant espoir que je porte en moi. Déjà les pèlerins s’agglutinent en bas des ghâts, face au soleil levant, de l’eau jusqu’à la taille, ils la prennent dans les mains, la font couler entre les doigts, sur le visage et le long du corps. Au loin courent les enfants avec leurs cerfs-volants. Sur les marches, j’erre parmi les mendiants, les marchands, les balayeurs et les laveurs, les joueurs de cricket et les loueurs de bateaux. Je sais juste deux ou trois choses de lui, la couleur de sa peau, différente puisqu’il est Européen, de ses cheveux, de ses yeux, son âge et quelques autres détails. Longtemps j’ai cru qu’avec cela je pourrais le reconnaître à coup sûr… Mais ma tâche est ardue, le soleil, le temps qui passe, l’état du ciel brouillent les cartes, mes souvenirs et mon imagination me jouent des tours, aussi. Comment faire pour le retrouver, sinon observer de près, inlassablement, chacun des personnages qui changent et se renouvellent à chaque instant sur les rives du fleuve? Je ne cesse d’interroger les enfants, toujours curieux malgré leur apparente insouciance. Leurs jeux les conduisent partout, ils courent dans toute la ville, dans les ruelles sombres et boueuses, ils pénètrent même avec audace dans les cours intérieures des maisons délabrées. Ils s’éparpillent dans les champs, à la poursuite de leurs cerfs-volants. Rien ne leur échappe, pas un visage, pas le moindre évènement nouveau ou insolite et je sais que dès qu’ils apercevront celui que je leur ai décrit, ils m’annonceront la nouvelle à grand bruit. Il doit être là, quelque part, il a été vu ou on a cru le voir. Peut-être était-ce lui, ce sage se tenant sur une seule jambe, les bras en croix et « vêtu seulement par le vent » ? Ou bien ce sâdhu avec ses hardes couleur de feu, escaladant les marches en s’appuyant sur son trident. A sa poursuite, j’ai tout quitté, ma mère, mes amis, mon village. J’ai erré comme eux sur les chemins et les routes, mais je ne suis pas devenu renonçant, moine mendiant, philosophe, fumeur de haschisch ou faiseur de miracle… Non, ce n’est pas par détachement des biens et des plaisirs du monde que je suis venu jusqu’ici, mais parce que le peu que ma mère m’a dit sur lui m’a donné cette intuition qu’il n’a pu que choisir cette ville sacrée dans sa quête mystique. Je ne t’ai pas encore trouvé, cher père… Mais comme toi, je suis envoûté par Bénarès et ses rues sinueuses, son énergie vibrante, sa foule animée et fourmillante, ses couleurs vives, ses odeurs d’encens et de bougie, ses musiques lancinantes et son reflet orangé dans le Gange. Bénarès est tout cela en même temps, et bien plus encore. Elle est vie et mort, elle est lumière et ténèbres, folie et sagesse. Elle est pleine de mystères, elle cache de précieux trésors dans ses labyrinthes de rues étroites. Elle se révèle dans les saris humides qui pendent des toits et dont les couleurs vives et fraîches sèchent au vent léger. Dans le rire éclatant d’un gamin qui tente en vain de reprendre son cerf volant emmêlé dans la toile de fils électriques. Dans les pas lourds et assurés d’un taureau imposant auquel certains cèdent le passage par respect, d’autres par crainte. La vie y est tantôt paisible, tantôt furieuse. On s’y sent parfois seul dans ces vieilles ruelles pavées, escarpées, ne voyant que quelques visages cachés derrière d’étroites fenêtres, butant contre des portes en bois à la peinture écaillée, aux sculptures fines et tortueuses, qui se referment soudainement. Mais je n’y suis jamais vraiment seul, la ville m’entoure de ses bras plein de ferveur et je sens ta présence flotter autour de moi. Une nuit, j’ai fait un rêve, tu m’es apparu avec un superbe visage couronné de blanc, barbe et cheveux longs encadrant un regard bleu intense et aimant. Tu étais assis en fleur de lotus au centre d’un promontoire, face au Gange, sous un parasol de bambou, tu méditais. En m’entendant approcher, tu as tourné la tête vers moi et tu m’as dit en anglais : « I was waiting for you ». http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&NR=1&v=SVGt1vw5HNA Susheela Raman:http://www.youtube.com/watch?v=UjwqBnZ6t4s

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