Cétait un après-midi du mois de mai. Alors quil traversait le jardin Compans avec lintention de se balader en ville, lhomme repéra deux charmantes jumelles monozygotes assises côte à côte sur la pelouse. Elles fumaient une cigarette qui passait dune bouche à lautre après deux ou trois bouffées. Il savançait vers elles à pas de flâneur, lair de rien, tout en calculant quelles devaient avoir une vingtaine dannées tout au plus. Lâge de lamour et de laventure, se dit-il. Lâge où lon souvre à toutes les expériences. Je nai pas eu cette chance
Effectivement, il navait pas su profiter de ses vingt ans. Son adolescence sétait dabord engluée dans une timidité maladive, sous lautorité de parents conditionnés par un moralisme puritain. Ces braves gens, bons chrétiens et incultes, lavaient gavé de recommandations rigoureuses et de principes simplistes pour le protéger du monde. Il était ainsi passé prudemment à lâge adulte, dans la méfiance de la nouveauté et de son prochain, veillant à ne jamais chagriner ses géniteurs par un comportement rebelle. Mais à présent quils étaient décédés, il navait plus de comptes à leur rendre. Ainsi ce quadragénaire, obsédé par le désir désespéré de rattraper le temps perdu, se décidait enfin à toucher la vie.
Lune des jeunes femmes écrasa la cigarette en levant négligemment les yeux vers lhomme tout habillé de noir qui sapprochait dun pas hésitant. Il marchait le plus lentement possible, afin dapprécier leurs formes si féminines. Elles portaient un tee-shirt moulant, de couleur jaune pour lune et verte pour lautre, qui dévoilait leur ravissant nombril et exposait un décolleté exhibitionniste. Toutes deux étaient vêtues dune minijupe en jean ne cachant que le strict minimum. Un sourire radieux aux lèvres, il sagenouilla devant leurs pieds nus en relevant ses lunettes de soleil sur le front.
- Bonjour, chers petits anges. Êtes-vous tombés de ce ciel impur qui ne méritait pas daccoucher de tant de beauté ? Oui, je le crois. Avez-vous crevé son ventre indigne pour retourner à la terre nourricière et faire le bonheur des hommes ? Oui, je le crois. Car vos yeux reflètent lespoir des premières aurores de lhumanité. Comme je voudrais les attendre en votre compagnie, heureux et immobile, afin de célébrer la grâce féminine jusquà la tombée de la nuit.
Les jolies jumelles, visiblement étonnées, senvoyaient des regards interrogateurs en silence. Elles paraissaient flattées de se faire aborder de la sorte par ce quadragénaire au sourire charmeur et au regard sombre, arborant de longs cheveux bruns parsemés de mèches grises, habillé de façon élégante et décontractée. Finalement, elles prirent le parti den rire. Lhomme interpréta cela comme un encouragement et poursuivit sa déclamation en sinterdisant de loucher sur leurs cuisses bronzées.
- Á présent, je sais que les anges ont un sexe et quils sont de bonne humeur. Cest encourageant. Il sagit maintenant de savoir sils sont généreux
Accepteriez-vous, douces lutines, daccorder à un pauvre solitaire les faveurs de votre grâce ? Oh, juste quelques mots. Je ne vous importunerais pas davantage. Mais si seulement vous pouviez éclairer mon esprit de vos pensées lumineuses, et réchauffer ainsi mon âme errante
Ne serait-ce que quelques minutes
Je vous en prie
ne me renvoyez pas au néant. Jai tant besoin de me souvenir des ferveurs de la jeunesse, car je les oublie chaque jour un peu plus. Et pour vous remercier de votre gentillesse, je vous offrirais des mots doux, insensés et beaux. Bien sûr, vous ferez semblant de me croire. Vous les prendrez en riant pour jouer avec
Et je serais heureux. Vous voulez bien ?
Les jumelles continuaient à séchanger des éclats de rire complices tout en lui jetant des regards intéressés. Lhomme en déduisit que sa présence ne leur était pas importune et quelles en redemandaient. Il nattendait que ça pour persévérer.
- Oui, regardez-moi
Jadore vos bouts de ciel bleu sans nuages. Ça me fait du bien, tout cet air pur. Ça moxygène. Oui, souriez-moi
Jadore vos blanches dents si sagement alignées. Et peut-être que lenvie vous viendra décarter ces herses divoire qui protègent lentrée de vos bouches impudiques. Jaimerais tant que vous lâchiez des mots à mes trousses, non pas telle une meute canine courant après mes fesses pour les mordre, mais plutôt comme des papillons multicolores tourbillonnants dans le vent de limaginaire.
Lhomme se grisait de mots et aurait pu en déverser encore sans tituber, mais lune des jumelles brisa son monologue en faisant preuve dune soudaine lucidité.
- Vous seriez pas en train de nous draguer, monsieur le poète ?
- Oh, mademoiselle
Quelle basse intention me prêtez-vous donc ? Non, voyons. Draguer est un mot vulgairement technique qui traduit un mouvement mécanique dénué de toute séduction. Je cherche simplement à vous plaire afin de vous rendre la pareille, car votre jeunesse et votre beauté mémeuvent. Hélas, je nai rien dautre à vous donner, pour commencer, que des mots
- De toute façon, vous êtes un peu trop vieux pour nous, déclara le plus téméraire des clones.
- Oui
Vous avez cruellement raison, mademoiselle. Le temps passe sournoisement
Et bientôt, sans vous en rendre compte, vous-mêmes deviendrez vieilles. Oh, je ne doute pas que vous trouviez rapidement un bon mari pour faire de beaux enfants. Mais jose espérer quavant cela vous sachiez profiter de vos jeunes années de liberté, goûter à la vie et faire des expériences enrichissantes qui vous laisseront dagréables souvenirs.
- Et cest vous, lexpérience enrichissante ? insista larrogante, dun air moqueur.
Cette remarque le déconcerta. Il chercha quelque chose dintelligent à dire, mais rien ne venait. Il était soudain à cours dinspiration.
- Quel âge vous avez ? demanda lautre sur.
- Eh bien
Il suffirait peut-être dadditionner les vôtres pour totaliser le mien.
- Quarante ! sexclama lune des jumelles.
- Ah oui ! Quand même
, ajouta la plus perfide.
- Oh, vous savez, lâge se situe surtout dans le cerveau. Jai connu des jeunes aux neurones blafards et aux idées déjà bien fripées, et il marrive de rencontrer des gens dun certain âge encore remplis de désirs et à limaginaire bourgeonnant
- Mouais
Mais quand y a pas de sentiments, reprit limpertinente, ou quon se connaît pas, un corps jeune et pas trop mal foutu cest quand même ce quy a de mieux pour provoquer le désir. Je veux dire quand on veut baiser. Parce que cest pour ça que vous nous avez abordées, non ?
- Eh bien
- Pourquoi vous êtes pas allé baratiner la dame, là-bas, celle qui est assise sur le banc avec son petit caniche sur les genoux ? questionna lautre sur.
- Eh bien
- Vous avez perdu linspiration, monsieur le poète ? ironisa la jumelle la plus hardie.
- Vous êtes déconcertantes dintelligence et de franchise, mesdemoiselles. Et puisque vous abordez le sujet sans détour, permettez-moi dêtre franc à mon tour. Il est évident que je nai pas le visage dApollon ni le corps dHercule. Aucune auréole de célébrité nillumine ma tête et ne contribue à déclencher une quelconque idolâtrie parmi la foule féminine. Bref, je nai pas eu la chance de Jim Morrison ou du Che Guevara, pour ne citer queux
Comme vous pouvez le constater, je ne suis quun homme tout à fait ordinaire, mais qui estime avoir également le droit de tenter sa chance auprès de jolies femmes telles que vous. Au nom de lhumanisme, je vous propose donc de faire connaissance avec mes qualités cachées. De découvrir mes richesses. Ainsi justice sera rendue sous le soleil.
Comme les jumelles riaient abondamment, lhomme jeta un rapide coup dil aux tressaillements de leur poitrine. Puis il se dit que le moment était propice à une invitation. Aussi ne leur laissa-t-il pas le temps de se reprendre.
- Cette chaleur pousse au farniente, vous ne trouvez pas ? Et les corps se déshydratent dangereusement
Puis-je vous offrir un rafraîchissement quelconque, à la terrasse dun bistrot sympathique ?
- Carrément ! sexclama le plus énergique des clones.
- Notez, mesdemoiselles, que cela ne vous engage à rien dautre que de converser agréablement quelques minutes autour dun verre. Et si vous me trouvez ennuyeux, vous navez quà me planter devant ma bière
Les jeunes femmes se concertaient du regard, pesant le pour et le contre, tandis quil sifflotait lInternationale en jetant un il distrait sur le manège installé quelques mètres plus loin. Lune des surs lobservait du coin de lil en se disant que malgré la différence dâge, il avait du charme. La plus délurée était du même avis et songeait que loccasion se présentait enfin davoir une aventure avec un homme plus âgé.
Il faut préciser que ces jumelles aimaient les jeux que procure la vie en général et particulièrement ceux du sexe. Cest pourquoi elles nhésitaient pas à permuter leurs nombreux petits amis, sans que jamais ils ne sen rendent compte, pour ensuite échanger des commentaires sur leurs pratiques sexuelles. Ces jeunes filles avaient bénéficié dune éducation très libre au sein dune famille émancipée financièrement et culturellement. Par ailleurs, elles ne faisaient que suivre lexemple dune mère infidèle qui menait son mari et les autres mâles par le bout de leur queue. Ainsi le sentiment amoureux nentrait pas encore dans leurs préoccupations quotidiennes. Avant de sy abandonner, elles comptaient bien samuser un peu, du moins tant quelles ne rencontreraient pas deux beaux jeunes hommes capables de rivaliser avec lamour qui liait leur âmes.
Une demi-heure plus tard, le trio prenait la direction de la place Arnaud Bernard où les jumelles avaient leurs habitudes dans un bar tendance bohème. Ils sinstallèrent à une table qui venait de se libérer en terrasse. Un jeune serveur aux longs cheveux dreadlockés débarrassa tout en échangeant des propos amicaux avec les deux surs. Apparemment, ils se connaissaient bien et sétaient déjà vus à midi. Les filles conseillèrent à lhomme une bière rousse. Ils commandèrent tous la même pression. Lune dentre elles se roula une cigarette et la coinça entre ses lèvres. Il sempressa de lui donner du feu. Elle le remercia dun hochement de tête et lui proposa son tabac. Il refusa poliment, indiquant quil ne fumait pas. Elle sétonna quil fût alors en possession dun briquet. Il expliqua quil conservait toujours un briquet dans sa poche, ce qui lui permettait damorcer un dialogue à loccasion et de satisfaire un premier désir chez son éventuelle future partenaire. Devant une telle franchise, les jumelles pouffèrent en échangeant des regards complices.
Le serveur apporta les consommations. La discussion sengagea sur des chemins de traverse, tandis que les filles se passaient la cigarette. Il saventura à poser des questions innocentes mais précises. Il apprit ainsi que les jumelles étaient ariégeoises et quelles suivaient des études à lécole des Beaux-Arts de Toulouse. Lhomme leur révéla quil aurait bien aimé fréquenter cet établissement, mais quil avait échoué aux épreuves dadmission. La conversation bifurqua aussitôt vers ce point commun. Les jumelles aimaient lart contemporain et souhaitaient se lancer dans des installations duales, mais en attendant de devenir plasticiennes, elles voulaient aller jusquau bout de leur peinture. Elles avaient pris lhabitude de peindre en même temps sur la même toile et désiraient transformer cette particularité en style : fusionner leur inspiration sur le même support. Ensuite, elles comptaient bien se passer de support
Il finit par apprendre que les jeunes femmes logeaient seules dans un petit appartement, rue de la Chaîne, juste à quelques pas du café.
Les verres étaient vides. La cigarette écrasée. Lhomme sauta sur loccasion pour demander à voir leur peinture. Elles nétaient pas du genre farouche. Ce quadra se révélait drôle, intelligent, cultivé et si intéressé par lart quelles acceptèrent de lui montrer quelques toiles. En attendant de voir la suite
Lui était réellement intrigué par ces filles, attiré par lénergie qui émanait delles, et souhaitait sincèrement voir leurs travaux. Mais bien sûr, il espérait ensuite une fusion à trois
Il appela le serveur dreadlocké afin de régler laddition. Et suivit les étudiantes.
Lappartement, situé au troisième étage, exigu mais bien éclairé par de grandes fenêtres sans rideaux, exhalait des senteurs dencens. Lentrée donnait directement dans une minuscule cuisine, séparée de la pièce principale par une table de travail. Le sol était recouvert dun grand tapis de bambou tressé jonché de coussins colorés. Quelques plantes vertes se dressaient dans les coins. Des affiches décoraient les murs blancs. Il sourit en voyant une reproduction de la célèbre photographie de linévitable Che au béret, puis avisa un poster sur lequel un jeune éphèbe aux longs cheveux blonds et mal peignés, avachi sur une guitare acoustique, le regardait dun air absent. Il jeta ensuite un il distrait sur des affiches de spectacles et dexpositions, pour enfin examiner avec attention les tableaux des étudiantes, fortement influencées par la période dripping de Pollock. Il les complimenta parcimonieusement. Et comme elles semblaient attendre des commentaires, il sexcusa de nêtre pas un grand connaisseur de ce genre de peinture.
Lune des surs lui dit que ce nétait pas très important. Lautre linvita à sasseoir parmi les coussins, puis introduisit un c.d. dans la mini-chaîne stéréo. Lambiance musicale se révélait plutôt zen : une sorte délectro-space rythmée par des tablas et traversée par des airs de sitar. Lune des jumelles entreprit aussitôt de rouler un joint, tranquillement assise dans son coin. Elle lalluma, tira deux grandes bouffées et le passa à sa sur qui limita avant de le tendre à leur invité. Celui-ci navait jamais fumé ce genre de chose, mais il fit une exception en songeant quune fois de temps en temps ça ne pouvait pas lui nuire, dautant plus quil avait entendu dire que le cannabis était aphrodisiaque.
Lherbe faisait son effet. Les filles menaient la conversation de façon débridée, parfois interrompue par des fous rires inopinés, tandis quil les écoutait en hochant la tête. Mais soudain il se sentit très mal. Quelque chose remontait du plus profond de son être jusquà son cerveau, y tourbillonnait à toute vitesse comme un courant dair cherchant la sortie. Il était blême. Son cur battait à toute allure. Ses mains devenaient moites et des gouttes de sueur dégoulinaient sur ses tempes. Il voulait se lever mais nosait pas bouger de peur quen remuant ses tripes un malaise ne le renverse. Toutefois, lidée de vomir devant ces jeunes femmes, qui assistaient à la scène en éparpillant leurs éclats de rire, lui paraissait insupportable. Il essaya dabord de se contenir en se concentrant sur les propos des jumelles. Mais au bout de trois ou quatre minutes, le reflux intestinal reprit le dessus.
La bouche sèche, il demanda dune voix fiévreuse où se trouvaient les toilettes, tout en se levant péniblement. La plus effrontée des deux surs lui indiqua lendroit dun index tremblant de rire, lâchant à son passage quelques commentaires ironiques. Mais comme son équilibre se révélait instable, lautre surette le conduisit jusquà la salle deau. Une fois seul, il sagenouilla devant la cuvette et attendit lévacuation de longues minutes. Mais rien ne sortait. Il devinait pourtant la présence dun élément à la consistance inconnue, partie intégrante de son être, qui sobstinait à loppresser.
Il entendit frapper doucement à la porte. La jumelle qui lavait guidé jusquaux toilettes sinquiétait. Elle voulait savoir sil avait vomi, si tout allait bien, si elle pouvait entrer pour se rendre compte, si elle pouvait laider, sil fallait appeler un médecin, etc. Cette voix insistante lexacerbait. Il comprenait dans quelle situation ridicule il se trouvait, mais navait pas la force de répondre ni de se relever. Il eut soudain lidée saugrenue de prendre une douche afin de se réveiller de ce cauchemar qui nen finissait pas. Leau fraîche va te régénérer, insista sa conscience. Il réussit à se redresser tant bien que mal et, sappuyant contre un mur, se déshabilla lentement. Une fois dans la baignoire, il saspergea le visage et le corps avec le jet deau.
Les étudiantes écoutaient derrière la porte tout en chuchotant, se demandant ce quil pouvait bien fabriquer et si elles devaient intervenir. Finalement, la plus hardie des deux décida douvrir sans autre préambule. Elles firent irruption dans la salle deau et se figèrent de stupéfaction devant la scène. Il était en train de se masturber dune main tandis que lautre tenait le pommeau de la douche face à son visage grimaçant.
- Mais ? Quest-ce que vous faîtes ? questionna lune des jumelles, les yeux fixés sur le sexe tumescent.
- Faut pas vous gêner, réprimanda la plus autoritaire des deux, en reluquant lérection. Faites comme chez vous, hein ?
- Je
Excusez-moi
Je suis confus
Ça nétait pas du tout prémédité
- On commençait à se faire du souci, reprit la première.
- Hé ben, tu vois quy avait vraiment pas de quoi, répliqua lautre à sa surette.
- Laissez-moi vous expliquer
Je ne me sentais pas bien du tout, vous comprenez. Je transpirais abondamment. Alors jai eu lidée de prendre une douche afin de me rafraîchir et de sortir de ce malaise. Mais ça na pas réglé le problème. Au contraire, je sentais que jallais vomir dans la baignoire
- Bah !
- Quel dégoûtant !
- Écoutez-moi
Je vous en prie, ne me jugez pas
Et comprenez-moi. Je sentais bien que jamais je naurais eu la force datteindre la cuvette
Enfin, bref
Cest alors quune autre idée mest venue. Je me suis dit quil fallait que je me concentre profondément sur quelque chose de fort pour bloquer ce renvoi intempestif
Alors jai pensé au plaisir. Il me semble franchement quil nexiste pas de meilleur remède que le plaisir sexuel pour oublier tous les maux. Voilà
Jétais en train de penser à vous, à vos jolies cuisses bronzées, à vos seins animés, à vos corps de femmes épanouies et heureuses de vivre
Et je peux vous assurer que cest efficace ! Je nai plus du tout la moindre envie de vomir. Je me sens beaucoup mieux ! Certes, encore sous lemprise du cannabis, mais plus du tout malade
Et terriblement excité
Les étudiantes se regardèrent et éclatèrent de rire. Lhomme était satisfait de la tournure que prenaient les évènements. Il avait déjà oublié le malaise qui lavait conduit dans cette pièce et la situation ridicule dans laquelle les jumelles lavaient trouvé. Il reprenait confiance en lui et commençait même à simpatienter.
- Alors ? Quest-ce quon fait ? sempressa-t-il de questionner.
- Comment ça, quest-ce quon fait ? demanda lune dentre elles.
- Eh bien
ça serait dommage de ne pas profiter dune telle érection, par exemple
- Cest vrai que cest tentant, répliqua la plus libertine. Et vous croyez quy en aura assez pour deux ?
- On peut toujours essayer.
- Vous avez déjà couché avec deux femmes en même temps ? interrogea lautre sur.
- Non. Ni en même temps, ni lune après lautre.
- Ça vous excite, hein ? se moqua la plus perverse.
- Oui.
- Cest classique comme fantasme, chez les hommes, énonça lautre jumelle.
- Il ne faut jamais renier ses classiques.
- Jai constaté que vous avez pas dalliance, reprit-elle. Vous êtes pas marié ?
- Cest bizarre, à votre âge, remarqua la plus sournoise.
- Il ny a pas dâge pour se marier.
- Vous avez quand même une copine, non ? insista-elle.
- Non. Pas en ce moment.
- Ça fait longtemps que vous avez pas fait lamour ? demanda lautre sur.
- Dites, vous ne voulez pas quon discute de tout ça après ? Parce que je suis vraiment très excité, là
- Moi aussi, avoua lune.
- Bon ! Daccord, acquiesça la plus autoritaire. Mais vous avez intérêt à assurer. Parce que nous, on fait absolument tout ensemble. Alors si vous donnez du plaisir à ma sur, il faudra être aussi généreux avec moi, hein ?
- Oh, je suis dun naturel très généreux, dordinaire. Jespère seulement que vous ne serez pas trop exigeantes pour une première fois
Les filles se consultèrent un instant du regard, puis se dévêtirent devant lui sans la moindre gêne. Les anges nont jamais eu de pudeur, songea-t-il. Et cest peut-être pour ça que ce coquin de Michel-Ange aimait tant les flatter du pinceau
Hé ! Hé !, à nous trois, mes belles angelottes
Il remarqua, non sans un certain trouble, quelles se ressemblaient en tous points : épaules étroites, seins dressés, hanches rondes, ventre plat, poils de pubis rasés en une bande verticale, cuisses musclées. Mais une vision plus générale lui permit de constater que lune paraissait légèrement plus mince que lautre.
Il sortit de la baignoire. Raide de joie, car il allait faire lamour à deux jeunes et jolies filles qui nattendaient que ça. Ses yeux rebondissaient dans tous les sens pour essayer de tout appréhender à la fois. Elles attendaient côte à côte, la tête haute et les mains derrière le dos, fières de leur corps et lesprit libre. Elles attendaient en souriant quil prenne les choses en mains. Mais il restait là, sans bouger, droit et con. Il hésitait sur ce quil devait faire en premier. Les prendre toutes deux par la taille et les embrasser ? Toucher le sein de lune ? Caresser la fesse de lautre ? Mais par laquelle commencer en premier ? Comme il ne se décidait pas, la plus volontaire des deux lâcha un bon ! exaspéré, prit sa sur par la main et lentraîna dans le couloir.
- Je vous suis ? demanda-t-il en considérant avec envie leurs fesses rondes comme deux planètes déclipsées qui séloignaient de son orbite.
Elles répondirent par des rires qui rebondissaient jusquà ses oreilles et lui semblaient aussi coquins quengageants. Lespace dune seconde, ces deux jolis culs lui avaient souri en chur et son cur saccélérait. Il leur emboîta le pas, précédé dune érection impatiente. La première porte donnait sur une chambre, mais elle était vide. La suivante était la bonne. Les étudiantes lattendaient, assises sur le bord du lit, les bras et les jambes croisés à lidentique.
Elles pouffaient en regardant son sexe érigé. Lhomme songea un instant quil pouvait sagir dun rire moqueur envers ses attributs masculins. Mais il ne fit pas de commentaire et sapprocha lentement. La plus excitée des deux sagenouilla pour saisir la turgescence avec la bouche. Elle suçait si maladroitement quil sentait les dents de la gourmande. Lautre ne tarda pas à rejoindre sa sur. Il avait la vague impression que les jumelles séchangeaient son pénis comme une vulgaire sucette. Mais il se concentra sur son plaisir, les yeux fixés sur leurs mouvements de tête, sur leurs lèvres, enfouissant ses mains dans leur brune chevelure.
Les filles interrompirent bientôt la fellation pour se redresser ensemble. Elles grimpèrent sur le grand lit, remuant leurs jolies fesses à son intention, et sallongèrent sur le dos en réclamant expressément leur dû. Il fut légèrement frustré par ce brusque sevrage mais obéit à leur injonction. Il regrettait de navoir à sa disposition quune seule langue, quune paire de mains pour toucher ces offrandes, alors quil en fallait bien deux ou trois de plus afin de parcourir létendue de leurs richesses tout en assouvissant ses appétences. Il prodigua alternativement pendant quelques minutes un double cunnilingus, aussi égalitaire que possible, heureusement secondé par un index habile. Mais il trouvait cela épuisant, dautant plus quil ne pouvait lécher une jumelle sans que lautre en redemande et vice-versa. Il fut donc satisfait de constater, daprès certaines réactions physiques et manifestations orales, que lune dentre elles atteignait enfin lextase. Mais lautre soffusquait déjà, réclamant une pénétration, car elle exigeait aussi son orgasme. Lhomme nétait pas contre une intromission. Il estimait même lavoir méritée, et souhaitait jouir équitablement.
La revendicative lui indiqua un petit panier en osier sous la table de chevet. Il y découvrit un tas de préservatifs (aux goûts variés et de diverses couleurs) sous emballage transparent. Il choisit un noir à la réglisse, lenfila et pénétra doucement linsatisfaite, tout en sappliquant à caresser sa sur qui refusait de rester en dehors du coup. Il fut ainsi obligé de soccuper successivement de lune, puis de lautre, car toutes deux exigeaient son sexe à tour de rôle.
Au bout de quelques minutes, il suggéra que lune sallonge sur lautre afin de faciliter le changement de partenaire. Mais elles refusèrent catégoriquement : leur fusion était expressément réservée à leur art. Alors il leur proposa de se mettre à quatre pattes et côte à côte afin de les prendre par derrière. Lorsquune des jumelles se mit à gémir de façon ostentatoire, annonçant ainsi larrivée des spasmes significatifs, il lui resta fidèle jusquà léjaculation. Ensuite il regarda tristement lautre cul qui attendait son tour en dodelinant.
- Alors ? Et moi ? Tu vas pas me laisser dans cet état
Jai encore envie de jouir. Viens, reprends-moi !
- Allez, sois gentil, occupe-toi de ma sur.
- Mais cest que
je peux plus, là
- Quoi ? Tas déjà éjaculé ? questionna la plus autoritaire des deux.
- Cest-à-dire que
- Hé ben ! Tes un rapide, toi ! conclut-elle.
- Il faudrait que je me repose un moment avant que ça revienne
- Combien de temps ? demanda la plus magnanime.
- Jen sais rien, moi.
- Tu devrais le savoir, reprit lautre. Cest quand même ta bite. Tu devrais savoir comment fonctionne ta bite.
- On croyait que les vieux avaient plus dexpérience
- Mais ça na rien à voir ! Et jai autre chose à foutre que dobserver comment ça marche !
- Pour quelquun qui est curieux de la vie en général, cest quand même un minimum que de comprendre le fonctionnement de sa propre sexualité, commenta la plus critique des deux jumelles.
- Ouais ! Surtout celle dun homme
Parce que ça pas lair très compliqué.
- Ah ça vous fait rire, hein ?
- Cest la tête que tu fais qui nous fait rire.
- Quest-ce quelle a, ma tête ?
- Cest une tête de nud !
- Nimporte quoi ! Un rien vous amuse, hein ? Je vous croyais plus intelligentes. Vous me décevez beaucoup.
Il avisa des mouchoirs en papier sur la table de chevet, en sortit un du paquet afin denlever proprement le préservatif usagé, noua le bout de latex, puis lenveloppa avec le mouchoir quil reposa sur le meuble. Ensuite il sassit sur le bord du lit. Il ne savait plus quoi penser de ces surs sarcastiques, qui se comportaient soudain comme des gamines trop gâtées, et se demandait ce quil pouvait bien faire pour sauver la face.
- Il est peut-être pas très performant, sexclama la plus perfide, mais au moins, il est propre. Cest bien, ça.
- Ouais ! Parce que cest rare, chez les mecs
- Quoi donc, frangine ? La performance ou la propreté ?
- Mégères, va
- Oh ! Le mâle est susceptible, constata la plus féministe.
- Mais on plaisante, voyons.
- Je ne trouve pas ça drôle.
- Cest parce que tas pas dhumour.
- Disons plutôt que le vôtre natteint pas mon esprit.
- Houlà ! monsieur est difficile
- Ouais. Et le voilà qui boude, maintenant.
- Bon, vous avez fini ?
- Oh ! Regarde comme ça rétrécit
- Bahh ! Ça devient tout flasque
- Il a une petite bite, finalement, lâcha la plus ironique.
- Allez y ! Rigolez, petites idiotes. Rigolez tant que vous pouvez, si ça peut vous soulager...
- Il serait pas un peu éjaculateur précoce, avança la plus sévère ?
- Ah ? Tu crois ? Peut-être bien
- Oui, vraiment, vous me décevez beaucoup.
- Cest toi qui es décevant. Hein, frangine ?
- Ouais. Cest peut-être un beau parleur, mais dès quil faut sy mettre
- Que de la frime, ces poètes
- Laissez donc la poésie tranquille, je vous prie ! Vous ny entendez rien.
- Hé ! Cest quil va nous faire sa grosse colère
- Cest parce quil a perdu son inspiration.
- Il va falloir attendre que ça revienne.
- Vous cherchez quoi, au juste ?
- Du plaisir ! cria la plus exigeante des deux surs.
- Oui ! Du plaisir !
- Des orgasmes !
- Oui ! Des orgasmes !
Les étudiantes sétaient levées. Enlacées, elles sautaient sur le lit comme sil sagissait dun trampoline. Elles riaient et gémissaient exagérément afin de simuler un plaisir intense. Il leur demanda de se calmer, darrêter leurs bonds. Mais elles ne lécoutaient pas et poussaient des criaillements. Ces cris aigus sinfiltraient douloureusement dans ses oreilles jusque dans son cerveau, lui donnant limpression que ses tempes allaient imploser. Ces soubresauts faisaient tressaillir son cur. La température de son corps provoquait une abondante transpiration. Il tentait de calmer sa colère effervescente en serrant fort ses poings sur ses cuisses.
- Allez ! sois cool, dit lune des surs en lui ébouriffant la chevelure.
- On va se fumer un autre joint et ça ira mieux, daccord ? conclut lautre.
Elle essaya de lui titiller le pénis avec son pied avant de descendre, mais la maladroite lui écrasa les testicules. Il hurla de douleur en protégeant de ses mains ses organes génitaux. Une nuée danges passa. Les filles sautèrent hors du lit pour se pencher immédiatement au-dessus des parties sensibles. Elles voulaient voir. Mais il refusait de montrer. La coupable se confondait en excuses tandis que lautre lui assurait que ce nétait pas bien grave, que ça allait passer, quil fallait peut-être y mettre de la glace. Elles insistaient pour examiner de plus près le sexe recroquevillé dans les paumes de lhomme amer.
- Allez, laisse-nous faire. On va le cajoler.
- Oui, on va le câliner.
- Le caresser
- Le branler
- Le lécher
- Le sucer
Mais il navait pas lintention de céder à ces succubes ricanantes. Il les repoussa dun non ! si autoritaire quelles reculèrent de surprise.
- Vous me faites chier, maintenant !
- Mais ? Quest-ce qui te prends ?
- Foutez-moi la paix !
- Tes malade ou quoi ?
- Cest vous, les débiles !
Les jumelles le regardaient avec de grands yeux stupéfaits. Il leur en voulait méchamment. Ces petites connes méritent une bonne paire de gifles, lui dit une voix intérieure. Elles nont aucun respect pour toi. Les surs hésitaient pourtant entre la compassion et le rire. Mais la vue de ce pauvre quadragénaire nu, aux cheveux en bataille et au sexe flaccide, finit par déclencher chez elles un fou rire idiot. Comme tous les fous rires. Et ces éclats mutilaient sa dignité.
Il se leva brusquement et transperça les étudiantes du regard. Comprenant dinstinct que la situation ne sarrangeait pas, elles sempressèrent de lui tourner le dos afin docculter cette scène qui savérait si comique. Mais sans succès. Leurs gloussements se poursuivaient interminablement. Il perdait patience. Il se sentait ridicule. Humilié. Une sorte de nausée lenvahissait. Ses pensées dégénéraient. Ces culs hypocrites, auparavant si sympathiques, naffichaient plus quun sourire moqueur face à son impuissance. Il faut que tu en finisses avec ces deux rictus indécents, lui dit la voix intérieure.
Il bouscula les jeunes femmes et partit en courant dans la salle deau afin de récupérer ses vêtements. Dans le reflet du miroir suspendu au-dessus du lavabo, il aperçut un lâche shabiller rapidement. Un froussard familier qui, une fois encore, préférait senfuir plutôt que de faire face. Ils se défièrent un instant du regard.
Les jumelles étaient restées une bonne minute dans lexpectative. Lune préconisant lattente sereine, lautre suspectant le pire. Finalement, ne le voyant pas revenir, elles prirent la décision daller voir ce quil faisait. La porte était ouverte. Leur regard fut immédiatement attiré par quelque chose que lhomme tenait dans son poing fermé. Au moment où elles entraient dans la pièce, il fit jaillir la lame dun couteau à cran darrêt. Elles se pétrifièrent instantanément. Les yeux fixés sur la lame. La bouche béante et muette dincompréhension. Elles ne savaient quoi penser de la tournure que prenaient les évènements, sil sagissait dun jeu ou bien dune intimidation quelconque. Leurs prunelles sinterrogeaient à toute allure. En définitive, comme il arrive parfois dans les drames, la plaisanterie vint soulager la tension :
- Cest pas le moment de bricoler, lança la plus téméraire.
Lhomme ne répondit pas et sapprocha delles, les bras le long du corps, tenant le couteau pointé vers le sol. Un étrange sourire était crispé sur son visage tandis que ses pensées fluctuaient dans le chaos le plus total. Les étudiantes, qui préféraient toujours voir le bon côté des choses, senvoyaient des illades interrogatives, attendant avec impatience la suite du canular. Il leur ordonna de se retourner et de se pencher en avant, les mains appuyées sur le fond de la baignoire. Elles obéirent en ricanant, simaginant que leur invité désirait assouvir un quelconque fantasme. Il reluqua avec un sentiment de puissance ces culs railleurs. Les jumelles eurent le temps déchanger une dernière plaisanterie ironique au sujet de la virilité de leur invité. Il reçut violemment la boutade comme un dernier outrage. Et embrocha indifféremment lune des surs, puis lautre.
Lhomme erra une bonne heure dans les rues, réfléchissant confusément à lacte irréparable quil venait de commettre. Sa conscience ne le lâchait pas : toi qui nas jamais fait de mal à personne
Comment as-tu pu faire une chose pareille ? Il se demandait ce qui allait se passer à présent. Finalement, une idée lui traversa lesprit. Il entra dans un bar et repéra une table isolée dans un coin. Cest parfait pour ce que je vais faire, se dit-il. Il regardait autour de lui en attendant le serveur. La vie continuait normalement, alors quil venait certainement de tuer deux jolies filles innocentes. Il commanda une bière quil but en deux longues gorgées. Puis une autre, quil prit le temps de déguster. Il avait dabord songé quen se soûlant il aurait peut-être le courage daller se dénoncer à la police, mais il avait déjà du mal à terminer sa seconde bière, alors
De toute façon, les empreintes dans lappartement et le préservatif quil y avait laissé constituaient des preuves irréfutables de sa culpabilité. Eh bien voilà, se dit-il. Il ny a plus quà laisser faire. Cest quand même plus facile dattendre que la police fasse son travail.
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