Jai commencé à compter les moutons au milieu de la nuit. Et quand il y en a eu assez, jai tricoté des chaussettes, une écharpe et puis un pull.
A quatre heures du matin, jattaquais un manteau mais le énième mouton a refusé de se laisser tondre et tout est parti en vrille.
Mon amant sest pointé et jai pas su quoi lui dire. Javais pas préparé de discours, alors jai récité lalphabet.
Bien sûr, ça sert à rien lalphabet.
Bien sûr jaurais pu lui parler, lui raconter les moutons, les nuits sans sommeil, les « je taime » qui trébuchent, qui se cognent contre les murs, les fantômes de nos nuits qui dansent dans la chambre.
Bien sûr, jaurais pu lui dire tout ça, la douleur et labsence.
Mais on ne dit pas ces choses-là entre deux chaussettes et un pull.
Et peut-être quon ne les dit pas tout court.
Jai demandé à un mouton de le raccompagner et je suis retournée à mon tricot.
Quand je me suis réveillée, jétais habillée pour lhiver.
*****************
« Topaze dicte en se promenant.
Des moutons... des moutons... étaient t-en sûreté... dans un parc ; dans un parc. (Il se
penche sur l'épaule de l'Elève et reprend.) Des moutons... moutonss... (L'Elève le
regarde, ahuri.)
Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Etaient (il reprend avec
finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y avait plusieurs
moutonsse. » (Marcel Pagnol)
http://www.musikiwi.com/paroles/barbara-insomnies,25396.html
↧