Journal de bord
Quand on a compris que l'univers est de la matière qui se crée dans un rien qui constitue un tout, alors on n'est plus surpris de rien... C'est ce que je me disais parce que j'étais perdue entre le tout et ce n'était pas rien. Et je faisais comme si, mais ca devenait de plus en plus difficile. John, extérieurement restait le même, son éternel costard gris, sa cravate légèrement dénoué et toujours l'imper sur le bras quand il arrivait. Prestance, belle gueule, il assurait grave et il le savait. Il en avait toute une cour de petite nanas autour de lui. Mais il venait finir ses nuits ici. On s'était reconnus, on s'imbriquait bien ensemble. Entre solidaires ca le faisait. Même si je savais qu'il avait pas oublié sa Natalia.
Je crois bien que ca a commencé le jour où ce type est parvenu à le contacter. En vrai taciturne, Black a mis un moment avant de m'en parler. C'est sur que c'était un foutu merdier. Il croyait assouvir son champ culturel qu'il m'a dit... Déjà là, ca aurait du me mettre une puce à l'oreille, ca lui ressemblait pas. Il devait retrouver un fake créé par un illuminé, ce clone s'était échappé pour aller se réfugier sur un site assez commun... J'ai cru à une blague, qu'il me faisait le coup du Docteur Jekyll et M. Hyde... Mais non, il parlait comme cela... On aurait dit un chimpanzé (c'est le nom donné aux hommes dans notre réalité). Comment il avait pu accepter cette mission de reconduite à la frontière, c'était déjà suspect.
Et pis il s'en sortait pas pour retrouver l'historique des cookies de connexion sur le site. Il arrivait pas à retrouver la trace de ce transfuge, Weekly la fouine pas mieux. C'était leur premier fiasco. Alors il a commencé toutes les nuits à m'en parler, c'est devenu une obsession. J'avais déjà connu quelques uns de ces coups de blues mais là, ca s'éternisait. C'est là que j'ai su que ce fake était allé se réfugier dans une corbeille, même que ca avait provoqué une émeute qu'à pas durer, et après être allé chez les Ubuntu, une rose l'avait hébergé...
Mon John s'est alors mis à contacter des roses. Je ne le savais pas botanique... ! Il s'est aperçu que son ton désabusé, narquois et cynique passait pas, alors pour se rendre populaire et sympathique, il s'est adonné en dilettante à la poésie et puis à l'écriture. Il venait pu chez moi pour passer un bon moment mais pour me piquer mes mots...pour aborder toute à chacune. J'l'avais en travers de la gorge. De désabusé il devenait sirupeux et sentimental, je ne le retrouvais plus. Il était pris par une irrésistible envie pseudo-génétique de tisser un bout de toile et ca hantait toutes ces journées qu'il passait enfermé dans le disque dur du PC. J'ai fini par comprendre que le fake s'était emparé de lui.
Alors j'ai employé les grands moyens même si ca impliquait un risque de dissolution. Mais bon j'l'avais dans la peau, alors j'ai essayé le tout pour le tout. Il me fallait provoquer une réaction d'oxydo-réduction. Le seul moment possible était lorsque nous serions en pleine jouissance l'un l'autre simultanément. Le transfert des chocs amoureux pouvait provoquer un transfert également d'électrons et Zirconium s'emparerait ainsi de moi. Blacksad, libéré de toute emprise pourrait, en toute lucidité retrouvée, prédire l'existence de corrélations spatiales non-triviales dans la dynamique locale des systèmes étudiés et ainsi capturer des phénomènes essentiels pour la compréhension microscopique de cette dynamique vitreuse.............................................................................
Ainsi s'achève le journal d'Alma Mayer, dans ce galimatias pseudo-scientifique et incompréhensible dont il n'est même pas nécessaire de relever les incohérences que vous avez tous remarqués. La dissolution, elle, fut cependant bien réelle, Alma Mayer fut aspirée dans un trou noir. Avant son anéantissement total, ses derniers mots furent... "chaines entravées"... mais je ne suis pas sur que ce soit ses mots ou ceux de Zirconium qui lui aussi disparut lamentablement, n'ayant pas eu le temps de se créer un autre passage.
Blacksad avait fini sa mission, mais il lui en restait un goût amer car il n'en avait aucun mérite. Il repartit la queue entre les jambes...
C'est la raison pour laquelle vous ne retrouverez pas cette aventure dans son prochain opus. Personne non plus ne savait précisément avant ce jour dans quelles circonstances imprévues, l'histoire de John Blacksad et d'Alma Mayer avait pris fin. Mais il ne me semble pas anodin que ses prochaines aventures qui sortent le 17 septembre se nomment "l'enfer, le silence".
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