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Elle boit, elle cause, elle drague, mais elle sait pas... par Chaipakichui

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Dédé l'Embrouille était un type pas catholique. Les Evangiles il les avait pas lus, ne se prenait ni pour Judas ni pour Jésus-Christ, quoi qu'en dise certain brillant chroniqueur du 21e siècle, féru de vélo, dans la rubrique "vie spirituelle" d'un média interlope dont je tairai le nom. Comme on a tenté de vous le faire croire tous ces derniers jours, il n'avait pas non plus fréquenté Emma la Rousse, tenancière de clandé, laquelle ne s'était pas fait suriner par une rusée gagneuse nommée Ginette. Ce n'était pas une rombière déguisée en gonze, n'avait pas des yeux de matou qui chie dans la braise, ce n'est pas lui qui a créé pointscommuns.com, il n'avait pas déshérité son fils et ne l'avait pas été par son père, n'était pas un félin fils de boucher, j'en passe et des meilleures. Dédé, je l'ai rencontré dans les années cinquante à Paname, quand j'avais encore des appas genre 95-52-95, le tour de tête j'ai pas vérifié, mais je me croyais des neurones en état de marche (c'était au siècle dernier). J'avais une bonne descente classieuse - tout au Dom Pérignon - je parlais peu mais bien, et on se bousculait dans mon carnet de rendez-vous. Laissez-moi vous narrer son authentique histoire, du vrai vécu de source sûre : il n'était pas né de la cuisse de Jupiter, mais presque. Un p'tit gars de la haute, des beaux quartiers, qui avait tourné vinaigre. Son père lui avait appris les bonnes manières à coups de lattes en peau de kangourou de chez Hermès. Il en avait gardé une sorte d'incapacité au respect pour tout ce qui venait du 16e arrondissement en particulier, et pour tous les animaux à deux pattes en général. Dès sa majorité, il s'était recyclé dans les bas-fonds, là où pour exister fallait pas sortir de Normale Sup'. Là, il était devenu The Best. Il n'avait rien du baltringue, on le respectait, on l'admirait. Plus beau, plus drôle, plus élégant, plus malin, bref plus grand que la moyenne, il attirait le grisbi, les cibiches, le whisky et les p'tites pépées mieux que l'aimant, la ferraille. Mais il avait, comme tout un chacun, son talon d'Achille, qui fut sa perte. Toutes les ladies, toutes les greluches étaient folles de lui. Mais Dédé s'en battait les roubignoles comme vous de votre première sucette (bon, là, je m'avance peut-être). Une fois pour toutes il s'était blindé le palpitant jusqu'à l'ECG plat. J'éviterai de créer un embouteillage dans votre boîte à phosphore en vous racontant comment j'ai moi aussi connu la volupté - mon corps de rêve, pas mon esprit - dans les bras de Dédé. Pendant sept ans, "on a fait chambre commune mais rêve à part". Je vous dis pas combien il m'en a coûté en tonnes de kleenex pendant ces sept ans, et plus encore, quand il m'a eu fait savoir que ma cote à l'argus, pour lui, n'atteignait plus le plancher requis. D'ailleurs ça vous intéresse pas, je suis encore personne pour vous (notez bien que pour me-myself, pour savoir qui je suis, me faudrait plusieurs vies...) Mais je m'égare. J'aurais voulu vous la faire courte, mais c'est pas facile. Vous savez ce que c'est, on se lance, on croyait qu'on n'avait rien à dire et puis on s'emballe. Bref je poursuis : juste après qu'il m'eût larguée, il rencontre cette rouquine affolante et cette fois-là, c'était l'objet de son désir qui avait le palpitant ailleurs. Ce qu'elle voulait, c'était lui mettre la bague au doigt (un bouchon de carafe de préférence), en faire son légitime, et pour finir : palper l'oseille du daron. Elle savait s'y prendre, fallait voir comme elle alternait le chaud et le froid, un vrai mitigeur survolté. Pendant plusieurs mois elle nous a fait souffrir, la garce. Dédé et moi dépérissions chacun de notre côté, pour des raisons différentes. Comme quoi l'excès ou le manque peuvent vous bousiller la santé kif-kif. Ma réserve de kleenex était à renouveler constamment. Mais je croyais qu'il allait se ressaisir, que la Lumière pouvait encore lui rendre la vue et le ramener à ses non-sentiments pour moi. Jusqu'au jour où... Il a craqué, lui a promis la bague et tout les dommages collatéraux qui vont avec. C'était pire que la fin d'une mélodie en sous-sol : mes rêves, je les regardais flotter dans l'eau calme, sans pouvoir tendre la main pour les récupérer, fallait même simuler l'indifférence, même pas s'intéresser. Alors j'ai pris le petit joujou à crosse de nacre que Dédé m'avait offert comme cadeau d'adieu (il espérait sans doute que je me ferais sauter ce qui me servait de cervelle). Et c'est lui que j'ai descendu en plein vol. J'ai pris vingt ans. Vous vous en foutez ? Moi aussi. Même pas pleuré. Enfin, je crois, j'ai tendance à tout oublier, ces temps-ci. Toujours est-il qu'à elle, il ne lui restait plus qu'à dire adieu à l'héritage...

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