Mon Chéri,
Peut-être seras-tu surpris de trouver cette lettre en rentrant ce soir. Tu vas sans doute te dire, mais pourquoi donc une lettre alors qu'elle rentre seulement une heure après moi et qu'elle aurait pu tout me dire de vive voix ?
Mais justement ma voix n'en peux plus, ni mes nerfs d'ailleurs, et j'aurais peur de me laisser emporter, d'autant que ce serait dommage et pas justifié si on s'en tient à la gravité des faits. J'ai l'espoir que le caractère plus emphatique de l'écrit te fera rentrer tous les mots dans la caboche. Il y a belle lurette que je voulais le faire, mais à chaque fois mon naturel spontané et un poil impatient a été le plus fort et m'a fait donner de la voix jusqu'à ce que je la casse...
Je sais qu'à l'adolescence les garçons ont besoin d'énergie, déjà nourrisson tu avais une manière très gloutonne de me sucer l'aréole comme si tu pompais toutes mes humeurs, sang et lymphe comprises. A la fin de l'allaitement j'avais tellement maigri qu'il fallait que je m'habille au rayon fillette.
Arrivé en maternelle, partir le sac bourré de biscuits ne t'empêchait pas de voler ceux des petits copains derrière le dos de la maitresse. La brave femme n'a jamais rien soupçonné, elle te te prenait pour un petit saint à qui il ne manquait que l'auréole. Et puis comment imaginer en voyant ta silhouette fine sans l'ombre d'un bourrelet, que tu puisses être cet ogre dévoreur ?
Les années ont passé, tu aurais pu tout en restant vorace devenir un peu plus respectueux des autres et en particulier de moi. Même si on ne peut pas dire que tu sois méchant, ni même que tu sois revêche, tu es plutôt un gai luron qui a l'air de tout prendre à la rigolade et qui sait que dire oui n'engage que celui qui croit la promesse.
Mais je suis arrivée au bout du bout et j'ai des envies de meurtre ! Oui, tu as bien lu de MEURTRE !
Je me sens capable d'occire mon joli chérubin bouclé aux yeux d'azur !
Marre de me faire piétiner par un morveux que j'ai élevé à la force du poignet ! Je me ferai respecter une bonne fois pour toute ! Je ne finirai pas larve après avoir été la nymphe adulée de ton naturaliste de père ! ( paix à son âme, mais lui m'aurait sans doute fait remarquer avec l' oeuil qui frise que passer de nymphe à larve, c'est rajeunir... )
Et si par hasard, je me trouve dans l'incapacité de te massacrer, je te déshérite sur le champ, en ne te laissant rien, pas même les vêtements que tu portes !!! Je suis sympa, y'a un camps naturiste à 100m de la maison...
Alors pour la DERNIÈRE fois, je te demande de ne pas finir MON jus de fruit lorsque tu as déjà bu le tien et de me laisser une petite tranche de pain à griller au lieu de toutes les engloutir.
Tu as vu, j'ai gardé mon calme, je n'ai pas crié...
Je t'embrasse comme je t'aime, mais si je t'aime prend garde à toi !.
Maman
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