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La perte du double L par Seleucie

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Il fut un temps où les jeunes femmes étaient des créatures évanescentes pourvues d’ailes diaphanes qui tombaient après le vol nuptial en les condamnant à une vie d’obscurité au sol. A l’époque, on les appelait Mademoiselle tant qu’elles étaient virginales et pures et Madame quand elles avaient atteint le statut socialement désirable mais individuellement hasardeux d’épouses et de mères. Il fut un temps où les jeunes gens se forgeaient une expérience en butinant auprès de diverses fleurs épanouies et continuaient à l’enrichir après avoir juré fidélité et protection à une jeune femme. On les appelait Monsieur tant qu’ils n’avaient pas goûté aux joies de l’hymen et on continuait à les appeler Monsieur ensuite. Il fut un temps…jusqu’à hier. En effet, une circulaire de Matignon datée du 21 février invite les ministres et les préfets à "donner instruction" aux administrations "d'éliminer autant que possible ( ?!) de leurs formulaires et correspondances les termes 'mademoiselle (remplacé par madame), nom de jeune fille (remplacé dans le code civil par nom de famille depuis une loi de 2002, quand même), nom patronymique, nom d'épouse et nom d'époux (remplacés par nom d’usage)'". En ces temps d’économie, les administrations sont autorisées pour montrer l’exemple à continuer à utiliser les formulaires existants jusqu’à épuisement des stocks, mais pour le reste, la réforme est en route. Un tout petit pas pour la lutte contre la discrimination, mais un grand pas pour l’administration, tout de même ! Un grand pas qui va permettre, peut-être, à une femme lorsqu’elle remplit un papier de ne plus se faire rappeler au postulat inconscient qu’elle ne quitte la protection de son père, à qui elle doit son nom de jeune fille, que pour rejoindre celle de son mari, qui lui donne son nom d’épouse. Peut-on imaginer que cette évolution administrative, qui ne fait que reconnaître enfin la réalité juridique, trouvera un jour son pendant dans la cérémonie du mariage ? Imagine-t-on que, à l’issue de son discours de félicitation, le maire demande un jour aux nouveaux époux à qui il doit remettre le livret de famille (au lieu de l’attribuer solennellement au chef de famille embarrassé qui se hâte de le confier au réticule de sa douce) ? Imagine-t-on, enfin, de ne plus voir un jour la longue parade de la mariée en blanc immaculé conduite par son père le long de l’allée centrale de l’église jusqu’à l’autel où l’attend le bras de son époux ? Symboles furtifs, irréfléchis, dérisoires… mais songez aussi au soulagement de la vieille fille qui ne rougira plus de remplir un formulaire en cochant la case « Mademoiselle », dévoilant ainsi qu’elle est restée sur l’étagère, comme un article incasable. Un petit regret quand même « Zézette, usage X », ça ne sonne pas aussi bien, si ?

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