"JE LUTTE DES CLASSES" par Jules Elysard

Manif à la Bastoche. Vu un fort contingent CNT. Et les légions de la CFDT, fort revendicatives. Mais le plus réjouissant pour moi a été un autocollant qu’arboraient nombres de manifestants : « JE LUTTE DE CLASSES ». Cette affirmation pouvait côtoyer sur les poitrines les signes d’obédience habituels (PCF, CGT, etc…). CFDT, je ne sais pas, mais je n’ai peut-être pas bien regardé. Car son cortège, bruyant, semblait avoir retrouver ce ton ludique qui avait fait son succès autrefois jadis naguère. Mais d’un autre côté, cette centrale semble disputer au MODEM la couleur orange et sa place au centre. Et pendant que j’écris ces lignes, j’entends François Chérèque (dans C dans l’air) répondre à une question d’Yves Calvi sur la lutte de classes. Seuls les manifestants de l’Education Nationale pratiquent la lutte des classes, rétorque-t-il avec son sens de l’à-propos. « JE LUTTE DE CLASSES », donc. Cette affirmation peut sembler facile. D’ailleurs je l’emploie moi-même de temps en temps. Elle ferait ricaner Yves Thréard ou Alain Minc, et c’est déjà ça. Mais si cette assertion semble facile, c’est parce qu’elle est évidente. D’une part, c’est « l’évidence même », poétique, de Paul Eluard (le poète préféré du Président Pompidou). Et d’autre part, c’est aussi une évidence historique : la LUTTE DE CLASSES existe, pas seulement comme on croit, et ce sont les possédants qui l’ont commencée. Jean Jacques Rousseau, Adam Smith et Karl Marx en ont dit quelques mots. La formule ACCUMULATION PRIMITIVE décrit assez bien le phénomène. Plus récemment, Raoul Vaneigem parlait d’APPROPRIATION PRIVATIVE. La LUTTE DE CLASSES, ce sont les possédants qui l’ont commencée et qui la perpétuent. Et les possédants font semblant de s’indigner quand les possédés se mettent à la pratiquer. Notez les deux acceptions de « possédé » dans la langue française : dominé, trompé, dupé, d’une part ; et tourmenté par le démon, d’autre part. Il va sans dire que la LUTTE DE CLASSES est aussi un jeu, un drôle de jeu, un jeu dangereux, et que son enjeu est le sort de l’humanité. J’entends soupirer Yves Thréard et Alain Minc : les plus choses seraient bien plus simples si les gens confiaient sans rechigner leur sort sans rechigner à des experts. « JE LUTTE DE CLASSES » : je ne sais pas à qui je dois cette excellente initiative d’avoir rappelé cette évidence. Et je suis preneur de toute information qui me permettrait de féliciter ce groupe de résistants.