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Jeu de miroirs et extraterritorialité par Jules Félix

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Le principe du miroir est un sacré phénomène. Il est souvent utilisé pour déterminer l’intelligence des animaux, ou leur bêtise. Je connais un matou, par exemple, qui ne savait pas ce que c’était et qui grognait contre sa propre image dont il craignait le moindre mouvement à côté d’une armoire à glaces. Les bébés l’utilisent aussi pour comprendre le monde. En voyant leur image se refléter, ils peuvent ainsi se comparer avec les autres, et cette introspection basique est la première étape d’une compréhension future du vaste univers qui est le leur. Ce qui est valable pour les bébés l’est aussi pour les astrophysiciens qui ont réussi à prouver un truc dément, qu’il y a de la vie sur Terre. D’un premier abord, c’est assez ballot de dire cela puisque cette vie, à condition déjà de bien la définir, ce n’est pas très simple, elle est là, sous nos yeux, foisonnante d’énergie, de dynamisme, d’étrangeté… Mais justement, admettons que nous ne soyons pas là mais ailleurs, ailleurs que sur Terre, comment pourrions-nous savoir qu’on y vit, sur cette planète ? Vous imaginez bien que cette question est essentielle, pas pour décompter les sept milliards d’êtres humains mais pour imaginer découvrir un jour une seconde terre habitée, une autre forme de vie sur ce qu’on appelle une exoplanète, à savoir, une planète (satellite d’une étoile) issue d’un autre système solaire que le nôtre. Depuis une dizaine d’années, grâce à la précision de nos instruments d’observation, les astrophysiciens en ont déniché déjà quelques huit cents et il est estimé qu’il doit en exister des milliards rien que dans la Voie lactée (après tout, il devrait y en avoir bien plus que d’étoiles elles-mêmes). Ce n’est pas mal, mais pour aller voir un peu plus près ce qu’il s’y passe, c’est assez difficile. La principale difficulté, justement, c’est qu’à ces échelles de distance, le rayonnement de l’étoile de l’exoplanète est si intense qu’on ne voit plus grand chose. L’un des responsables de l’étude dont je suis en train de parler, Stefano Bagnulo, propose cette comparaison : « La lumière d’une exoplanète distante est très largement noyée dans la lumière éblouissante de son étoile. Elle est de ce fait difficile à analyser. C’est un peu comme vouloir étudier un grain de poussière à côté d’une puissante ampoule électrique ». Alors revenons à notre miroir. Vous savez que lorsque vous regardez la Lune, vous regardez en fait le Soleil. Enfin, la lumière que vous voyez est le reflet de la lumière du Soleil sur la Lune, qui revient sur la Terre. C’est d’ailleurs la raison des différentes phases de la Lune (nouvelle lune, pleine lune et tous les croissants miam miam qui s’y intercalent) que vous pouvez facilement simuler avec des clémentines et une flamme de bougie ou de briquet dans le noir. En fait, ce n’est pas seulement la lumière du Soleil. Il y a aussi une partie de la lumière… de la Terre. Enfin, pas vraiment celle de la Terre. De la lumière du Soleil qui a réfléchi sur la Terre et qui est allée sur la Lune (c’est-à-dire, l’effet inverse de notre observation de la lune pour les luniens). Eh bien, cette lumière-là, elle se réfléchit aussi de la Lune à la Terre, dans une sorte de jeu de miroirs interplanétaires. Je reprends le chemin de ce rayonnement : émis par le Soleil, il va sur la Terre, qui se reflète sur la Lune qui, elle-même, le reprojette vers la Terre. Or, ce rayonnement contient des informations précieuses sur la présence de nos vies, "nos" dans un sens biologique très large, je mets les bactéries dans le même groupe ! Ils ont utilisé l’effet de polarisation de la lumière pour déceler des traces de processus de vie, comme le méthane, le dioxyde de carbone, l’oxygène, l’ozone… Ainsi, se mettant dans la tête d’un habitant de Sirius (cher à Voltaire), les astrophysiciens impliqués ont réussi à conclure, avec cette méthode, qu’il y avait des molécules d’eau dans l’atmosphère terrestre, qu’il y avait des océans, qu’il y avait de la végétation sur les continents, et que tout cela était assez hétérogène. En gros, ils ont découvert qu’il y avait de la photosynthèse à la surface de la Terre. Tout l’intérêt de l’observation, c’est que cette méthode, qui a confirmé des évidences sur ce qu’il se passe sur notre bonne vieille Terre, va être d’une redoutable efficacité pour en savoir un peu plus sur les exoplanètes lointaines. Stefano Bagnulo explique ainsi : « La lumière réfléchie par une planète est polarisée, alors que celle de l’étoile ne l’est pas. Aussi, les technique de polarimétrie nous aident à distinguer la faible lumière réfléchie par une exoplanète dans l’éblouissante lumière d’une étoile ». C’est donc là l’élément clef, la lumière polarisée ! Dans le passé, j’avais évoqué la polarisation du vide : http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=89503 C’est un peu différent ici : la lumière polarisée est une lumière dont les champs électriques et magnétiques sont anisotropes, c’est-à-dire qu’ils ont une orientation particulière dans l’espace au contraire d’une lumière non polarisée dont les composantes n’ont aucune direction précise. C’est le principe du cinéma en trois dimensions, on polarise l’image différemment pour l’œil droit et l’œil gauche et avec des lunettes filtrantes, l’œil ne reçoit que l’image voulue. C’est un peu cela que les astrophysiciens viennent de faire en observant uniquement la lumière polarisée provenant de la Lune issu du reflet de la Terre. Inutile de dire que cette convaincante démonstration va être très utile dans la recherche de vie extraterrestre… à condition qu’elle se métabolise un peu de la même manière que sur terre. En effet, rien ne prouve que l’oxygène, le carbone et l’azote soient les éléments clefs de cette vie extra-utérine, et d’autres atomes pourraient très bien être candidats à cette bien étrange recherche, en particulier le silicium. Vivement la suite…

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