Chère Marie,
Quand j'écoute cette jolie chanson de Loane sur mon lecteur MP3, je ne peux me retenir de penser à toi, ces quelques paroles qui ont l'air de rien, mais qui me touchent au plus profond de moi :
« Tes yeux brillent tant Es-tu heureux? Qu'as-tu fait de tes rêves? »
Sais-tu que le chef clinique du service d'oncologie Hélène m'avait dit que je m'étais trop attaché à toi ? qu'il ne fallait pas, que cela ne faisait pas partie de notre profession.
Sais-tu qu'on parlait de toi, de ton être, de ta joie de vivre, de tes douleurs, de ta souffrance, de ta vie d'être humain quand tour à tour, nous avons analysé méthodiquement et commentés froidement tes radiographies, tes analyses biologiques et biochimiques à l'occasion de cet ultime "staff".
Dans un silence glacial, le professeur Bouvier avait décidé qu'on devait stopper les perfusions de morphine, le soir de ta plongée dans le coma.
L'interne Chantal qui m'encadrait m'a conseillé de faire un tour et de ne pas faire de commentaires. Sais-tu que je lui ai dit sans retenue d'aller se faire voir ?
Les jours suivants, le professeur Bouvier m'a présenté à madâme Bernadette Chirac, cachée derrière son sac à main Hermès et ses lunettes de soleil Gucci, j'ai alors signé l'arrêt de mort de ma carrière en lui parlant dans le désordre de son mari, de la bière Corona, du japon, des sumokas, et de son compte en banque qu'il détenait à Tokyo, et qui pouvait amplement financer à lui seul le système de santé en France, ce qui lui épargnerait de faire sa mijaurée à la télé et de s'exhiber de façon éhonteuse dans des émissions dignes de l'ORTF, bien entendu, elle l'a mal pris, surtout que j'ai refusé de lui serrer la main.
Je suis allé te parler pour t'accompagner dans ton dernier sommeil, pour partager avec toi de jolis souvenirs et de projets que tu avais comme de voir un jour Zidane et de vivre avec lui comme tu l'avais imaginé maintes fois avec tes Playmobils.
Sais-tu qu'un jour j'ai surpris Chantal dire à propos du petit Mamadou atteint de saturnisme que tous les négrillons ici n'ont pas leur place dans ce service, tu vois comme quoi on peut exercer un superbe métier et être d'une veulerie sans nom.
Rappelle-toi, un soir de pluie entre deux prises de médicaments, tu m'avais demandé ce que signifiaient la gauche et la droite en politique, je t'avais dit à l'époque avec ma tête pleine d'eau que les gens de gauche était de gens bien, et ceux de droite des salauds en puissance.
Depuis, le temps s'est écoulé, l'eau a chauffé, et je me suis aperçu que tous les patrons n'étaient pas tous des personnes infréquentables, et certains gauchistes étaient parfois pitoyables, mesquins, calculateurs, méprisables et méprisants, et avides de pouvoir (non je ne fais pas allusion au congrès de Reims).
Es-tu heureuse là où tu es Marie ? as-tu trouvé un amoureux ? Peut être t'es tu réincarnée en ouran-outang ?
Tu imitais si joliment le petit singe quand je mesurais ta tension artérielle...
Je t'embrasse fort, chère Marie. Prends soin de toi.
Jimmy
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