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sur la musique de l'art du sculpteur.... par Warikaduna

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Nous n'avions pas rendez vous, juste, ce matin là, il avait le droit de retourner voir quelques pièces et moi de l'accompagner, puisqu'il m'y avait conviée...ce qui, si j'ai bien compris, n'est pas donné a tout le monde, seulement aux artistes..... Le lieu est singulier; il y flotte un "je ne sais quoi" qui tient peut-être aux morceaux de sculpture, abandonnés de ci, de là..enfin, on le croirait bien, et qui attendent simplement leur mise en place, leur finition, leur patine...quelques membres entassés, une enfant tranquille assise de guingois, lisse, le regard vide et pourtant si vivant....une corne de rhinocéros, deux, trois jambes, un cadre de vélo, la moitié d'une femme, quelques têtes, des enfants sages et bien habillés, un cheval hennissant, l'idée encore dans le moule d'un moteur d'engin, laissé pour compte...en vrac, des bouts de pensées, des filaments de sentiments, un banc de tendresse sur lequel s'enlacent deux amoureux....des choses, du jus de cerveau sur une musique de silence feutré, cassé par le bruit des outils.....c'est ça la fonderie Barthélémy à Crest...les gens qui y travaillent, plutôt qui pratiquent leur art au service de l'artiste, sont tous silencieux dans leurs gestes et l'attention qu'ils portent à leur ouvrage...ils ont le regard brillant, le geste sûr dans la ligne d'une soudure, ils aiment ça et ça se sent....du moins de ce que j'ai pu en voir, moi qui suis une néophyte et n'y connais absolument rien...... Il y avait une très belle jeune femme, de chair et de sang, qui assemblait une très belle jeune femme de bronze celle là....dans une concentration de silence...j'avais envie de lui parler, je l'aurais dérangée.... J'ai aimé l'endroit ou l'on coulait le métal, zappé les explications techniques pourtant si nécessaires, et serait volontiers restée collée aux cylindres dont la chaleur irradiait avec bonheur mon dos....et puis, je l'ai vu : pas très grand, mince et sec, un peu vouté comme aspiré de l'intérieur. Un grand tablier descendait jusque sur ses chevilles...il roulait une cigarette dans ses doigts nerveux....j'ai été frappée par ses yeux très larges, bleus et profonds.....je l'ai pris pour le chef d'atelier peut-être à cause de sa dégaine, à cause du clope...? et..je lui ai demandé ce qu'il faisait là....il a froncé les sourcils....l'ami qui m'accompagnait m'a dit tout bas : "c'est lui, l'artiste dont tu aimes tant le travail....."quelques mois auparavant, j'étais tombée en arrêt devant une de ses sculptures dans une galerie :" l'homme explosé" et pourtant en marche m'avait cogné au plexus tellement il me touchait dans ce qui, a ce moment là, me renvoyait de ce que je vivais...je l'avais photographié, de nuit, cette sculpture et mal à cause des reflets de la vitre....l'homme qui l'avait crée, était là devant moi...il venait vérifier ses pièces, donner un dernier avis...poser un détail qui fera que chacune sera unique , penser l'allure définitive et laisser le maître d'ouvrage (mais ce n'est peut-être pas comme cela que l'on doit dire), couler enfin le métal pour que l'oeuvre soit parfaitement à son idée.....ses sculptures sont à son image avec une curieuse ressemblance du visage décliné a l'infini : c'est lui, l'homme qui marche, déchiré et qui a perdu une partie de son être au cours du voyage. Il avait commencé a m'en parler mais nous n'avons pas eu le temps...le bronze n'attend pas...une autre fois peut-être. Mes semelles, elles, étaient de plomb et je serais bien restée ainsi à m'imprégner des sensations....pour un petit moment de plus.

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