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Dites le avec des fleurs par Broglancien

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Il y a des gens qui vous laissent tomber un pot de fleurs sur la tête d'un cinquième étage et qui vous disent : « Je vous offre des roses. » C’est exactement ce que j’ai ressenti quand je l’ai rencontrée. Les roses, c’était à la fois un regard et une bouche…Au moment où ça arrive, vos yeux ne regardent plus nulle part ailleurs ! Captifs et fascinés ! Le regard d’abord…Un regard à vous déboîter l’œil de son orbite, à générer dans la zone de Broca, une irruption de mots obscènes, à vous transformer à la seconde même en un être concupiscent et baveux malgré vous, même si vous aviez jusque là un comportement de Bernard l’Ermite, voire d’huître perlière. Plus rien ne vous appartient, vous n’émettez plus qu’une espèce de coassement tant qu’un peu de civilité vous habite, d’autant que vous avez cette impression irréfragable mais hélas, illusoire, d’être le récipiendaire d’une obole, d’être le dieu païen à qui elle fait l’offrande de son corps, un corps dont étrangement vous ne savez rien, que vous n’avez pas envie de connaître plus avant ! Non, car il ne peut être qu’un don –j’allais dire du ciel- de l’enfer… et comme l’a dit Brassens un de ces corps « pourvu des mille appâts qui vous font prendre feu dès qu’on y touche ». Non, la question ne se pose pas : c’est évident ! Mais vous ne le savez pas ! La promesse est là, toute entièrement contenue dans ce regard qui comme une serre de rapace vous a agrippé la gorge ne vous laissant comme seule liberté qu’un mouvement alternatif vertical de votre glotte ! Et puis il y a la bouche ! Une bouche qui vous fait douter d’avoir jamais aimé, jamais embrassé. Vous regardez mentalement ailleurs pour vérifier dans votre mémoire, et vous vous dites, c’est pas possible, je ne savais pas que « ça » existait !… L’artiste qui somnole un peu en chacun de nous se dit « il faut que je la dessine, que je la photographie, que j’en fasse une épreuve grand format, un moulage pour la postérité… ». Mais si sur le devant de la scène, les prétextes artistiques se bousculent à grands coups d’icônes et de sculptures, dans le cortex frontal, ça bouillonne, ça frise l’éruption, le feu n’y couve plus, il va exploser. Et peu à peu, l’imagerie mentale artistique s’estompe, et si les yeux ont perdu leur mobilité, le cortex prend les commandes, et votre corps commence à onduler doucement sans même que vous en soyez conscient , dans un lent mouvement d’irrumation. Et tous les tabous s’effondrent, la chevaucher et se laisser emporter dans un galop effréné devient votre unique préoccupation, et déjà vos mains se tendent alors que votre coassement prend une forme articulée. Vous entendez votre bouche formuler une invite bredouillante sur l’ insénescence de votre amour en regard de l’éphémère des roses à cueillir dès que possible…Cet enfoiré de Ronsard avait pourtant dit ça avec succès, me semble-t-il ! Je n’ai alors pas eu le temps d’insérer ma main dans ma poche pour lui tendre une carte de visite (L’homme civilisé avait un peu repris le dessus) que le fameux pot de fleurs m’a envoyé au tapis avec des petits oiseaux dans les oreilles et des étoiles dans les yeux. Je ne sais pas si le pot venait du 5ième ou du 6ième étage, mais le petit corps potelé que mon imaginaire m’avait concocté était en fait celui d’une fille solide à la droite ravageuse, et je peux vous dire que le soir, je n’ai pas eu besoin d’une tisane cholagogue pour m’endormir, j’ai sombré comme un bébé… J’étais libre, elle ne l’était pas... On peut rêver…Non ?

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