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C'était un temps déraisonnable par Itinerrance

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C'était un temps déraisonnable. Les rues dégoulinaient des espoirs perdus de ciel bleu et un voile brumeux teintait de gris toutes les sensations. Sortir devenait exploit s'il ne s'agissait de corvées inhérentes aux besoins primaires. Nous étions peu nombreux à affronter les désordres temporels et à nous croiser ruisselant de cette interminable pluie qui s'infiltrait jusqu'à nos pensées devenues perméables à l'ambiance latente. C'était un temps déraisonnable et la ville devenait de fantômes peuplée, masses qui se précipitaient d'un habitacle à roues vers une porte signalant l'arrivée de tout client potentiel. Le temps s'égrenait lentement au rythme raréfié des tintements particuliers de chaque enseigne. Peu nombreux étaient ceux qui tentaient l'aventure de se risquer au dehors. C'était un temps déraisonnable. Affrontant les intempéries, entre deux abris je courrais tête baissée et rencontrais un obstacle en la personne d'un promeneur qui semblait ignorer les pluies diluviennes qui s'abattaient sur le pays depuis quelques jours. A travers un rideau de larmes célestes, j'entrevis un visage moqueur non dénué du charme patiné de quelques rides ornant le coin des yeux. C'était un temps déraisonnable pourtant. Entamer une discussion dans les couloirs fréquentés d'Eole tenait du défi, mais sans commun accord nous décidames de le relever. Le bruit incessant de la pluie battant pavé rendait difficile toute conversation aussi étions nous tenus de nous rapprocher près de l'oreille de l'autre pour nous faire entendre. L'incongruité de cet accostage teintait de surréalisme les propos échangés dans un doux murmure. C'était un temps déraisonnable pourtant pour une rencontre. Nos visages nus et sans fard trahissaient notre émoi quand nos regards se croisaient. Sa main maladroitement se rapprocha pour essuyer le chemin que traçaient les gouttes de pluie d'une de mes mèches à ma bouche. Elle s'arrêta au coin des commissures pour doucement souligner ses contours. Je ne suis pas sure que les frissons ressentis fussent occasionnés uniquement par la pluie qui transperçait les vêtements de son insistance à s'éterniser ainsi. C'était un temps déraisonnable dont nous avons bénéficié, seuls perdus au milieu de ce déluge. Il prit ma main pour m'entraîner un peu plus loin de la place vers une ruelle qui menait à une autre rue. Je le suivis sans qu'un mot ne soit nécessaire. Arrivés devant une porte, il l'ouvrit avant de m'y faire passer. Je restais debout pendant qu'il allumait un feu, puis il se rapprocha de nouveau, enleva sa veste et la mienne pour les mettre à sécher. Il revient avec une serviette toute blanche et lentement se mis à enlever un par un les vêtements que je portais et commença à m'essuyer comme on le ferait avec un enfant. Il m'allongea sur le tapis jouxtant la cheminée et vint me rejoindre à son tour nu pour que je l'essuie. Nous nous enlaçâmes alors bercés des crépitements du feu dans l'âtre. C'était un temps déraisonnable pour une rencontre, ce n'était ni le lieu, ni le moment dans chacune de nos vies. Mes vêtements étaient secs quand je me rhabillais pour retrouver dehors la pluie qui ne s'était pas arrêtée, comme le temps qui inexorablement me rappelait à mes obligations. Nous ne nous revîmes jamais, il ne restait qu'un seul jour avant de repartir et je ne pus dégager un peu de temps pour aller le revoir. Il ne me reste qu'un temps que volontairement je prolonge quand il pleut en restant déraisonnablement dehors un peu plus que nécessaire et parfois alors j'entrevois, entre les gouttes de pluie, son visage moqueur non dénué du charme patiné de quelques rides ornant le coin des yeux.

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