Paradoxal ! Ce film d'apparence charmante et fleurie qu'est "Poetry" m'est apparu comme un film sur l'impuissance. Parce qu'il s'agit d'abord d'un film évoquant tout au long de ses deux heures vingt l'impuissance du poète ou, plutôt, de la poétesse : impuissance quand elle cherche à saisir ses impressions, quand elle veut transcrire la beauté d'une pomme, ou quand elle tente d'évoquer sur sa page blanche le plaisir des sentiments fugaces qui passent.
L'impuissance de cet apprenti créateur au féminin que joue avec élégance une magnifique Yun Junghee dans le rôle d'une Mija amnésique gagne peu à peu tout le film.
Elle résonne d'abord avec l'impuissance de cette femme âgée à trouver les mots du quotidien.
Elle renvoie de plus à l'impuissance de la grand-mère qu'elle est aussi quand elle cherche à discipliner le petit-fils délinquant dont elle a la charge.
Impuissance encore de la société coréenne face à la violence des jeunes collégiens.
Impuissance toujours des pères, non pas à comprendre leurs fils violeurs, mais seulement à trouver les moyens de faire taire la mère de l'adolescente violée qui s'est suicidée.
Avec bien sûr, en un contre-point délicieusement ironique, l'évocation de l'impuissance d'un vieil hémiplégique libidineux qui persiste à vouloir virilement exister pour Mija, contrainte de se louer comme femme de soins.
Au final, la poésie arrive néanmoins à se frayer un chemin au milieu de ces histoires sombres et, au sortir de la salle, on se retrouve étonné d'être joyeux. Alors, que vous soyez une mère attentive aux difficultés des éducatrices comme Feu, une femme soucieuse du bien et de l'ordre comme Poesie-Bettina ou un mec angoissé par la page blanche comme moi (pour Tchouang_tseu je ne saurais parler à sa place), je ne peux que vous conseiller d'aller voir ce film qui donne pas mal à penser en plus de procurer quelques émotions esthétiques.
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