Il fait presque frais mais très beau, et mine de rien mine de plomb me voici tout à la joie de dominer dun chemin tracé en surplomb lheureuse et grouillante masse parisienne des bons jours.
Il fait presque doux, il fait bien beau.
Me voici au parc pour écrire, et rien dautre ; et, peu philantrope, dabord trouver un endroit où personne ne viendra memmerder, à lécart, en bordure dombre, quitte à partir lorsquelle viendra me lécher les pieds...
Alors je bougerai.
Et je dépose là mes défenses ; et je suis là au pied dun grand orme ; et là je resterai avant que lombre ne me chasse pour...
«
de toutes mes armures délestées sous le gros essaim doiseaux - étincelles à pépies - fragile boule dinfusion aux sources cachées » appoltronner mes habitudes et commencer à noter la...
«...respiration de mes molécules à la vastitude des mondes, le mascaret des grains de temps et la dispersion de molles langueurs vers dinsouciants ballotements sans quil soit même nécessaire de renouveler le ressac de leurs vaguelettes à ma conscience. »
Voilà
Satisfecit : ça commence bien
un enfant bien élevé ne rote pas la bouche pleine et sans cracher trop de postillons jai mâché les mots, la saveur des sons, la saveur des sens
le style est un peu ampoulé certes mais de fidèle restitution quant à mes nouvelles capacités dabandon aux souffles dune vie si simple, si pleine, si organique
Cest mon chemin
Ce nest rien
et tout ça pourtant
Mais déjà lombre des grands arbres a mangé un bon quart des pelouses.
A cette place choisie pour que personne ne vienne me les briser, mine de rien mine de plomb, jai donc écroulé mes remparts et il faut incontinent écrire et réécrire mieux encore cette
«
éclosion dun printemps dhomme cicatrisant à la joie dodeurs végétales données ca et là ses peu profondes cicatrices, maigres ou furtives angoisses des matins aboutis sitôt nés, absurdes défaillances vers ce qui nest pas, nexiste pas et ne sera peut-être jamais, sinon un leurre, une trappe, une s
»
Mais déjà je frissonne.
Lombre a déployé un immense tapis décorce sur les régions amènes et je suis ici noirci jusquà la taille. Il faut que jamorce un nécessaire repli vers des grappes qui se sont mues en zone centrale, gens des dimanches se dorant ardemment la couenne. Et par sécurité, sait-on jamais, reprendre quelques morceaux de ma cuirasse.
Ce sera donc ici au milieu de rien et de tous mais à la chaleur des rayons et des haleines que je poursuivrai mes bienfaisants gribouillis, parmi ces inconnus, les endormis, les lecteurs, les glandus, les qui se bécotent, les qui rigolent et les insupportables gratteux.
«
quoiquil me faudrait encore finir des espoirs chavirés et saumâtres attentes que vi
»
Non, ça ne va plus.
Mes défenses sont recloutées à toutes mes jointures, je narriverai plus à rien.
Je range mine de rien ma mine de plomb et maccrocherai désormais à dincongrus visages incompréhensiblement humains, loin au-delà du bout de ma lorgnette.
On se serre, on se supporte.
Le domaine du sourire a considérablement réduit et maintenant les plaques dévastatrices nous cernent : je reconnais la progression inexorable des mondes cacochymes.
Car il faut bien quune journée comme un spectacle finisse. Et lors, à tour de rôle, certains stoïques Giacometti se lèvent très lentement, et très lentement quittent la chaleur de la pelouse pour se jeter très lentement dans les territoires de lombre et de loubli, résignés à léchafaud - soleils cous coupés - traversant la frontière.
Et aussi dautres symptômes terribles : linfection qui se propage à la surface même du corps des rescapés : les assis projetant leur lèpre noire sur les allongés.
« Jai peur de ça : Etalez-vous ! Etalez-vous
Je voudrais juste me chauffer encore, rester dans la lumière
Quand cette triste mascarade va-t-elle se terminer ? »
Et pourquoi me mettre à sangloter ?
Parce que tout va très vite, plus que quelques mètres carrés habitables déclinants à vue.
Et je suis enfin seul.
Est-ce cela que je voulais ?
Ne plus bouger ne plus respirer, en ma camisole tenir sur ce radeau de la méduse en attendant que tout sombre, sengloutisse ?
Le compte à rebours va commencer :
5
4
3
2
1
Immersion totale : LEffroi
La Joie
Vivant ! Je suis là ! Vivant à moi-même !
Amis, Amis ! Ohé !
. revenez ! On nous a menti !... La mort nexiste pas !... Amis cest un jeu, un leurre, une grosse guignolade ! Je lai expérimenté pour tous : nous sommes éternels !
Oui, je me lève et oui je danse, danse de terre, danse du vent, danse des plaisirs et de la chair, danse aux étoiles qui viendront, danse tarahumaha de la saint-guy
Oui je danse et je rugis au feu, au bronze, au fer, à lécrit et aux humanités, à Paris qui se déroule
sous les Buttes-Chaumont et qui ne finit jamais.
Mais je décèle alors la domination dune ombre plus profonde encore qui vibre aux confins et sapproche sans heurt et sans reproche, dun pas lourd, dune vibration sourde, dessin imprécis, masse grise dont les contours se solidifient ; et elle sapprête et elle sapproche ; et je reconnais à sa casquette un impitoyable juge sans accusation, colossale statue de Commandeur à tête de gardien municipal, soldatesque de mes tout petits enfers :
« Monsieur, cest lheure.»
(pour tché et coucou, mes marraines en écriture)
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