1994 entre Milé et Dikhil.
Nous avons quitté Addis au petit matin et il est vingt heures quand nous quittons la piste pour nous engager dans la brousse pour nous éloigner du modeste traffic et avoir la paix.
Cinq minutes plus tard entre buissons et arbustes je coupe le moteur.
Pendant que je transfère 60 litres dessences dans le réservoir de la Land Rover, Yared, lui, fait le lit : deux bâches étalées par terre. Deux boites de sardines, quelques galettes dinjéra et une bouteille de Goudar plus loin nous dormons tout les deux. Demain soir si les fourmis rouges et les hyènes nous laissent dormir et surtout si les Afars ne viennent pas nous harceler nous serons à Dikhil !
Il fait encore nuit, lodeur du Nescafé me tire de mon sommeil et de mon lit sommaire, six heure du matin. Lhorizon rosit, le moment le plus frais de la journée. Il fait trente degré.
Un instant plus tard moteur et nous retrouvons la piste, ce soir peut être nous dormirons dans un lit.
Cest Yared qui conduit et je me laisse secouer par les chaos sans rien dire.
Par ci par là nous croisons quelques troupeaux de chèvres et de moutons avec presque toujours une chamelle, les pasteurs Afars souvent très beaux, longilignes, vêtus dun pagne de coton écru bordé de fines lignes bleu, tous avec leur long bâton de berger croisé au dessus des épaules et la Kalachnikov en bandoulière. Ils portent accroché à la ceinture la petite cruche qui leur permettra de tirer le lait des femelles allaitantes, ils quittent le campement comme ça pour plusieurs mois : une cruche, un bâton, une AK 47 et quelques chargeurs.
Enfin Dubti
.. Un vrai café, une galette et du miel, essence, une cartouche de Nyala et on repart.
Bientôt 11 heure du mat, il fait 40 °, de temps en temps un village ou un campement nomade.
Et puis un vrai village, et une multitude de dromadaire à perte de vue.
Yared me dit :
- Cest le grand marché, les plus belles chamelles du pays Afar
.. »
- On sarrête !
On trouve un gamin pour garder la Land et jouvre les yeux tout grands. Des milliers de bêtes toutes plus belles les une que les autres, des pasteurs, des commerçants, des vendeurs de toutes sortes, un peu à lécart de lagitation centrale un vaste terrain où se regroupent les caravanes qui arrivent, à une petite vendeuse ambulante on achète deux verres de thé, on se pose le cul par terre à lombre dun acacia et ça devient magique : elle a peut être 25 ans, une liane du désert Danakil, pieds nus, vêtue dune très courte jupe en cuir tout fripé et luisant, son torse est nu et son bâton de berger en travers des épaules.
Derrière elles, suivent majestueuses une quarantaine de chamelles.
La môme est à même pas dix mètres de nous, elle fait claquer sa langue pour donner ses ordres.
Les une après les autres les chamelles se forment en cercle autour de leur maîtresse. Un claquement de langue et toutes baraquent de concert. Une bête retardataire arrive et se fait gronder en langue afars « Vilaine fille, si tu continue à trainer en route tu te feras dévorer par les hyènes » me traduit Yared.
La chamelle baisse ses paupières dun air contrit et baraque au ralenti.
Des hommes et des femmes sapprochent, des négociations se nouent, la jeune bergère vante la force et la santé de ses bêtes, dautres jeunes femmes tout aussi légèrement vêtues retrouvent leur amie, frottement dépaules et rires cristallins. Des poignées de Birrs changent de mains, des bêtes se lèvent et suivent leurs nouveaux propriétaires.
Japprécie plus que tout la façon dont hommes et femmes sadressent à elle, je ressens très fort le respect et la déférence dont elle fait lobjet. Je me dis que cette fille est lincarnation même de la liberté, une cruche pour son alimentation quotidienne, une courte jupe de cuir, un long bâton de berger et son troupeau.
Yared me dit quelle est très belle et me fait remarquer quaucun jeune homme nose la regarder dans les yeux.
Le thé est terminé depuis longtemps quand nous nous levons, je remarque quil y a bien une vingtaine de filles seules venues elles aussi vendre leurs bêtes, quelques hommes avec de fin bracelets de cuir taillés dans le pénis de lennemi
Nous mangeons quelques brochettes de chèvres, il fait 15 h et 45 °, nous ne dormirons pas à Dikhil ce soir.
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