On puise sa force où lon peut.
Cest lété et Colette vient d avoir cinquante cinq ans, cest une « femme solitaire et droite, comme une rose triste qui, dêtre défeuillée, a le port plus fort. ». Une ère nouvelle souvre à elle. Désormais « il va falloir vivre ou même mourir sans que ma vie ou ma mort dépendent dun amour ». Ce ne sera pas un renoncement. Cest au contraire un nouveau départ, pour lémotion, la sensualité, dautres plaisirs surtout : les travaux du jardin et de la maison, la Treille Muscate, la conversation avec les animaux familiers, ses chats surtout, et limmersion dans la nature provençale, la chaleur, le soleil, la nature, lamitié... et lamour.... qui reste possible.
Car Colette est toujours séduisante. Séductrice en tout cas.
La Naissance du Jour nest pas un roman, mais une sorte de journal. ... lheure est venue détayer sa vie, de la renforcer, de la féconder en quelque sorte. Colette cherche un appui.
Colette relit les lettres de sa mère : Souvrant en effet sur une lettre de Sido, le récit commence par une déclaration damour. « Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui mentoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir quun muscle perd de sa vigueur, un désir de sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, je puis pourtant me redresser et me dire : « Je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre, - cette lettre et tant dautres que jai gardées. Celle-ci en dix lignes, menseigne quà soixante-seize ans elle projetait et entreprenait des voyages, mais que léclosion possible, lattente dune fleur tropicale suspendait tout, faisait silence même dans son cur destiné à lamour. »
La fameuse lettre est donc adressée à Monsieur de Jouvenel le second mari de Colette :
« Monsieur, vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c'est-à
-dire auprès de ma fille que jadore. (
) Pourtant, je naccepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. Cest une plante très rare, que lon ma donnée et qui, ma-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je mabsentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois
Veuillez donc accepter, Monsieur, avec mon remerciement sincère, lexpression de mes sentiments distingués et de mon regret. «
L'année d'après, elle mourait, âgée de soixante-dix-sept ans.
Colette continue : »Je suis la fille d'une femme qui, dans un petit pays honteux, avare et resserré, ouvrit sa maison villageoise aux chats errants, aux chemineaux et aux servantes enceintes. Je suis la fille d'une femme qui, vingt fois désespérée de manquer d'argent pour autrui, courut sous la neige fouettée de vent crier de porte en porte, chez les riches, qu'un enfant, près d'un âtre indigent, venait de naître sans langes, nu sur de défaillantes mains nues... "
Vingt-cinq ans plus tard, coup de théâtre !!! le 24 janvier 1953, à loccasion du 80e anniversaire de Colette, Le Figaro littéraire publia la « véritable » lettre de Sido : et surprise !!!!! Sido n'y refuse pas de venir voir sa fille !!!
« Monsieur de Jouvenel, votre invitation si gracieusement faite me décide à laccepter pour bien des raisons, parmi ces raisons, il en est une à laquelle je ne résiste jamais : voir le cher visage de ma fille, entendre sa voix. (
) Jabandonne pour quelques jours (
) un Seduna qui est près de fleurir et qui est magnifique ; un Gloxinia dont le calice largement ouvert me laisse à loisir surveiller la fécondation. Tout cela va souffrir sans moi
».
Colette nous a-t-elle donc menti en falsifiant la véritable missive de sa mère ? Et pour quelle raison ?
Parce que cest justement dans cette mère réinventée par lécriture, que Colette va puiser sa force. . On a besoin de modèle, parfois..Colette nest pas Sido mais elle lui ressemble, « elle a, comme elle, lamour de la vie, légoïsme instinctif de ceux qui savent que se préserver est essentiel, lattachement viscéral aux gens et aux bêtes. Toutes choses quelle sait mettre en mots dans une langue dune poésie rare, dune force dévocation presque sans égal ».
« Plus tard, âgée, souffrante, Colette, dupe comblée de sa propre machination, écrira : « Puissé-je noublier jamais que je suis la fille dune telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres dun cactus sur une promesse de fleurs, une telle femme qui ne cessa elle-même déclore, infatigablement, pendant trois-quarts de siècle
».
L'écrivain a résolument ce droit d'inventer ses propres mythes. De recréer son histoire. De la transfigurer.
Colette mentait....mais, elle mentait vrai !
Alors on lui pardonne....
Made by Annaconte avec l'aide de Google mon ami et de copie-colle
Naître au jour Par Régine Detambel
Michèle Sarde, Colette libre et entravée, 1978
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