Mille milliards de petits martinets assoiffés ont pris leur envol tandis que je contemplais l'arc en ciel que les nuages aux apparences labiles dessinaient sur le fleuve cet après-midi là.
Au son spécial des claquements d'aile, se mêlait le chant lugubre de Saint Huck. Il m'avait fallu fouiner à mort pour en arriver là et si le ciel ne m'avait pas quelque peu aidé, nul doute que je serai resté sagement aux commandes de ma foutue bicyclette interstellaire comme un bon fils.
Ma mère avait une fâcheuse tendance à levrauder éperdument dès que le besoin physique s'imposait. Et une fois qu'elle tenait l'animal entre ses griffes, elle ne lâchait plus prise. Son unique but: posséder. Une pure maîtresse ès subversion, une fliquette irréelle dont le seul but aurait été de passer les menottes à un prévenu aléatoire et lui murmurer dans le creux de l'oreille "et maintenant, on fait quoi, Baby?".
Ma mère en deux mots: un croisement entre Marie, vierge, pleine de grâce et une rose sauvage aux épines acérées. Bipolaire à mort. D'accord, j'ai du mal à recompter les mots.
Mon père? Un ours bipolaire lui aussi, qui avait passé sa jeunesse à m'inculquer la mesure qu'il ne suivrait jamais, la maîtrise de son souffle. L'anhélation. Lui en avait fait preuve plus que de coutume pour endurer une foule de petit désagrément. Le self-control élevé au rang d'art extrême. Lorsqu'elle l'a largué totalement exsangue, emportant avec elle les biens et les revenus des revenus, il avait du cravacher pour ne pas succomber aux sirènes de l'auto-destruction. Il avait du s'ériger en maestro du martinet pour retrouver le goût de flageller autre chose que sa propre carcasse endurcie.
Tandis que je tapote minutieusement sur le clavier minuscule de mon téléphone, les éléments de l'énigme peinent à s'ordonner en mon âme et conscience. J'ai chaud et mon uniforme me colle méchamment à la peau. Je dois pourtant transmettre mon rapport à la base en prenant bien soin de n'omettre aucun détails et de restituer les faits de manière impartiale et chronologique. C'est mon devoir de représentant de l'ordre, je n'oublie pas que j'ai une arme de service et une paire de menottes qui pendouillent lamentablement à ma ceinture. "Anhélation" me dis-je, singeant vainement le père.
Trois jours sans nouvelles de ma mère, voilà ce qui avait laissé trotter dans mes neurones comme un relent nauséabond d'énigme douteuse. Au milieu de ses victimes, je tenais mon rang. Pour anéantir mon géniteur, elle lui avait résolument signifié son intention de me posséder. Moi, SON rejeton. Moi, cet objet de la communion de leurs foutues polarités, chacun cherchant à me bistourner jusqu'à ce que je lui saute à la gueule comme un ressort sur lequel on a un peu trop tiré.
J'enfourchais ma bicyclette de service pour aller vérifier quel nouvelle mouche l'avait piquée. Je sillonnais les chemins poussiéreux des abords du fleuve. L'air se gonflait d'humidité que la chaleur comme une épine semblait vouloir faire exploser. La sueur qui dégoulinait de mon front me piquait les yeux alors que je me projetais vers mon néant sans me préoccuper de mauvais pressentiments labiles qui m'habitaient. J'arrivais enfin sur une longue portion de berges assez marécageuses plantées de roseaux d'une hauteur remarquable. Et soudain un héron cendré s'envola à quelques millimètres au-dessus de ma tête en poussant un cri déchirant de putain de héron. A peine le réflexe de freiner violemment. Sur un roseau, juste devant mon nez, un foulard rouge vermillon que le vent agitait malicieusement me ramenait à la réalité. Je connaissais bien cette insigne appartenant à ma mère depuis que mon monde est monde. Aussi, je décidais d'abandonner là mon véhicule et de bistourner les roseaux tout autour. Simple intuition où que sais-je? Je vous épargne les détails morbides mais c'est là, derrière les buissons que je tombais nez à nez sur un extrait de la garde-robe de ma mère et probablement sur le pelage du nouveau lièvre qu'elle avait levé. Et plus loin, le sang avait giclé sur les longues tiges des roseaux et des fragments d'organes et de chairs meublaient les lieux au milieu d'ossements savamment disposés à même le sol. Le clavier menaçant de la chanson Saint Huck s'est mis à résonner comme si j'avais franchi une frontière insondable.
Quelques jours plus tard, mes collègues ont mis la main sur la dépouille de mon père qui flottait sur les eaux troubles du fleuve. La légende dit que ses lèvres étaient encore humectées du sang de ma mère et de son amant.
Dieu a dit : Je partage en deux, les riches auront de la nourriture, les pauvres de lappétit.
A moins que ce soit Coluche qui ai dit ça.
http://www.youtube.com/watch?v=Af275kF9DQM
Note de l'auteur: j'ai besoin de deux mois d'abonnement aussi me suis-je employé à utiliser deux fois chaque mot.
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