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Salope infâme ! par Jules Félix

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Grosses moustaches, chevelure impressionnante et respectable, sourcils généreux, regard au fond de l’œil, stylo affûté comme le scalpel, persifleur comme on respire, bête et méchant quand il le faut, Cavanna est un monument de l’humour vache. Hier (le 26 juin 2012) dans mon autoradio, je ne me rappelle plus la station, France Info peut-être, j’ai écouté François Cavanna. Il était interviewé tranquillement et il préférait se faire appeler "Cavanna" tout court, comme Gotlib, Cabu, Reiser ou encore Wolinski. Les trois derniers, d’ailleurs, c’est lui qui les a fait découvrir par le grand public. Tout le monde connaît un peu Cavanna. Après des débuts comme dessinateur, il est surtout un écrivain et journaliste. Au début des années 1960, il a cofondé, avec le professeur Choron, le magazine satirique "Hara-Kiri". Il s’est même désolé d’avoir été hospitalisé en plein mai 1968, l’empêchant de participer à l’aventure. En novembre 1970, "Hara-Kiri" fut interdit en raison de sa une très cynique pour annoncer la mort de De Gaulle (le 9 novembre) : « Bal tragique à Colombey : un mort », d’un goût douteux puisqu’il reprenait un fait divers horrible très récent (le 1er novembre), celui de l’incendie d’une boîte de nuit de Saint-Laurent-du-Pont qui avait tué cent quarante-six jeunes gens (asphyxiés ou brûlés vif). Le titre a continué alors sous le nom de "Charlie Hebdo" jusqu’à sa disparition en 1982 et Philippe Val a repris le nom pour un journal qu’il a créé en 1992. Le 30 janvier 1993, Cavanna fut d’ailleurs reconnu comme le seul auteur des expressions "Charlie Hebdo" et "Hara-Kiri" (troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris). Cavanna a écrit pas mal de bouquins et s’est pas mal engagé contre certaines causes comme la réforme de l’orthographe, la souffrance des animaux, etc. et il s’est érigé un peu comme un symbole du temps qui ne passe pas. Pierre Desproges, qui adorait Cavanna, l’a comparé à un Rabelais des temps modernes et lui a même fait une déclaration d’amour : « Seule la virulence de mon hétérosexualité m’a empêché à ce jour de demander Cavanna en mariage ». Dans l’interview radiophonique que j’ai entendue, Cavanna expliquait que le professeur Choron avait été officiellement le patron et bien qu’il n’eût pas hésité à fustiger les patrons voyous, lui-même en était un puisqu’il avait fabriqué de fausses fiches de paie et n’avait pas du tout payé les cotisations retraite, si bien que Cavanna, indépendamment de son envie de ne pas arrêter, ne pourrait jamais réclamer de droits à la retraite pendant toutes ses années Hara-Kiri et Charlie Hebdo. Retraite ? Mais au fait, cela lui fait quel âge ? Quatre-vingt-neuf ans ! Il va avoir quatre-vingt-dix ans le 22 février 2013 ! Et il n’a pas encore arrêté de travailler. Il écrit toujours une chronique hebdomadaire mais il est désormais très malade. Il en parle de manière assez assumée, ce qui n’est pas évident. Un jour qu’il voulut écrire, sa main ne lui répondit plus. Il est allé voir le médecin qui lui a tout de suite donné le nom de son mal : Parkinson. Il l’appelle sa « salope infâme » et en parle dans son livre "Lune de miel" (éd. Gallimard, 2010). Et il a constaté que les gens associaient fréquemment Alzheimer et Parkinson, avec cette boutade pas forcément rassurante : Bah, tant que t’as pas Alzheimer !…

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