C'est pas la forme ce soir, j'ai hâte que le restaurant ferme, mais c'est pas demain la veille: c'est plein. c'est vendredi soir et ça turbine. ça mange, ça boit, ça rit, ça pleure, parfois ça se dispute. Hier j'ai même eu droit aux insultes et à la paire de claques! Un vrai cas de divorce, il ne l'a pas ramené le beau gars qui se l'ai mangé en plein le pif.Clap! ça a fait un bruit! Toute la salle s'est retournée et le type avait l'air de quelqu'un qui ne va pas tarder à commettre un meurtre.Bouh, quelle horreur! Des rires fusent, je cours derrière le bar, ils veulent tout tous en même temps! Je parle des serveurs: "mon muscadet? ça fait une heure que je te l'ai envoyé!" oh! faut pas charrier ça fait à peine cinq minutes! Il croit que j'ai que lui, ils sont huit, sans compter le patron qui donne un coup de main ce soir et bien sûr qu'il faut servir en premier. Les autres font la gueule! Et surtout il y a ce type au bar depuis plus d'une heure. Celui là il me déprime. Et il zieute, et il m'en sors des toutes plus nazes les unes que les autres. j'ai du boulot, je ne dois pas oublier mes commandes et en plus ils veulent tous des cocktails ce soir. Et merde j'ai plus assez de fruits, ils peuvent pas boire un p'tit jaune comme tout le monde! Et lui là, il va rester là toute la soirée? Encore un commercial, client de l'hotel, on les reconnait tout de suite, ceux là. Mais qu'est-ce qu'il s'imagine? je suis barmaid moi, pas hôtesse! Il à pas vu la pancarte dehors le monsieur? marqué en gros "brasserie". Il veut m'offrir un verre, j'ai envie de dire non, mais justement le patron me regarde. Grand sourire vendeur et j'accepte un café que je me fais illico. Du coup je le regarde mieux. c'est pire de prés qu'a deux ou trois mètres.
- ça ne chaume pas ce soir. Vous serez sans doute trop fatiguée pour sortir aprés.
Pfeuuuf! J'y crois pas. Je l'attendais celle là! Même s'il me restait des forces se serait pas pour sortir avec lui. Quel âge il peut avoir? Difficile à dire, il a l'air plus crevé que moi. Il bosse trop ça se voit, il s'inquiète pour son chiffre, ses objectifs, ça lui à même tué le regard. Doit pas avoir plus de quarante ans à tout casser. Entre deux envois de bouteilles je reviens vers mon café, donc en face de lui.
- j'ai toujours eu un faible pour les brunes à l'air sympathique, comme vous.
Merde j'ai pas de chance, les hommes en génèral préfèrent les blondes! Les tables se vident, il doit y avoir un spectacle quelque part. Je peux souffler. Mon boss me sourit de loin, je jette un oeil rapide dans le miroir, question de me rassurer, mon noeud pap tient le choc! Monsieur whisky pur malt 15 ans d'âge est toujours là. Je me refais un café et vient lui tenir compagnie, car ma machine à verres est juste en dessous de lui. Et là, je le regarde encore, mais différemment cette fois. Le stress est passé, je me détends comme un arc dont on retire la corde entre les jambes, je ne suis plus en position de guerre. Les yeux de l'homme sont verts, comme il me sourit, je regarde aussi le reste. Il est pas mal. Coup d'oeil sur la main gauche: pas d'alliance, pas de traces qu'il y en ai eu une. Devant ma nouvelle attitude il s'enhardi:
- vous ne me remettez pas? On se connait pourtant, enfin je vous voie régulièrement chez moi.
- chez vous? Je dois sûrement avoir l'air d'une dinde. Je cherche. Je le connais?
- Je suis le patron du bar juste à côté, vous venez acheter des jeux à gratter. Cela fait un moment que j'ai envie de vous parler, mais vous semblez toujours perdue dans vos pensées...
Ce n'est plus à une dinde que je dois ressembler, mais à une écrevisse! Je l'ai jamais remarqué! Pourquoi? Bo! Pas difficile, dehors je regarde jamais personne! Mes yeux s'attardent sur son visage et sur tout ce que je peux voir. Il est plus que pas mal et il aime les brunes!
- Lundi, je bosse pas!... Il sourit, non, il rayonne! Moi aussi.
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