Dans ses rêves, oui ! par Jules Félix

Cédant à la mode et surtout, à la pluie d’un dimanche estival, j’ai donc décidé d’aller voir le nouveau film Batman de Christopher Nolan, "The Dark Knight Rises" (autrement dit, "L’Ascension du Chevalier noir") qui est sorti le 20 juillet 2012 aux États-Unis et le 25 juillet 2012 en France. Je m’aperçois d’ailleurs que d’habitude, je vois les films avec une bonne décennie de retard et là, je suis à quatre jours de sa sortie. Un film assez long : deux heures cinquante ! Dans le cinéma, ce fut même Batman en personne qui prit ma monnaie et me donna le ticket. À côté de moi, dans la salle, un jeune homme (qui a pianoté son smartphone en attendant le film) sirotait pendant la projection de la bière versée dans une bouteille d’eau minérale, avec des rires à des moments déconcertants… Tout comme je suis surpris par le nombre de spectateurs munis d’une petite lampe de poche unidirectionnelle pour se mouvoir en retard dans une salle de cinéma éteinte. Agacé aussi (c’est vrai que je hante très rarement les salles de cinéma) par le volume très élevé de la bande sonore ; les gens sont-ils donc devenus si sourds avec leur walkmans, ipods et smartphones soudés dans les oreilles ? Si on n’est pas sourd en entrant, on en ressort sourd. Le 20 juillet, la sortie officielle du film fut entravée par une tuerie sans nom qui coûta la vie à douze spectateurs du film dans un cinéma du Colorado. Le principal héros, Christian Bale, trente-huit ans, est même venu au chevet des cinquante-huit blessés. Les tueries et les Américains : http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=104026 Est-ce un rapport ou pas (à mon avis, non), mais toujours est-il que ce film ne manque pas violence et même si cela reste de la bande dessinée, avec, somme toute, une histoire très puérile à base de grosses voitures, de gros avions et de belles filles, avec des méchants tout plein, des gentils pas faciles à distinguer, des gens qui veulent être les maîtres du monde ou tout exploser, tout est violence et brutalité et pourtant, acceptable pour les enfants ? Acceptable aussi pour les enfants les aspects sexuels de la réalisation ? Certes, aucune scène de nudité, rien d’amour sinon quelques petites séquences elliptiques (comme la petite lune de miel devant la cheminée allumée), mais une héroïne est particulièrement sexy, habillée tout de cuir (l’air sado-maso) et doit s’installer en position quasi-indécente (en levrette) sur la moto moderne de Batman. Le film est toutefois impeccable dans sa réalisation. Le budget de deux cent cinquante millions de dollars doit y être pour quelque chose. Je ne veux évidemment pas parler de l’histoire (même si les curieux pourront toujours trouver sur Internet tout ce qu’ils désirent) car l’intérêt est de ne pas connaître les différentes évolutions du scénario pour que cela fasse son effet. Disons seulement que Batman était à la retraite et sort de la retraite à cause d’un très très méchant, Bane, joué par Tom Hardy, trente-cinq ans, qui en veut à tout le monde, enfin, aux douze millions d’habitants de la ville de New York redénommée Gotham (si j’ai bien compris, je ne suis pas un expert de Batman, c’est la première fois que j’en vois un). Alors, dans l’affaire, il y a une très charmante voleuse, la très belle et sexy Selina Kyle, jouée par Anne Hathaway, trente ans, qui devient vite Catwoman à ses heures perdues, le très précieux commissaire James Gordon, joué par le plaisant moustachu Gary Oldman, cinquante-quatre ans, et son bientôt inspecteur John Blake, joué par Joseph Gordon-Levitt, trente et un ans. Du côté entreprise, il y a son président Lucius Fox, joué par l’impressionnant Morgan Freeman, soixante-quinze ans, qui est en même temps un inventeur de génie, et sa future directrice générale, Miranda Tate, jouée par Marion Cotillard, trente-six ans, qui n’a pas froid aux yeux. Parmi les personnages féminins (assez rares), on peut rajouter un rôle annexe, celui de Juno Temple, vingt-trois ans, qui joue Jen, une associée de Selina. Le film aborde deux thèmes principaux : le terrorisme et la recherche de nouvelles énergies. Sur le premier thème, cela fait un mélange entre la Révolution française, les attentats du 11 septembre 2001 (on voit toute la ville éclater de ses bas-fonds), l’Occupation nazie et peut-être aussi la période post-explosion d’une bombe nucléaire. En effet, il y a des tribunaux d’exception qui jugent à la va-vite avec pour seul verdict : l’exil ou la mort (un exil bien particulier à base d’eau froide). Il y a aussi un gouvernement fédéral (qui a le mauvais rôle) qui préfère collaborer avec les méchants et dont la police est même prête à tirer sur des enfants pour obéir aux ordres. Enfin, il y a les lâches et les pleutres qui préfèrent cacher leur uniforme de policier ou de riches pour attendre que ça se calme. Il y a aussi un côté révolution iranienne avec des pendaisons publiques. Dans mon mix, j’ai bien sûr oublié la crise financière avec Wall Street qui est prise d’assaut. En somme, ce serait une armée de libération des pauvres contre les sales capitalistes. Bizarrement, cela pourrait bien être la concrétisation de discours typiquement gauchistes qu’on a beaucoup entendus à l’occasion de la période électorale en France (où l’idée est de vouloir massacrer les méchants riches qui exploitent les pauvres qui n’ont même pas de travail, et donc, ne peuvent même pas être esclaves). Sur le second thème, plus scientifique, je me dis seulement qu’heureusement que la majorité des spectateurs de ce film n’est pas du tout scientifique, car j’y relève, non pas des invraisemblances (c’est la règle de toute fiction), mais surtout, des incohérences. J’en ai relevé au moins deux. D’abord, on parle d’un réacteur à fusion nucléaire. Et les méchants le chouravent pour le faire exploser en bombe nucléaire et tout faire péter. Or, technologiquement, il y a un fossé entre un réacteur et une bombe. C’est bien plus difficile de faire une bombe car il faut amorcer la réaction avec bien plus d’énergie. Donc, ce sont deux technologies très différentes. Cette confusion est le résultat de la peur du nucléaire par ignorance. Une centrale nucléaire (même Fukushima et même Tchernobyl) ne peut pas exploser comme Hiroshima ou Nagasaki. Pourtant, c’est bien un champignon nucléaire qu’on voit à un moment donné… Ensuite, on parle d’une nouvelle énergie et il s’agit finalement d’une énergie nucléaire on ne peut plus classique. Donc, où est l’innovation ? Mystère ! Sinon, parmi les invraisemblances, il serait intéressant de savoir comment sont alimentés en énergie les véhicules de Batman et pourquoi ne servirait-elle pas à la planète entière ? À propos de véhicules innovants, j’ai bien apprécié la moto à pneus hyper-larges de Batman, capable de faire des échappées en angle droit à vitesse élevée (et là, même si c’est pour de faux, cela paraît techniquement presque crédible). Certaines mises en scènes ne sont pas anodines. Ainsi, la neige qui tombe doucement sur la ville dans une bonne partie du film fait forcément référence au paysage de désolation imaginé à la suite d’une déflagration nucléaire avec plein de poussières et de cendres radioactives dans l’atmosphère. De plus, le silence du manteau neigeux contraste avantageusement avec le vacarme inaudible habituellement répandu dans ce film. À propos des phénomènes de foule, il est intéressant que le coup d’État (puisque c’en est un) est réalisé essentiellement dans un stade au cours d’un match de football américain. Comme si tous les citoyens étaient présents à ce match… Globalement, à part l’aspect scientifique qui est complètement loupé, le film est très réussi, tant sur le fond que sur la forme, nettement mieux que "Avatar" (par exemple) et donne près de trois heures d’authentique divertissement. Quant à la morale de l’histoire, je ne suis pas sûr qu’il y en est vraiment une, si ce n’est que le courage est mieux que la lâcheté, que les méchants finissent toujours par perdre et que les gentils sont presque toujours gentils (il y a une exception dans le film). Bref, du bon cinéma américain à gros budget. « Dans ses rêves, oui ! » Pourquoi ai-je mis ce titre ? Parce que c’est la réponse de Selina Kyle lorsque, dans un cocktail mondain, une personne dit à Bruce Wayne (alias Batman) : « Elle plaît à votre petite amie… ». N’est pas petit ami de Catwoman qui veut ! Miaaouu !