Cétait un de ces matins. Ces matins où lempreinte de son corps est si profonde et incrustée dans le matelas quil en devient malaisé de sen extirper sans souffrance. Le réveil avait bien sonné pourtant, tôt vers laurore, quon avait fait taire enfin, beaucoup plus tard, en écrasant sa stridence jusquau fond du rêve où les vibrations étaient entrées par effraction, se mêlant aux images obscures de la nuit et en faussant le cours.
Un de ces matins blêmes où sagissant douvrir la porte de la salle de bains, on se retrouve à pic au-dessus des escaliers, trafiqués pendant son sommeil sans doute par un architecte tordu et pervers, qui rend la descente périlleuse tant il a imaginé dembûches à chaque marche.
Quand le matin elle découvrait ainsi son escalier en train de prendre des allures de colimaçon, et quil lui apparaissait soudain plutôt comme un ennemi que comme un allié, elle savait quelle allait mal. Elle savait que la journée serait raide aussi, tortueuse, vénéneuse... Elle appréhendait les heures qui allaient venir. Il faudrait sen saisir lune après lautre, sans sagacer, sans se fâcher, avec précaution pour ne pas tout casser. Tout gâcher. Tout perdre...
Elle ferait attention en versant son café dans la tasse. Elle noublierait pas le pain sous le grill. Elle prendrait garde de ne pas brusquer le poisson rouge dans son bocal en lui jetant sa pitance lyophilisée protéinée à la crevette séchée, et penserait à sortir le chien avant toute chose.
Ensuite, elle agirait lentement avec attention, une chose après lautre, sans se précipiter. Un peu comme lorsquon concocte un petit plat, minutieusement, rajoutant au bon moment, ni trop tôt ni trop tard, la petite pincée dherbes ou de poivre qui fera la différence. Sans excès. La main légère.
Peut-être même que si les minutes devaient soudain saccélérer ou quelque événement survenir trop précipitamment, elle déciderait de faire une pause. Elle se laisserait choir dans un fauteuil assez aimable pour laccueillir sans faire crisser un ressort, ou saffaisser piètrement sous son poids de chagrins et dangoisse. Elle sabandonnerait alors mollement au fil du reste de la journée, sans rien entreprendre de fâcheux, sans compromettre le bel équilibre apparent de sa maisonnée.
Elle patienterait ainsi jusquau soir. Un livre à la main peut-être. Pour se donner lillusion ...Un peu de musique en fond, pour combler le vide terrible qui suintait de partout, à travers les murs, les tentures, les pensées même. Le chat viendrait se pelotonner sur ses genoux, bien sûr, afin que le tableau soit parfait.
Par la fenêtre entrouverte, elle laisserait son regard divaguer sur le plateau en face. Que les branches du mimosa cachaient par intermittences, composant des jeux dombres et de lumières au travers de sa pupille.
Finalement, le soir finirait par venir. Tout serait resté égal. Sans heurts. Sans dautres tourments que ceux quelle se trimballait depuis toujours...Elle avait bien à faire avec eux déjà, sans rajouter des éléments perturbateurs qui la mettraient davantage encore en danger.
Demain serait un autre jour.
Elle jaugerait à laune de son escalier si le jeu en vaudrait la chandelle.
↧