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J'ai fait un come back par Placid_et_muzo

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Ce samedi, je suis allé faire un tour en banlieue. Il faisait une chaleur à ne rien faire, à siroter une bière, à feuilleter les dernières nouvelles dans le Parisien, avec en Une, un titre sur la canicule. Il faut croire que parler des températures élevées dans nos contrées est bien plus vendeur que les massacres perpétrés en Syrie. Une idée saugrenue m'est alors venue à l'esprit … Pour changer … J'ai eu une envie subite de revenir sur les traces de mon enfance. J'ai enfourché mon scooter, mon fidèle ami. J'ai vérifié avec précaution la pression des pneus et j'ai fait le plein dans ma station service préférée. J'étais très content car il me restait encore 900 pleins à faire pour avoir droit à une superbe machine à Hot Dogs fabriquée en Chine ou en Birmanie par de petites mains. Mon scooter se fichait totalement de ces considération métaphysiques et patientait au soleil, il était visiblement prêt à parcourir les 60 kilomètres dans la fournaise ambiante. L'A3 s'ouvrait à nous. A chaque bourrasque de vent, j'ai pensé à ma jolie collègue Anna et j'ai prié fortement en chantonnant la chanson de Radiohead 'No surprises'. Des perles de sueur sur mon front. La visière baissée. J'aperçois devant moi, une coccinelle blanche. Profiter de sa faible allure. Et se caler derrière la jolie voiture pour se protéger du vent. Un couple de bobo est au volant. Leur fils d'une dizaine d'années m'observe avec étonnement à travers la lunette arrière. Il me dit si ça va avec le pouce levé. Je parviens à esquisser un sourire avec mes yeux. La sortie qui m'intéresse est bientôt proche. Une succession de ronds points. Un décor insipide, truffé de zones industrielles et d'hôtels bon marché pour VRP. Tout a changé. Je gare mon deux roues sur la place du marché située près de l'école primaire. Je me suis baladé dans les alentours. A chaque coin de rue, je pouvais me souvenir de tout dans les moindres détails. Je ne suis pas un super héros mais ma mémoire ne m'a jamais trahi. Je ne l'ai jamais travaillée. C'est plus fort que moi. Il y a évidemment bien des choses que j'aimerais oublier. Mais c'est impossible. Elles sont en quelque sorte gravées pour l'éternité dans les synapses de mes neurones de martien. J'arrive dans le quartier où ma famille logeait. Quelques tours gigantesques, inhumaines. Si j'y accède, j'aimerais bien rencontrer au paradis l'architecte de ces constructions et lui mettre une baffe comme ça ... Gratuitement. Une dame aux cheveux blancs se déplaçant difficilement apparait dans mon champ de vision. Elle s'arrête devant la vitrine de la boulangerie. Un Paris Brest croustillant et onctueux a dû attirer son attention. Elle se retourne vers moi. Instantanément, je me souviens d'elle. Madame G. J'étais dans sa classe de CP. A l'époque, quand elle a prononcé mon nom, elle a souri. Je suppose qu'elle était contente d'avoir le petit frère de la brillante A., qu'elle attendait beaucoup de moi, voire trop. Mais moi, je préférais taper le ballon ou faire des ricochets au bord du canal. Les images et les dessins me suffisaient amplement pour vivre, je n'avais pas besoin de savoir lire. Mon rêve était de devenir motard dans la gendarmerie, un peu comme dans Chips mais sans les lunettes de soleil, car je trouve que cela fait trop frimeur. Chaque matin, on arrivait en classe et on découvrait avec effarement une nouvelle lettre de l'alphabet. Ce jour là, la lettre était le R. Le mot mystère était Ride. Pour tous les enfants, moi en premier, c'était un trou noir complet. Devant mon air éberlué, madame G m'a dit 'ben Jimmy, tu sais les rides ce sont les traces du temps sur le visage, qu'ont les personnes âgées comme ta grand-mère ...'. J'ai réfléchi un long moment et j'ai sorti avec l'assurance de mes 6 ans 'Ha je vois … Ben non, ma mamie elle met de la crème Nivea, elle peut pas avoir de rides' Malgré la chaleur étouffante, la vue un peu brouillée, j'ai fait un signe de la main à madame G. en souriant à pleines dents , elle m'a regardé quelques secondes et a poursuivi son chemin. J'ai cru un instant qu'elle m'avait reconnu. Je me suis assis à la terrasse du café de la mairie, et j'ai allumé une cigarette, j'ai longuement fermé les yeux, et je suis resté là, à écouter les bruits des gens autour. Le son flou du téléviseur. Le sifflement du vent dans la rue déserte à cette heure, un jappement de chien au loin, le brouhaha des conversations, et le doux bruit du percolateur. J'étais bien. Bref, je suis allé faire un tour en banlieue.

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