Sur les traces de vie,
La maison abritait en son sein, des images d'un passé qui lentement s'effilochait, il ne restait guère de vérité qui emplissait l'espace de vie, les rayons ardents de l'astre estival taquinaient les tentures, les volets faisaient paravent, leur couleur unique se mariait à la tiédeur du jour agonisant.. le parquet craquait sous la démarche lourde, nonchalante, peu sûre, à l'instar de l'esprit qui se conjuguait si mal avec l'âme de l'occupant...
D'antan, après ces périples enfantins, ils nous paraissaient rocailleux l'accent qui se mariait aux alentours de Rhodes, des hérons au vol lent et indolent, nous faisaient de drôles de signes pour nous fuir au moindre bruissement des joncs qui , fièrement, peuplaient les abords de l'étang...
L'occupante, se reposait de ses mille contrariétés d'un travail peu reluisant, me dit - elle, d'autres qu'elle , à la culture peu manifeste, clamaient leur langueur de vie, leur volonté d'émancipation, les murs blancs et ternes, de leur lieu de servitude, ne jubilait guère à l'aune de ce siècle naissant...elles se jaugeaient, les unes les autres, l'occupante , quant à elle, n'avait pas le verbe facile, était ce l'étouffement estival qui la faisait choir sur ces sièges aux rebords délavés, peu entretenus, où une forme de misère de l'esprit se reflétait sur le miroir du mobilier , dont le poids des ans trahissait allègrement la provenance, l'héritage était une valeur sûre... on se consolait dans une certaine léthargie du mot et d'un avenir , peu enclin à la commisération.... l'aisance était propice à une forme de déprime....
Il faisait bon y vivre, mais je ne ressentais, malgré ma délicate diversion des sens, l'extrême jouissance qui emplissait mon âme de cette beauté secrète à la vue de ces bibliothèques, telles que certains, comme Marcel Arland, Yves Gibeau, dont la silhouette se devine encore de nos jours, sur les chemins escarpés près de Craonne ou du Chemin des Dames, faisaient de leur lieu , ce berceau du délice de l'individu, il n'échappait point à ce voile arachnéen qui l'enveloppait à peine franchi le seuil de ce calice de vie... Le lieu et l'image de ces artistes des mots et du verbe fort , me comblaient ..et mes rêves étaient ceux qui peuplaient mes jours et mes nuits , quand , seul je parcourais de mes pas peu assurés, ces dalles douées de mémoire..
La jouissance de la vue était à ce point comblée par cette volupté des écrits, tous recelant , qui des secrets, qui des vérités, loin des banalités dont nous entretenait Bergson, la solitude de l'endroit enlaçait l'auteur et aucun son incantatoire, mais de douces mélopées , soutenues, retenues, discrètes , aspiraient à la magie de cette éternité , faites de ces instants de quiétude , de malice et de fraternité....
Le lieu m'éloignait de ces chapelles où se mariait l'aboutissement d'un travail séculaire, j'étais là , mais l'esprit , point ne se complaisait dans cette demeure aux murs de glace, à l' aspect froid de l' imperfection du parquet , de ces tomettes inégalement réparties, et dont on sentait que la présence était l'objet de peu de mansuétude...
La demeure se mourrait de ses bruits étouffés, et je m'en retournais , bien vite, sur les pas de mes traces d'enfance...
Que ce dépaysement dans le temps, me soit salutaire...nous soit salutaire..
JPS
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