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Rygar, jeu d'arcade... de la nostalgie d'une enfance difficile par Neoantiagent

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Hier soir, seul devant mon grand écran plat d'1m37, une Wiimote dans les mains, je bats mon propre score à un jeu vidéo d'arcade qui s'appelle Rygar. Grand moment de contentement et d'interne auto-congratulation devant ces sprites si vieux qui, ironiquement, utilisent les dernières technologies d'aujourd'hui pour ravir mes neurones testostéronés. Mais ce jeu a chez moi toute une histoire. Bien des gens ne sauront pas de quoi je parle. Donc... OPERATION FLASHBACK (avec en fond sonore le tube de Imagination http://www.youtube.com/watch?v=iqPVMw939j8) ------------------------------------------------------------ 1986. La France sort de son deuxième choc pétrolier et nous sommes à Creil, 3è ville de l'Oise par sa population, très cosmopolite due au programme d'implantation des années 60 pour juguler la pénurie de personnel après l'installation de deux gros complexes industriels, Peugeot et Sollac. Au sein de Creil existent 4 grand quartiers avec des noms mystérieux pour moi du haut de mes 12 ans. Mais ils sont là, ces mots, cette scission des gens par rapport à leur localisation. Et d'entendre parler des "mecs" de la cavée de Senlis ou du Bas de Creil ou c'est comme si aujourd'hui on m'évoquait le passage d'une frontière bulgare ou sibérienne tellement l'endroit paraît loin. Et forcément, moi qui suis du Plateau, je ne traîne qu'avec les mecs de mon quartier. Graine de voyou me direz vous ? Que nenni. En fait je suis un petit garçon très timide, hyper complexé, et paradoxalement hyper actif, coléreux et aussi un peu autiste sur les bords. Enfin en tout cas avec le recul c'est ce que je me dis. Heureusement tout cela a bien changé depuis. Peut être pas la partie sur les complexes mais ça c'est une autre histoire. Bref je suis un gamin renfermé, et bizarrement peureux, complètement sous l'emprise d'une mère dominatrice et acariâtre. Une pauvre femme qui s'est vu délivrer une malédiction le jour où son premier grand amour a filé à l'anglaise dès lors qu'elle lui a annoncé que leurs ébats avaient porté leurs fruits. L'irone du sort est qu'à 6-9 mois près je n'aurai jamais existé puisque mon année de naissance correspond également à l'année de la légalisation de l'avortement. Forcément étant hyperactif et coléreux, eh bien je pique des crises de colère, je fais des caprices. Mais je commence à méchamment me calmer par rapport à la période de la primaire. Mais le mal est fait. Et si on conjugue mon comportement avec celui de ma chère mère, chaque petite bévue de ma part est transformée en punition disproportionnée et à vocation d'exemple. C'est comme cela que mon beau père en vient à isoler le salon de l'appartement en HLM dans lequel nous vivons pour en faire une pièce à part entière qui deviendra ma chambre. Avec porte qui ferme à clé bien sûr sinon ce ne serait pas drôle. Au début les punitions étaient classiques. Je me souviens de très loin que petit j'ai pris des gifles. Après est venu les temps des fessées. De gigantesques fessées. Qui finalement n'ont pas eu d'impact physiques mais bien plus psychologiques. Je me souviens encore de ce matin où cette femme m'a traîné par le pied gauche dans tout l'appartement jusqu'à ma chambre pour me coller une raclée monumentale. Combien je hurlais, combien j'avais peur. Et notre chien aboyait après elle parce qu'il détestait les cris et que les enfants se fassent molester. Mais il ne mordait pas. On ne mord pas la main qui nous nourrit dans le monde animal. Chez les hommes aussi. Car jusqu'à 21 ans je ne me suis pas rebellé. Après j'étais un peu plus grand, un peu plus lourd à traîner aussi. Donc les punitions se sont transformées en isolement. Donc j'étais puni dans ma chambre avec interdiction de sortie. Je n'avais pas du comprendre cette interdiction puisqu'au final la chambre était fermée à clé. Et graduellement ça a fini par se transformer en isolement carcéral. A chaque nouvelle bêtise, dont je suis bien incapable de me souvenir, mon châtiment était de ne plus faire partie de la famille. Cela se traduisit d'abord par l'isolement dans cette chambre dont je finissais par connaitre chaque centimètre carré et que le seul élément fascinant était la vue au dehors, sur le parc, du haut des 13 étages de la tour. L'isolement n'était rompu que par le rythme des repas, que je passais seul. Et que je me préparais tout seul. Et sitôt l'assiette vidée, lavée et essuyée, je devais retourner dare-dare dans ma cellule où mes gardiens redonnaient un tour de clé. C'est drôle car ce n'est qu'aujourd'hui que je me rends compte que je vivais dans une prison... Mais on ne se rend pas compte de tout quand on est enfant. On considère ça comme normal. On pense qu'on a été méchant et qu'on le mérite et que c'est normal. Mais ceci ne veut pas dire qu'on n'essaye pas de contourner le problème. Cela doit être humain. Je me souviens ainsi que cette séparation en bois, de l'ancien salon, bricolée par mon beau père, en certains points, était escamotable. Et Ô combien de soirées passées juchée debout sur le dossier d'une chaise, en équilibre instable, pour regarder à travers le petit trou, en haut à gauche, près du mur, la télé et la dernière séance du mardi soir. Et Ô combien d'après midi passés à avoir envie d'uriner et d'être obligé d'utiliser les conduits de ventilation comme toilettes... Et Ô combien de Samedi passés à attendre de les entendre partir faire les grandes courses de la semaine et filer vers ce panneau en bois, à droite, constitué de 6 vis, dont j'avais découvert qu'en les enlevant, je pouvais démonter ce panneau qui donnait derrière le canapé et où ensuite j'avais la liberté de fûreter dans tout l'appartement, de piller un peu le frigo (qui forcément était un peu vide puisqu'ils étaient partis faire les courses), de regarder la télé à outrance... et de flipper comme un dingue quand j'entendais la clé dans la serrure... Ils avaient du certainement s'en rendre compte puisque le level suivant de la punition était que je ne faisais donc toujours plus partie de la famille. Mais surtout que je n'avais plus le droit de partager l'environnement de la famille. Alors je n'étais pas toujours dans cet environnement carcéral bien entendu. Après un certain temps, après avoir purgé ma peine, on me ressortait de ma cellule et je redevenais donc le petit garçon. Je pouvais de nouveau jouer avec ma soeur cadette de 5 ans, regarder Goldorak le mercredi sans avoir à risquer de me rompre le cou, sortir King, notre beau colley et jouer avec lui dans le parc à faire la course et le balader dans tous les sens. Il m'aimait beaucoup ce chien. Il n'y avait qu'avec moi qu'il courait. En fin tout ça pour dire que je n'ai pas passé toute mon enfance enfermé. Alors le level suivant était donc que je n'avais plus le droit de partager le même espace vital que la famille. Dans la pratique cela se passait pendant les vacances scolaires. Et le programme était le suivant : je devais me lever en même temps que mon beau père, à 6 heures du matin, me laver, m'habiller, prendre mon petit déjeuner et partir de l'appartement en même temps que lui et... rester dehors. Je pouvais revenir à 12h uniquement pour manger, toujours seul bien sûr. Je me préparais mon déjeûner, je mangeais, je lavais mon couvert. Et sitôt terminé je devais repartir dehors et y rester jusqu'à 19h. Et à partir de là je devais revenir, rebelote pour le diner, et retourner dans ma cellule fermée à clé. Donc autant dire que je passais ma vie dehors. Y'a des châtiments plus terribles je vous assure. C'est là que j'ai commencé à m'ouvrir aux gens, au monde. Que je me suis fait des copains. Que j'ai eu mes premiers flirts (Ahhhh Celine qu'elle était belle...). Que j'ai ceuilli mes premières noisettes. Et assez rapidement j'ai commencé à fréquenter la même bande de copains avec qui je rigolais bien. Il y avait Ernest, un grand black, le géant, le titan, le chef. Un mec adorable, généreux. Pas un de ces tortionnaires. Et il y avait Freddy son cousin. Je crois qu'il m'aimait pas beaucoup. Mais il était marrant. Et Sayid mon pote. En fait c'était tous des blacks. J'étais le seul petit blanc du groupe. Et j'étais un suiveur pas un acteur. Et je découvrais plein de trucs. Je découvrais mes premiers magazines érotiques dans le chambre de Sayid, je découvrais la ville que tous ensemble nous avions traversé de long en large, je découvrais la joie de lire tranquillement BD et livres dans la bibliothèque de la ville. Et je découvrais les jeux vidéo. En face de ma tour, le café LE NARVAL, était un grand établissement qui accueillait les soulards du quartier, les férus de PMU, les joueurs de carte. Et il contenait également 2 flippers et surtout 3 bornes d'arcade. Alors attention on parle de bornes d'arcade de l'époque pas de ces énormes trucs qu'on voit aujourd'hui avec 3000 boutons, tout en plastique. Non je parle des bornes d'arcade estampillé SVT, avec écran cathodique, coffrage en bois aggloméré, où avec 2 francs on pouvait jouer une partie. C'est d'ailleurs de là que j'ai connu tous mes copains. Les jeux tournaient tous les 3 à 6 mois en fonction de l'intérêt que les gamins portaient à la borne, et surtout je pense de la somme qu'ils rapportaient. Jusqu'à un certain moment, les jeux que je voyais passer étaient sympas mais aucun n'était vraiment intéressant à mes yeux, pas suffisamment captivant. Et un jour sont arrivés Karnov et Rygar. Késako ? A mes yeux, 2 des 4 plus grands jeux vidéo de l'histoire, mon histoire. Karnov c'était MON jeu. C'était moi le champion. C'était moi qui avait tout trouvé, tout découvert, les meilleurs scores, les meilleurs temps. J'étais le dieu de ce jeu. J'étais capable de supplier pendant des heures (en fait quelques minutes en réalité) un joueur de me laisser son dernier bonhomme. Et s'il me le laissait, il pouvait revenir une heure plus tard et j'étais encore sur la même partie et le nombre de bonhommes étaient passés à 5. Et cela m'attirait le respect des autres joueurs. Et ça qu'est ce que c'était bon. Rygar c'était l'AUTRE jeu. C'était un jeu sur lequel j'étais une vraie brêle. Encore pire que tous les autres d'ailleurs. Parce qu'en fait personne n'arrivait à comprendre ce jeu et à avancer au sein de l'aventure. Il nous paraissait très dûr. Et personne ne comprenait le but du jeu. Jusqu'à un dimanche après midi d'un mois de Juillet 1986. Alors encore une fois j'étais dehors. Et je cherchais mes potes. Je n'avais pas commencé par le café, qui pourtant se trouvait juste en face de ma tour. Donc je tourne dans la ville pour les trouver et je finis ma quête par notre repaire. Et à travers les grandes vitres du café, dans l'espace dédié aux bornes, sur cet alignement des 3 bornes de jeu, Rygar étant la borne du milieu, un monde de dingue se presse sur Rygar. Alors il faut savoir qu'après un certain temps passé dans ce café, entre gosses, on se connait tous. Il y a Malek, le pro du flipper. Son frère Samir, très taciturne et qui ne joue jamais. Il y a Franck un jeune adulte qui ne parle pas beaucoup et qui boit des bières mais qui est sympa et nous laisse toujours un bonhomme. Il y a le Turc, un pauvre gosse, qui parle très mal le français mais qui est super gentil et qu'on tanne toujours pour nous donner 1 franc ou une vie. Et bien d'autres encore. Tout un petit monde donc où tout le monde connait tout le monde. Donc je suis là, à voir une foule "monumentale" se presser autour de la borne. Il y a bien au moins 15 personnes qui ont les yeux rivés sur le petit écran de 25 centimètres. Intrigué je rentre dans le café et les rejoins tous. A la borne, un parfait inconnu. Grand, mince. C'est un vieux : il doit avoir 17-18 ans. Apparemment arménien. Et plutôt beau gosse. Et le mec il joue à Rygar comme personne. Et tout le monde est éberlué. Personne ne dépassait le premier tableau. Parce qu'en fait personne n'avait compris qu'il y avait plusieurs tableaux dans le jeu. qu'on est dans un jeu à défilement vertical et que chaque tableau se complète en allant de gauche à droite, en éclatant les monstres et en chopant les bonus. Et ce type, Sza il s'appelle, il vient d'emménager à Creil. Et il nous fait découvrir le jeu. Et il passe le premier tableau. Et le deuxième. Et le troisième. Et le quatrième. Et ainsi de suite jusqu'au treizième tableau. Un Game Over. Mais il avait mis 5 francs donc il a 3 crédits. Donc il rejoue une partie. Et là il monte jusqu'au 18è tableau. Il en a marre. Et il laisse le dernier crédit en pâture à tous les gamins qui sont ici. Mais le gars, en une seule après midi, en l'espace d'1h30, il s'est gagné le respect de tout un quartier et de toute une génération de gamins. Dès lors il s'est intégré super rapidement et nous a expliqué tout ce qu'il y avait à savoir sur le jeu, car il l'avait déjà terminé. Ce souvenir, cet après midi, reste pour moi mémorable car c'était magique. J'aimais bien ce café, ces jeux, ces potes, cette ambiance. J'ai par la suite recroisé, seul ou à plusieurs, le chemin de Rygar. Et j'y suis devenu bien meilleur. Sans vouloir faire de publicité, j'ai vu par la suite que ce jeu était disponible sur le Wiiware. Donc je l'ai téléchargé et j'y joue assez régulièrement. Je n'ai toujours pas réussi à le terminer en un seul crédit. Mais son côté old school, ses petits bugs, sa musique 8 bits et sa difficulté me rappellent toujours à cet après midi d'un dimanche du mois de Juillet où finalement même les moments les plus difficiles sont éclipsés. Aujourd'hui je ne traîne plus dans les cafés, je suis un homme respectable (enfin je crois), je suis ouvert, beaucoup moins timide. Je traîne aussi quelques casseroles mais ma mère n'est plus là pour répondre à mes questions. Et je me plais à penser que les jeux vidéo ont finalement fait de moi ce que je suis aujourd'hui, bien plus que ce que aurait du faire une famille. Et pour ceux qui veulent une démonstration visuelle : http://www.youtube.com/watch?v=MG0u7Cin0a8 http://www.youtube.com/watch?v=vrjJE6tz1U8

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