Mon amie du Burkina Faso a passé une semaine chez moi, cétait la première fois bien que nous nous connaissions depuis un quart de siècle de jumelage entre nos deux villes.
Elle était venue en France à linvitation dune association pour parler de ses activités en faveur des femmes, cest une militante féministe.
Rien ne sest passé comme prévu. Le temps na pas permis les belles balades que je voulais faire avec elle, jai monté le chauffage et nous sommes peu sorties.
Javais bien réfléchi à mon approvisionnement, pas de porc, pas de laitages, mais presque rien de ce que javais acheté ne lui plaisait alors on a fait une semaine comme chez elle: riz ou semoule, légumes en sauce, viande, fruits, un point cest tout.
On a fait un peu dordinateur. Jai essayé de lintéresser à mes navigateurs solitaires du Vendée Globe et je me suis ramassé un bide total. Elle ma demandé sils gagnaient beaucoup dargent, jai répondu que non alors elle a dit avec mépris « Mais cest quoi ça ? Si je suis sa femme je linterdis de risquer sa vie pour rien ! » et jai laissé tomber.
On a regardé les infos. Elle a dit « Voilà, cest comme ça! Ici et chez moi la politique cest la même merde, je préfère la société civile! ». Elle ma raconté quen ce moment chez elle tout est bloqué à lapproche des législatives parce que le CDP, parti majoritaire, a sa liste choisie par la base mais une deuxième liste CDP se constitue autour dun « parachuté » neveu dune personnalité
ça ma rappelé La Rochelle, pour un peu jaurais twitté.
Je zappais en cherchant une émission pouvant lintéresser et on est tombées sur Plus belle la vie. Elle adore, elle ne loupe pas un épisode chez elle au Burkina Faso alors, moi qui nen avais jamais vu un seul, je men suis farci toute la semaine.
Avec ses commentaires ça valait son pesant dor. Sadressant à une femme adultère « Mais si tu narrêtes pas toi, il va te divorcer! »
On a fait des courses, beaucoup de courses et des pas faciles. Parce quelle voulait ramener des cadeaux à ses trois enfants, trois petits-enfants, parents, amis mais rien ne devait dépasser un euro et elle ne voulait pas que je paie. Sa retraite de matrone (aide sage-femme) est de 55 000 CFA par mois soit environ 84 euros. On a parcouru toutes les solderies et on a trouvé les cadeaux: des savons, des shampooings, des culottes et de la moutarde forte. On a fini chez Emmaüs pour des chaussures, des vêtements et des bijoux dorés.
Tous les après-midi on a fait palabre. Pas sous un baobab mais sous le plafonnier de mon salon ont défilé les membres de notre comité de jumelage pour la rencontrer et parler de la vie là-bas, de lannée de famine qui se termine et des bonnes pluies qui promettent le meilleur pour lannée prochaine. Elle nous avait apporté des cacahuètes et elle a préparé le bissap, infusion de fleurs dhibiscus avec du sucre et du gingembre.
Elle a parlé de son action. Avec son association de soixante-cinq femmes elle a monté une petite unité de fabrication et de conditionnement de farine nutritive à base de mil, soja, arachide et sucre, enrichie en vitamines et sels minéraux. Cette farine, le misola, est vendue pour faire des bouillies en complément de lallaitement maternel. Sa fabrication donne du travail à cinq femmes et le bénéfice permet daccorder des micro crédits à toutes les femmes de lassociation lorsquelles sont en difficulté.
Elle a parlé de son travail de matrone, quelle a exercé jusque il y a deux ans, de la dizaine de milliers denfants quelle a vu naître et des mères qui meurent encore en couches.
Elle na pas reparlé de sa fille aînée qui est morte justement en accouchant il y a une quinzaine d'années. A lépoque elle navait fait quun commentaire « Dieu a donné, Dieu a repris! » Elle avait juste demandé quon lui envoie des cassettes de musique parce quelle avait le cafard, seule les nuits de garde, dans cette salle où sa fille avait perdu la vie.
Voilà, jai retrouvé ma solitude peinarde et mon rythme car jai vécu une semaine au sien, levée à six heures et couchée à neuf, on se lève avec le jour et on ne veille pas tard là où il ny a pas lélectricité. Je nai plus trop chaud, jai baissé le chauffage. Je ne me casse plus la tête pour mes menus. Je ne regarde plus de feuilletons, je ne passe plus des heures dans les solderies mais il ny a plus personne pour venir palabrer laprès-midi et elle, elle me manque.
En partant elle a dit « Je suis vraiment bien dans ta maison, cest comme c'est ma maison, je reviendrai ! » et moi je commence aussi à penser à repartir là-bas pour la sixième fois.
En Afrique on dit :
« Lil va où le cur ne veut pas, mais le pied ne va pas là où le cur ne veut pas aller. Ton hôte est venu chez toi. Il nest pas passé au large de ton campement. Cela signifie quil ne ta pas méprisé. Quil testime. Quil te respecte. Il ny a pas de plus grand bonheur que la venue dun hôte dans la paix et lamitié ».
↧