Un ami attentif et qui dit bien maimer, me signalait tantôt mes excès pccistes.
"Trop souvent sur le net, ma belle, ton errance est tragique. Tu y passes tes jours, tu y passes des nuits. Tu en oublies le monde, tu négliges la vie. Tu cherches fortune dans lépaisseur dune toile fragile, tu nimagines pas ce que tu perds à rêver ainsi sur la dune éphémère damitiés versatiles."
Si, si .... jimagine.
Je sais ce quil veut dire.
Ce que lui ne sait pas cest que cet endroit « qui émerge en îlot » me sert de point dappui.
Comme un barrage retient le bouillonnement des eaux, et les dompte un moment, en une retenue bleue et tranquille.
Ce quil ne sait pas cest le vertige qui me prend à traverser le pont incertain de la vie ordinaire, au-dessus des tumultes, et le précipice au-dessous, son attrait son horreur. Il ne sait pas les démons qui mhabitent et la grande plaie sanglante comme un trou dans la peau. Il ne sait rien des tympans qui résonnent, des yeux qui vous brûlent, et de cette nauséabonde odeur dherbes pourries, émanant de trop proches marais. De cette fatigue lourde qui plombe vos bras, votre tête, votre âme même. De cet « enfer- cest- les- autres » pavé de si bonnes intentions !
Ce quil ne peut pas voir bien sûr cest ce regard absent, et cette indifférence qui traverse parfois mon horizon vrai de béton et dacier, il ne voit pas non plus cet écart que je fais, ce pas sur le côté, pour éviter les chocs et les affrontements.
Ici, oui ici justement, je colmate le vide. Je bouche les trous noirs de lAbsurde. Je couds de fil blanc point par point le grand drap qui me couvre. Je sais bien......On ne voit plus les initiales que jadis je brodais, fière de clamer mon nom tout neuf à la face du monde ! Oui, jai perdu jusquà ce nom, je ne suis que pseudo, zombi, ectoplasme. Figure plate sans ombre, ni remords. Masque blanc sans expression. Guignol sans véritable théâtre, sans tambour ni trompettes, en quête de marionnettes qui donnent la réplique dans une pièce sans fond ni forme, je magite et je tourne sur moi-même en proie à lillusion, ainsi font font font.....
Tu ne sais pas, mon Ami, que defforts que de luttes pour parvenir à tenir droit. A marcher sans culbute. Il faut bien sappuyer. Même sur une illusion...
Jai donc trouvé cet endroit. Il y souffle un peu dair. Et aussi de lesprit.
Cest un lieu démotions, qui vibre et qui stimule. On trouve ici des tableaux, des paysages, des histoires intimes, cest un lieu animé décriture, de pensées, de personnages, parfois survoltés parfois anémiques, on y parle de tout, de livres, de musique, on samuse dun rien, on rigole de tout, on est léger, on est loufoque, on est lourd aussi...Jaime ce brouhaha et ces éclats de rire ! jaime aussi les larmes et puis la poésie....
On y fabrique quelque chose ...Ne me demande pas quoi. Quelque chose de sidérant en tout cas. Qui vous maintient là, accroché comme une arapède à son rocher. On ne sarrache pas à la matière vive comme ça ! on ne quitte pas la mer sans efforts ! il faut dautres frémissements pour nous donner envie de voler ...Denfin aller voir ailleurs !
Je le sais ...Ils viendront ces bruissements dailes qui nous emporteront. Beaucoup déjà ont filé. Dautres rivages les accaparent désormais, qui ressemblent à sy méprendre sans doute aux précédents.... Ils ne le savent pas encore... Il ne se trouvera aucun dentre nous pour ne pas mettre un beau jour, un magistral coup de pied dans la fourmilière, râlant contre elle et son petit ordinaire, croyant bien faire dannuler ce quil aura vénéré, en dautres temps !
Oui ils viendront ces bruissements dailes et nous partirons à notre tour.
Le plus bel endroit du monde ne peut donner que ce quil a. Encore faut-il hisser les cordages, rehausser les couleurs ! Il faudrait chaque matin un peintre pour réveiller la page blanche, mais qui se passionnera plus longtemps pour la destinée dun site moribond ?
Il ressemble au monde en vérité ce site -autrefois glorieux nous répète t-on à l'envi !. Il nous ressemble aussi. Une étreinte radieuse a eut lieu ici. Nous nous sommes aimés, sans limites, nous nous sommes battus, dignement, sans tuer, nous avons ri et fait la fête, nous étions princes des lieux, et témoins dune histoire. Le rideau maintenant est baissé. Nous voici devenus des fantômes dopérette. Il ny a plus de décors, on ne joue plus de pièce !
Oui javais trouvé un endroit. Pour ne pas trop vivre à lenvers.
Rassure toi, je ne suis pas addicted. Cest simplement du désespoir ....De la désespérance.
Jai eu besoin de ce frisson. Jai aimé ces convulsions. Je reste encore. Encore un peu mon cher !
Imaginer un lieu, un autre, plus « inspiré » relève de la gageure je le crains. Des cadavres en dessous on en trouve partout.
Ici les cadavres sont exquis.
Bien sûr quon sy ennuie aussi. Mais nest-ce pas une chance ?
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