Ils sont partis les bateaux du Vendée Globe. Les uns après les autres leurs hauts mâts ont échappé à notre vue. Près de trois mois vont sécouler avant que le premier dentre eux se redessine comme un trait fin sur lhorizon.
Comment ne pas se sentir émus en pensant à la longueur de la course et aux terribles difficultés qui attendent ces vingt navigateurs dans les mers du sud.
Nous étions plusieurs centaines de milliers massés le long des quais pour leur dire au revoir.
Levés aux aurores, nous avons assisté au défilé des bateaux de légende dont le Suhaili avec lequel Robin Knox-Johnston réussit en 1968 le premier tour du monde en solitaire sans escale et le Joshua avec lequel Bernard Moitessier parcourut la même année sa « longue route ».
Ensuite deux heures durant, sous une pluie battante, nous avons ovationné les vingt bateaux du Vendée Globe 2012/2013 passant devant nous dans le chenal pour gagner la ligne de départ, dans une cohue indescriptible, toutes les embarcations petites et grandes sortant du port en même temps pour escorter les solitaires sous le ballet des hélicoptères.
Les concurrents ont toujours une façon très personnelle de vivre le moment du départ. Certains, notamment les « récidivistes », sont exubérants et se joignent avec enthousiasme à la liesse populaire. Dautres sont dans la retenue et se contentent de saluer discrètement le public, tout à leur concentration mêlée dappréhension. Mais tous sans exception savent dire à loccasion combien la ferveur du public sablais les touche.
Jai regardé passer ma chouchoute, la petite Samantha Davies arrivée quatrième en 2008/2009 et seule femme en course cette année.
Elle ma semblé plus grave et moins exubérante que la dernière fois. Jai pensé quelle était aujourdhui maman dun petit bonhomme dun peu plus dun an et que pour elle le départ devait être moins facile.
Ils ont gagné la ligne de départ à quelques kilomètres au large des Sables dOlonne. Cest une des grandes difficultés de la course car ils doivent éviter une collision avec les innombrables embarcations descorte et les autres concurrents en attendant le signal du départ.
Lors de sa conférence de presse on a demandé à Samantha Davies ce quelle redoutait le plus dans cette course de lextrême et elle a répondu sans hésiter, contre toute attente, « la sortie du chenal des Sables dOlonne » !
Enfin, à treize heures deux exactement, le top du départ les a libérés. Ils ont retrouvé avec un bonheur immense leur tête-à-tête avec la nature et lexcitation de la course .
Maintenant le premier passage périlleux est le Golfe de Gascogne, où les dépressions sont nombreuses en novembre. Chaque année les bateaux y subissent des dégâts matériels et en 1992 un Britannique, Nigel Burgess, y a perdu la vie. Il nest pas rare quun ou deux concurrents remontent alors aux Sables dOlonne pour réparer avant de repartir.
Lors de la dernière édition mon favori était Kito de Pavant, je trouvais que son nom avait du panache et jaimais bien son bateau rouge « La vache qui rit » dont javais dailleurs monté la petite maquette en carton prédécoupé. (Il ne faut jamais renier sa part denfance).
Il a démâté lors dune tempête dans le Golfe de Gascogne et il a dû revenir aux Sables dOlonne, bateau et rêve brisés.
Jai vu les images de son arrivée au ponton, je lai vu essayer de répondre bravement à un journaliste puis seffondrer brusquement et rester à sangloter prostré sur le plancher.
Quatre années à chercher des sponsors et parfois à sendetter, à équiper le bateau, à se préparer physiquement et moralement et se retrouver hors course un jour après le départ, quelle immense désillusion
Désolée davoir perdu Kito de Pavant jai découvert au hasard des vidéos la merveilleuse Samantha Davies alors âgée de 34 ans, aussi drôle et sympathique que talentueuse navigatrice, et lai suivie au quotidien tout au long de la course. Je ferai de même cette année.
Que la course lui soit belle ainsi quà tous les autres concurrents et quelle revienne saine et sauve auprès de ses deux hommes, son compagnon navigateur et son tout petit moussaillon!
(Bientôt les photos du départ dans ma galerie)
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