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(je ne connais pas l'artiste) par Sois toi

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Je vis d’abord la profusion de richesses : il me fallut du temps, des mois, et même des années, pour discerner, à l’intérieur de ces merveilles, des scories qui ne m’étaient pas destinées. Ce ne fut pas une désillusion, non, même pas un regret, simplement cela ne me concernait plus ; les grandes réunions mondaines, les lumières sur la ville, le luxe dans tous ses états : leur grandeur n’était pas mienne, car je convoitais secrètement des pays de cocagne plus intérieurs et moins clinquants. Je me dirigeai vers ce qui me semblait des ruines romaines, mais je m’y endormis, et une voix douce me réveilla en m’intimant de dégager : l’homme qui parlait s’évanouit au fur et à mesure que je m’en approchais. En s’évanouissant, le cercle laissé sur l’ocre du sable laissa comme une trace au sol, un sentier. Le sentier était bordé d’arbres centenaires, ou en tous cas tordus par les années, et exhalaient une odeur proche des eucalyptus. Au loin, je vis la mer, celle des arts et des lettres, celle qui prend les hommes aussi, celle qui recommence à l’infini son travail de sape et d’écume. Les vagues de Virginia ne me faisaient pas peur, je savais que mon chemin commençait au milieu des loups, mais que ces redoutables loups, tonnerre de Dieu, étaient évitables. Je dansais parmi eux, sans qu’ils me touchent, de la danse impétueuse, fantaisiste et rieuse qu’ont les jeunes filles au milieu des dangers. La nuit était venue, et l’aventure à l’état brut survint, sous la forme d’une chouette muette, mais qui me regardait de ses yeux vert, et me sourit soudain, de façon imprévisible, puis me prit dans ses bras de chouette, et me chuchota que c’est beau la vie. Les arbres acquiescèrent, en courbant vers nous leur feuillage en signe de révérence. Alors la terre entière vira, virevolta, pivota dans un sens puis dans l’autre ; une frénésie la prit, cette terre, de tourner sur elle-même, d’un mouvement si imperceptible mais si réel, que l’on s’extasiait « et pourtant, elle tourne ». Janis Joplin chantait ses rauques refrains à s’en damner. Bangui la belle exterminait tout ce qui bougeait. Le dimanche à Orly, avec ou sans bécots, continuait à connaître sa litanie de tristes séparations. Puis l’aube se leva en repoussant sa chaise, s’étira longuement avant de s’alanguir, et laissa place au jour. Il n’en menait pas large, ce jour, qui allait voir son lot de misères et de peines, mais bon, on en était au début, pas la peine d’imaginer le pire à venir, et qui peut-être ne viendrait pas. Rendons au jour ce qui est au jour, ce qui est clair comme le jour, comme un jour avec pain. Rendons lui ce service de croire en lui. Il vous le rendra, car le jour est reconnaissant. Il reconnaît les siens, le jour, ceux qui un beau jour ont vu le jour ; ceux qui cultivent l’extase, rencontrent l’inespéré et prient. Des musiques barbares montèrent dans l’air saturé de frangipaniers, faisant frémir les libellules et s’échapper les éléphants roses, toutes oreilles dressées, entiers dans leur fureur barrissante, furieux dans leur charge toute puissante. De l’autre côté du monde, là où la nuit régnait encore, des enfants mouraient pour des raisons futiles, dans des poteaux électriques ou des mouvements de foule peu aimante. Des innocents finissaient sur la chaise électrique. La guerre n’épargnait rien, même pas les partisans. Le monde pourrissait sous d’abondantes répétitions de biens : cela, de l’autre côté du monde… Le jour s’était levé devant moi, comme un premier matin magique et pur. Les montagnes couchaient leurs arrondis voluptueux dans la brume engourdie : j’étais cette montagne que tu devais escalader pour en connaître les hauteurs somptueuses. Un grand aigle suivit ton escalade de son œil attentif. Et au fur et à mesure que tu m’escaladais, je m’aplanissais, comme dans une volonté de te faciliter la route ; Je fis place à un désert pacifié de sentiments enfuis. Un désert plein, Aden. Un soleil bleu éclairait les collines de ton corps se dessinant superbes, les vallées endormies de ta poitrine nue, il t’éclairait toi, entier, et j’étais là où de tout temps je devais exister.

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