Arrivée à Tel-Aviv, tard, fatiguée mais heureuse dêtre enfin revenue sur cette Terre sacrée. Eid, retenu comme dhabitude à lentrée du terminal de Ben Gourion, arrive avec un peu de retard. Ca laisse le temps de reprendre contact avec le pays. Drôle dambiance. Javais oublié le poids des hommes en armes.
Déjà à Vienne, dans la salle dembarquement pour Tel-Aviv, latmosphère était devenue plus lourde. Regards suspicieux des personnels au sol et parfois des passagers. Pourtant une séquence comique sest glissée de manière tout à fait inattendue dans une organisation bien huilée où chacun reste à sa place, à bonne distance des autres et observe de manière très furtive tout ce qui se passe. Un passager ma donc abordée en français (et non en hébreu ce qui est assez rare) pour savoir si je nétais pas, par hasard, Mme Fitoussi. La demande était tellement inattendue que jai manqué déclater de rire. Inconnus lun pour lautre mais rapatriés tous les deux par le même organisme, il cherchait à faire sa connaissance. Et non, je ne suis pas Dame Fitoussi, mais nous avons plaisanté à sa santé puisque cela semblait permis.
Eid arrive, toujours égal à lui-même, souriant et plein dattentions. Les mots manquent aux retrouvailles. Jai pourtant plein de trucs à lui dire et lui demander, des nouvelles de sa femme, de ses filles, de lui
trois ou quatre questions fusent puis tombent. Le gros du voyage se fait dans le silence et la nuit. Puis il remet sa musique. Enfin, il change la station de musique de variété arabe pour de la musique africaine
ses origines obligent. Personne ne se force à parler. Je me calle dans ce silence et ce spectacle. Je regarde le paysage et cherche à reconnaître des endroits familiers. Des histoires de routes me reviennent... dont une mémorable panne dessence sur la 60 avec Laure en pleine nuit
Difficile de trouver le sommeil avec tout ça dans la tête
Soirée au Jérusalem Hôtel avec Catherine; Narghileh et Taïbeh* . Très joli endroit dont nous rêvons pendant les moments les plus difficiles de la semaine. Cest là que nous débarquons après Hot Winter* sur Naplouse. Toute la douleur sestompe à la première gorgée de Taïbeh ainsi quà la première bouffée de narghileh. Tous les malheurs du monde sarrêtent à lentrée de ce jardin dhabitués, beaucoup de militants de tous poils Le vendredi cest soir de fête. Les trois musiciens sont au rendez-vous et les shebab* aussi. Musique, shechleek* , narghileh
Musique, safran* , Taïbeh ... Les hommes se lèvent chacun leur tour pour danser. Puis les femmes. Juste sur quelques mesures. Les hommes qui dansent sont dune grâce exquise. Les femmes sont magnifiques. Ils sont ce quils dansent. Les visages silluminent et plus rien dautre na dimportance. Que la musique et le corps qui bouge. Tout ce spectacle est dune sensualité éblouissante et contribue à vider la tête.
Lendemain direction Gaza ce qui suppose le passage dErez. Depuis quelques semaines, Gaza a été déclaré par le gouvernement israélien, territoire étranger. Tout est donc organisé comme si nous franchissions une frontière. Arrivée au terminal tout neuf qui ressemble à une entrée daérogare. « Douane » avec interrogatoires inquisiteurs comme dhab. Puis système démentiel où lon passe de porte en porte, sans rencontrer qui que ce soit, en suivant les flèches ou les lumières. Les portes souvrent (ou pas) électroniquement sur le passage. Les caméras grésillent et suivent chacun des mouvements sur tout le long du trajet. Chicanes, portillons métalliques, corridors, barbelés
*1: Bière locale
*2:Dernière incursion extrêmement dure
*3:Jeunes gens
*4:brochettes
*5:Plat local
Sortie dErez peut-être pire encore que lentrée. Chemin inverse dans ce tunnel sans fin jusquà la lourde porte métallique coulissante. Un autre bout de chemin dans un immense hall. Arrivée sur un premier sas. Obligation de se délester de tout bagage, téléphone ordinateur
tout cela part sur les tapis roulant pour passer aux rayons X. Pendant ce temps là nous commençons le passage à travers les sas successifs. Le premier, digne de Star Wars. « Avancez ! » La voix métallique vient don ne sait où. Puis à force de la chercher on finit par voir le personnel très loin tout en haut dans un bureau en mezzanine de verre. Incroyable. Nous sommes tenus en respect, à une distance suffisamment rassurante pour que des mômes en uniforme puissent brailler des ordres à travers des micros, sans que nous sachions vraiment à qui sadressent ces voix synthétisées : « Cest à vous que je parle ! Vous là !» gueule la môme. Les présents se regardent, éberlués parfois effrayés pour les nouveaux, habitués et las pour les autres. Finalement yen a toujours un qui se lance. Si ce nest pas le bon on le saura toujours assez tôt aux braillements qui sen suivront. « Mettez les pieds sur les dessins au sol ! Les mains en lair ! ». La porte du sas se ferme dun seul coup et pivote autour de soi, toujours jambes écartées et bras en lair. Un bruitage de film. On sattend à voir surgir les alliens. Un truc flippant au possible. Sur, cest pour un film ou un jeu vidéo. Deux portes encore à franchir avant daccéder à la salle de réception des bagages. Là, les sacs reviennent complètement sens dessus dessous, les ordinateurs allumés, jetés en vrac avec le contenu de tout nos sacs dans des bacs à moitiés renversés. Là souvent, la colère manque dexploser.
Entre toutes ces lignes, ya plein de choses à raconter, tellement de choses que les mots manquent. Mais jessaierai den trouver quelques uns encore
J'étais en mission humanitaire en 2007 à Gaza, comme infirmière détat je vivais en France, encore.
Ce fut, ma dernière mission, là bas.
Merci à tous de mavoir lue, je tiens à préciser que je suis bien Elle et non Lui, comme sous-entendu sur mon premier commentaire, auquel je ne peux pas répondre !
Au plaisir de vous lire et à bientôt.
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