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Les ailes de l’ange Gisèle par Jules Félix

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J’ai distraitement tourné ma tête vers un film dont l’acteur principal venait de faire la une de l’actualité pour un simple déménagement. La corpulence énorme, la peau encore assez ferme malgré ses soixante-deux ans, un dynamisme à rude épreuve ; apparemment, il campe désormais toujours le même genre de rôle, un peu benêt, un peu gentil, un peu bête, grande énergie physique et petite puissance intellectuelle. Mais ce soir du jeudi 13 décembre 2012 sur France 3, ce n’était pas lui qui aveugla mon attention en regardant "Tête en friche", un film réalisé par Jean Becker et sorti le 2 juin 2010. C’était une vieille dame, au visage qui ne m’était pas complètement inconnu, à la gentillesse qui se lisait bien au-delà du rôle qu’on lui avait confié, celui d’une vieille dame (ça tombe bien) qui essaie de redonner goût à la lecture à l’analphabète Gérard Depardieu en lui lisant "La Peste" de Camus. Cette dame a eu le bon goût de papoter juste après la diffusion du film, avec un journaliste qui devait bien sûr justifier son salaire. Ce genre de papotages est généralement inutile et agaçant, pause méritoire pour les éventuelles aisances, mais justement, la paie était méritée car cette dame est une femme extraordinaire. Elle est sociétaire de la Comédie française et son métier était plus sur les planches que dans les tournages. Elle a arrêté le théâtre en 2005 mais continue le cinéma car c’est un peu moins fatigant. Elle a joué avec des comédiens comme… Raimu. Son premier rôle, elle l’a eu à vingt ans pour une pièce d’Alfred de Musset …en 1934 ! Oui, cette charmante dame a plus de quatre-vingt-dix-huit ans et demi (trois de moins lors du tournage du film en question), elle est née juste avant la guerre, la Première guerre mondiale, le 14 juin 1914 ! Elle a dû attendre 2003 pour recevoir la consécration de la profession, un Molière d’honneur après soixante-neuf ans d’activités théâtrales. Il s’agit de Gisèle Casadesus, toujours bien vivante, et Feudouce avait déjà fait la remarque dans un com’ en juin 2010, lors de la sortie du film, il s’agit bien d’elle et pas de Mathilde Casadesus, sa cousine, morte à quarante-quatre ans en …1965 ! La base de PCC est mal faite et c’est très regrettable qu’en deux ans et demi, elle ne fût toujours pas modifiée et l’erreur supprimée ! Cette femme est issue d’une très grande famille de fratrie de presque dix personnes, qui a donné de nombreux musiciens et de nombreux acteurs. Elle est fille d’un chef d’orchestre et aussi la mère du célèbre chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus, qui a déjà soixante-dix-sept ans, Les trois dernières années, elle a tourné au moins sept films ! Son dernier film, elle l’a tourné cette année 2012 en compagnie de Michel Galabru (nonagénaire aussi désormais), sous la réalisation d’Aytl Jensen ("Le jeu de cette famille"). Revenons au film justement. Gisèle Casadesus connaît bien le réalisateur Jean Becker, qui a dix-neuf ans de moins qu’elle (seulement), car ils ont tous les deux une maison sur l’île de Ré. Et un jour, juste avant le tournage de "Tête en friche", le cinéaste l’a aperçue en train de faire du vélo pour se déplacer. Il l’a presque engueulée pour lui dire qu’elle était folle de prendre un tel risque, si jamais elle tombait, juste avant le tournage ! Donc, c’est cette femme qui m’a impressionné exclusivement dans ce film au scénario un peu bêtifiant. Je croyais que Mélanie Bernier, girl friend en friche de vingt-cinq ans, ou encore Amandine Chauveau, la mère jeune et belle de Depardieu, auraient eu un peu plus d’épaisseur et d’existence, mais non, rien. Tout pour Depardieu et Gisèle et c’est tant mieux pour la vieille dame à l’esprit si jeune et enjouée, si malicieuse et audacieuse. C’est tant pis pour l’histoire qui est beaucoup trop caricatural, pleins de clichés (sur la pauvreté, sur les cancres etc.), caricatural aussi psychologiquement avec une garçon pas aimé de sa mère et donc triste toute sa vie (scènes d’enfance pas du tout crédibles). Parmi les autres personnages, on peut citer aussi la chanteuse Maurane, quarante-neuf ans (je la croyais plus âgée car elle chante depuis la fin des années 1970 si je ne me trompe), qui joue le rôle de tenancière du bistrot, Claire Maurier, soixante et onze ans, la mère de Depardieu, qui avait joué la bistrotière parisienne "typique" dans "Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain", Patrick Bouchitey, soixante-trois ans, veuf désespéré et faiseur de mots croisés en ses temps perdus, l’entreprenante Sophie Guillemin, trente-deux ans, jolie copine de Depardieu (là non plus, même si l’amour ne s’explique pas, ce n’est pas très crédible ; au début, j’ai cru qu’elle jouait le rôle de sa fille), Régis Laspalès, cinquante-trois ans, l’instituteur sadique des temps anciens, et enfin François-Xavier Demaison, trente-six ans, le compère, tout auréolé de son succès coluchien de 2008. Le film, scénarisé par Jean-Louis Dabadie et mis en musique par Laurent Voulzy, a eu un million trois cent mille entrées en France, ce qui est très important même si c’est loin des plus grands succès de Jean Becker qui a cumulé pas loin de vingt-trois millions d’entrées en salle avec tous ses films. Bref, "Tête en friche" n’est pas excellent sauf que la présence exceptionnelle de Gisèle Casadesus vaut le temps passé à regarder le film. Longue vie à elle et vivent les centenaires !

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