Je suis baignée de silence...Au loin, derrière les vitres jentends vaguement lécho de la vie du village...
Cest la bibliothèque
Juvre comme une fourmi solitaire, parmi les livres muets mais tellement présents, semblables à une chaleur amie.
Des tintements de voix samplifient dans lescalier. Je les reconnais bien ces sonorités-là, ce sont celles des enfants
Cest joyeux. Cest lépoque de Noël et des fêtes. Les vacances !
Par étapes plusieurs parents et enfants arrivent
..
Allez, je propose aux enfants, ce quils aiment : une lecture (animée). J'adore jouer, me mouvoir, m'émouvoir, me contorsionner, faire la statue, habiter les voix des personnages, monter sur une chaise, bouger, me déplacer. Loin même parfois au bout de la pièce
Là cest le silence qui sinstalle.
Jai choisi une histoire de sorcière : Cornebidouille !
"Quand il était petit, Pierre ne voulait pas manger sa soupe, et ça faisait des tas dhistoires avec sa famille. (Surtout avec son père)
-Pierre ! Mange ta soupe !
-Nan, jveux pas !
- Et tu sais ce qui arrive aux petits garçons qui ne veulent pas manger leur soupe ? lui disait son père.
- Nan, j' sais pas !
- Et bien, à minuit, la sorcière Cornebidouille vient les voir dans leur chambre, et elle leur fait tellement peur que le lendemain, non seulement ils mangent leur soupe, mais ils avalent la soupière avec."
- M en fiche, j'y crois pas aux sorcières !
-A minuit la sorcière arrive. ( On rit si fort, que je me demande si cest à cause de mes pitreries ou de lhistoire s'ils sont tordus de rires)
- Elle est laide, elle ne sent pas bon, elle a du poil au menton.
-Alors comme ça petit drôle, on ne veut pas manger sa soupe ? dit la sorcière !
- Nan j veux pas !
- Et tu sais ce que je leur fais-moi, aux loustics d'en ton genre ?
- Ouais, papa m la dit tout à lheure !
Mais men fiche, jai même pas peur !
Et puis vous ne sentez pas bon !
- Comment ! ? ! ? !
- Et vous avez un gros bidon !
- Comment ? ! ! ! !
- Et le nez en tire bouchon
- Comment ! : ! : ! : ! : ? ? ?
Cornebidouille est furieuse,
Elle se met à grandir, grandir, sa tête touche le plafond.
Et maintenant petit casse-tête, est-ce que je te fais peur ?
- Nan, mais vous sentez le gruyère !
- Quoixeu ? ! !
- Et le vieux camembert !
- KOUIRGE ? ? ! : ! : !
- Et les chaussettes de mon père !
- Kantangeu ? ? ! : ! : !
Elle est tellement furieuse la sorcière, quelle crève le plafond !
- Alors, crotte de fourmi, est-ce que je te fais peur ?
- Nan, mais vous avez un gros derrière !
- Comment ?
- Une langue de vipère !
- Kexecxa ? ? ! ! ! ? : ? ! ! !
- Le nez plein de vers de terre !
- Arghhhh, c'en est trooooooppp !!!
Alors là, Cornebidouille devient complètement cramoisie...!
J'avoue, ils connaissent cette histoire par cur, alors ils reprennent en chur avec moi :
COMMMENT ! ! ! ! ! ! :) :) :)
Ah, pauvre sorcière, cest Pierre le petit garçon qui va la piéger et du coup : plus de soupe, plus de sorcière !!!!
Voilà lhistoire est terminée ouf, ils sont hilares, les mères ont des pépites damour dans les yeux pour leur progéniture.
Nempêche que jai eu le trac devant les parents
.
Pour calmer tout le monde, je leur demande ce quils ont reçu à Noël.
Tao :
Eh bien, jai eu des chaussons, des BD : Gaston, Mafalda, Les petits diables, et un roman, «Les chevaliers à larmure rouillée» super roman fantastique ! Puis quelques jeux de sociétés : Les records 2012 le Cluedo, Uno, SOS Ouistiti, La bonne paye !!!
Chacun, chacune y va des merveilles tant espérées, avec tant d'effets de surprises et de moments magiques près du sapin et de la lune, des étoiles, semblant s'approcher parfois de nos fenêtres !
Chouette Noël tout de même !!
Entre mères on discute...Il y a eu des produits de beauté, des livres dont : "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire." de Jonas-Jonasson, et puis dautres, évidemment. Un enfant tout fier dit : Mon papy il a eu un gros dictionnaire despagnol pour lire des romans en espagnol !
Colline me demande : et toi quas-tu reçu en cadeau ?
Je les cite, sauf un. Puis je mexplique :
Jen ai reçu un par la poste, dun ami qui vit loin, cest un écrivain, et ce quil écrit est très beau, jaime infiniment !
Ah bon, cest qui ? Il parle de quoi dans son livre ?
Toute lassemblée est attentive à ma réponse. Une lueur me traverse...
J'ai le livre avec moi, voulez vous écouter des poèmes ?
Cest un "Oui", unanime de lassemblée.
Je respire, là ma voix devient légère et je lis :
"La rivière"
Elle promène en laisse les prés
De ses rubans noués et moirés
En toute véhémence
Elle retient le soleil par ses chevilles
Et se fait une tunique de reflets
Ses cailloux sont des îles chaudes
Quelle gifle tendrement
Elle cache dans ses replis des pétales de roses
Son corps attire les pollens allègres
Il y a un arbre sur la berge qui lui dit de rester
Des feux mouillés prennent sans arrêt
Entre ses flancs ailés
Ce sont ses cheveux quelle peigne constamment.
Je feuillette le livre et je continue :
"L'humanité est mon enfant"
Ô mon Humanité, que j'ai toujours aimée
Comme un seul être
Toi que je prends en moi sans détours
Ô comme ton cur bat en moi, ses nuits, ses jours
Ô cher enfant que je porte en moi !
Je tiens tes pieds innocents entre mes mains
Mais, qu'a-t-on fait de toi, de nous?
Le crime, l'horreur, l'oubli, la mort
N'auraient jamais dû sévir
Pourquoi avoir nié l'autre, humain, animal
De toute éternité ?
Tant et si bien que l'on ne peut évoquer que son reflet
Face au poids des méfaits de toute l'histoire humaine
On ne peut plus que s'attacher
A creuser le souvenir des temps perdus
Volés aux êtres
Comment vivre sur les os et le sang
De tant de peuples, humains et animaux
Tellement de civilisations humanimales gisent au fond de soi
Ô mon humanité, ô ma sur !
Toi que l'on a égarée, perdue
Depuis le premier acte vil, la première trahison
Ô mon humanité que j'aime, ô mon enfant !
Sais-tu à quel point je te mets au monde
A travers chacun de mes actes
Depuis toute mémoire d'amour
Attentif à l'accomplissement de ta félicité
Mais que le temps semble long mon Amour, que le temps semble long !
Plantes et animaux, se révèlent plus aimants que toi
Qui dialoguent avec les saisons
Délestés du poids de la raison et de toute trahison
Ils sont au monde avec transparence
Le coeur à vivre, plein d'ardeur
Caressants
Au-delà de toute tentative humaine.
Devant les enfants attentifs et les mamans tout autant, je poursuis ma lecture :
"Ma sur, mon amour"
Dès laube de ton premier geste
Cloué depuis toujours au fond de ma mémoire
Jai eu peur de te suivre
Refusant de te livrer aux coutumes guerrières
Ces amours qu'on égorge pour une simple aubaine
O ma forêt, ma sur, mon amour !
Le saistu ? Le sais-tu ?
Jai cousu mes lèvres au bord du chemin,
Pour te taire
Les fruits murs de tes pieds écrasaient ma poitrine !
Le sais-tu ? Le sais-tu ?
Les couples de cerises que lon pend aux oreilles
Craignaient mes doigts fragiles
Le sais-tu ? Le sais-tu ?
Je tai aimée tant de fois au bois farouches
Chaque pli de ta robe suscitait le désir de vivre
Ô ma forêt aux yeux maquillés d'écorce
Ma soeur, mon amour !
Je regarde les enfants et les mamans toujours aussi concentrés, silencieux, à l'écoute et je termine par le poème suivant, de cet ami :
"Paroles d'ange"
Sens-tu le ciel sur ta peau
Depuis toujours cette chaleur
Caresses d'azur toujours nouveau
Quelle que soit l'heure !
C'est mon corps contre ton corps
Toi ma soeur, toi mon frère
D'où que tu viennes
Qui que tu sois
Animal, arbre ou humain
Je vais vers toi
Le coeur étoilé de lumière
En toute mémoire de toi
Nos vies sont solidaires
À chaque oiseau qui s'envole
Je m'élance vers toi
Pour des rencontres solaires
Je me fais ruisseau entre tes doigts
Je te le dis tout bas :
-L'amour est éternel
Des arcs-en- ciels naissent au rythme de nos pas
Un champ étend son linge près du bois
La mer chante dans nos cheveux
Le temps est amoureux
Baisant nos lèvres
D'une tendresse sans défaut
Les sources parmi nous précisent leurs mystères
Avec le merle, nous jardinons le monde
Fécondé par nos louanges
Viens, dans mes paysages
À tout moment, dévoile mon visage
Les clairières de l'innocence
Je ne vis que par ta présence
Désirée saison après saison
Aussi fidèlement que la terre
Ouvre ses sillons
Au fond de moi tu trouveras
Les fruits les plus purs
Toute vie si précieuse.
Voilà les enfants, les ados, les parents bougent doucement, vibrent avec moi, murmurent et ressentent mon émotion.
Jentends chuchoter : cest beau, comment fait-il pour écrire ainsi ?
Je termine en leur disant :
- Voilà, vous connaissez Jean- Baptiste, cest un ami de longue date, Il organise des lectures avec ses amis, jai été à lune delle.
Dailleurs à cette occasion, il a offert un livre dédicacé aux villageois, pour notre bibliothèque, vous pouvez lemprunter.
Par ailleurs, il laisse tout le bénéfice des ventes de ses livres aux libraires, afin de les soutenir contre la grande distribution. L'important pour lui n'est pas de vendre ses livres ( même s'il en vend durant ses signatures ), mais qu'ils soient inscrits régulièrement dans les bibliothèques et ils le sont ( même à l'étranger ).
Et puis il aime un poète romantique : SHELLEY et approuve de tout son cur cette belle pensée de ce poète :
"L'uvre dun seul est luvre de tous".
Nous nous sommes tous quittés dans un envol de partages de mots, et de joie.
Jai fermé la porte...Il y a de ces instants magiques, où les vibrations intenses demeurent éternelles
Cest le ciel bleu, le vent tourne autour de mon corps...Balancée, heureuse je suis repartie, avec mon cadeau, reçu un jour où il faisait si sombre au fond de moi
La porte est lumière.
Post-Scriptum : Quoi de plus naturel, de plus symbolique aussi de tourner la page d'une année pour aller vers l'autre, à travers les pages d'un livre....Les pages de l'amitié, de la beauté à vivre, de la mémoire, de l'amour, du partage, perpétués !
Une Merveilleuse Nouvelle Année à toutes et tous, que tous vos voeux se réalisent !
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