Il est allongé dans le noir et écoute le souffle de sa femme qui ne dort pas encore.
Les nuits à présent sont courtes de sommeil, mais tous deux s'y accompagnent sans se le dire, d'un accord tacite.
Elle lève les yeux au plafond, s'apprête à parler puis retient ses mots, n'ose pas, elle lui dira plus tard, demain.
Dans ses pensées à lui repassent d'anciennes images. Il fait l'inventaire, comme souvent ces derniers temps.
Puis c'est le nouveau matin, accueilli comme il se doit : gestes répétés, mines détachées, bonjour bonjour échangé sur le pas de la porte.
On quitte la chambre, on suit les traces des jours inscrits dans la grande maison, on s'interroge sur les menues choses des heures à venir, c'est l'horloge fidèle qui les maintient debout.
Ils sont comme deux troncs poussés l'un contre l'autre au fur et à mesure des années, à présent soudés farouchement.
Il n'ose s'éloigner trop : elle guette le son de ses pas traînants.
Sourires furtifs, mains frôlées, ils parlent ou se taisent sans inquiétude.
Puis c'est la peur qui arrive.
Il s'en était méfié, il savait que tôt ou tard... pourtant elle le surprend au coeur de la nuit .
Elle, minimise, refuse, le boude de s'affoler, grimace en petite fille capricieuse.
Le camion des pompiers se referme sur sa silhouette menue tassée sur le brancard.
Lui, dans le froid devant la maison, sent couler des larmes qu'il n'a pas vues depuis tant d'années.
Il s'agite, perd ses repères, doit partir vite la retrouver, mais avant, régler les papiers, téléphoner, prévenir, et puis... penser à manger.
Penser à rester en vie.
Il redoute qu'elle s'en aille, il se sent vieux et ne sait plus pourquoi.
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