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Entre babynépalophiles et aspirants babynépalocides par Jules Félix

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Baby et Népal sont deux éléphantes née en 1970. Elles parlent allemand (leur langue de dressage), ont commencé leur existence en Angleterre (il a fallu qu’elles s’adaptent), ont pris ensuite le bateau en 1992 pour traverser la Manche et passer sept ans sur la piste du cirque Pinder à faire des numéros de spectacle avec deux autres collègues, Saba et Delhi. En 1999, Népal a attaqué Delhi sans blesser personne. Baby et Népal ont alors été exilées au Parc de la Tête d’Or à Lyon, à côté d’une camarade, Java, qui n’a jamais voulu les fréquenter (un fossé les séparait). Java est morte en août 2012 à soixante-sept ans et l’autopsie a montré qu’elle était porteuse du germe de la tuberculose, maladie en recrudescence en France (notamment par l’arrivée de nombreux migrants d’Europe de l’Est). Et c’est cela qui a fait démarrer le calvaire chez les deux éléphantes restantes : les articles L223-8 et R223-4 du code rural oblige qu’en cas d’animal contaminé, tout le troupeau, considéré juridiquement infecté, soit abattu. Ce sont ces articles qui ont été appliqués pour la vache folle, de la fièvre aphteuse, de la tremblante du mouton et de la grippe aviaire. Heureusement, ils ne s’appliquent pas à l’humain (hihi) mais le législateur n’avait pas dû non plus imaginer qu’il pourrait s’appliquer un jour à des éléphantes. Que sont devenues nos éléphantes lyonnaises, Baby et Népal ? Pour l’instant, elles sont toujours vivantes, ouf ! Mais jusque quand ? Depuis l’été 2010, il y a des soupçons comme quoi elles souffriraient de la tuberculose. Mais en fait, ce n’est pas vraiment sûr. La tuberculose est une maladie qui résiste de plus en plus. Elle peut aussi se contaminer d’une espèce à une autre (d’un éléphant à un humain par exemple). Mais il y a une forme développée (dangereuse) et une forme pas développée, qui n’est pas dangereuse (juste porteur du germe). Bref, pour l’instant, ce n’est toujours pas trop clair. Dans le premier épisode, j’avais parlé de la tuberculose que les deux éléphantes auraient attrapée. Dans le deuxième épisode, je me scandalisais contre leur possible euthanasie et dans le troisième épisode, je mettais quelques bémols en cherchant quelques informations supplémentaires. Le devenir des deux éléphantes n’est pas encore bien clair. Et visiblement, dans cette partie à deux (ceux qui veulent les défendre et ceux qui veulent les tuer), il y a pas mal de mauvaise foi de part et d’autre. Chez les protecteurs des éléphants, au moins, il y a une certaine cohérence dans la défense des animaux mais il y a aussi une certaine volonté de récupération (Fondation Brigitte Bardot) ou une certaine négligence (le cirque propriétaire des éléphantes a laissé traîner les choses pendant un an et demi). L’alliance tactique Brigitte Bardot avec Pinder a fait sourire le directeur du cirque qui avait déjà dû souvent se frotter judiciairement avec l’ancienne actrice qui lui reprochait un mauvais traitement sur ses animaux. Chez les partisans de l’euthanasie, à savoir les "autorités" (à définir, car il y a l’État représenté par le préfet et il y a la ville de Lyon), il y a certes un souci louable de santé publique (éviter la contamination des autres animaux et aussi des humains) mais aussi un soupçon d’intérêt à faire disparaître ces éléphantes (besoin de place à la Tête d’Or pour d’autres attractions, besoin électoral de se montrer en défenseur du principe de précaution). La ville serait partisane de la solution radicale rapidement (couic), et le préfet a suivi ce chemin en décembre. Le ministre de l’agriculture semble un peu plus empathique et aurait justement suspendu l’arrêté préfectoral. Le maire de Lyon a été particulièrement clair sur France 3 le 12 janvier 2013, en parlant de l’abattage des éléphantes : « Je suis obligé de le faire, j’y suis tenu » ajoutant qu’il serait le responsable si « des petits Lyonnais » tombaient malades (et tant pis pour les vieux qui seraient contaminés). Trémolos. Au cours de la troisième de janvier, un ancien chef du gouvernement, Michel Rocard, aurait téléphoné au préfet, un de ses copains, mais n’aurait pas obtenu beaucoup de considération sur sa cause. Si Rocard, affecté aux pingouins sous le quinquennat précédent, a fait cette démarche, c’est aussi parce que son épouse est membre du conseil d’administration de la Fondation Brigitte Bardot. Pressé par deux missives par le propriétaire des éléphantes, le Président lui-même a répondu le 8 janvier 2013 qu’il n’était pas question pour lui d’intervenir dans l’euthanasie d’éléphants (Pouêt a fait judicieusement remarquer que ce n’est pas à un éléphant d’aller régler des problèmes d’éléphantes). Le 14 janvier 2013, le Président a quand même donné à son ministre de l’agriculture (et ami) la mission « d’approfondir les éléments de diagnostic de l’état sanitaire des animaux et sur la réalité des traitements disponibles en cas d’atteinte par la tuberculose ». Le 16 janvier 2013, le propriétaire a annoncé que l’arrêté préfectoral du 11 décembre 2012 qui avait donné un délai de trente jours pour euthanasier les éléphantes a été modifié pour prolonger l’échéance de quarante jours supplémentaires, soit soixante-dix au total. Comme je l’avais expliqué précédemment, il n’est pas facile de faire des tests sur des éléphants. Ils ne sont pas commodes à analyser, la moindre prise de sang nécessite un commando pour maintenir l’animal immobile, et je ne parle pas des prélèvements dans les poumons (ou d’analyser après toux ou éternuement). Il n’est pas possible de faire sur des éléphants une radio des poumons, ni une fibroscopie pulmonaire, les émetteurs de rayons X ne sont pas assez puissants et les sondes ne sont pas assez longues. Seuls la sérologie (prise de sang à l’oreille) et un lavage des trompes sont possibles, ce dernier test permettant de savoir si l’éléphant est contagieux ou pas. Pourtant, pour avoir une idée éclairée du sujet, il est absolument nécessaire d’être fixé sur l’état réel de ces éléphantes : ont-elles, oui ou non, la tuberculose, et le cas échéant, leur maladie est-elle, oui ou non, contagieuse ? C’est pour cela qu’une vétérinaire s’est pointée à la Tête d’Or le mardi 5 février pour effectuer des prélèvements, mais elle a été repoussée à la frontière. Les pro-Baby-et-Népal, je vais dire les babynépalophiles, ont alors violemment protesté en disant que les autorités étaient de mauvaise foi. Cette vétérinaire était déjà venue en vain fin décembre. Elle est l’unique vétérinaire spécialisée en animaux sauvages et s’occupe des trois quarts des éléphants français. Celle-ci a néanmoins précisé que pour être concluantes, les analyses devaient se faire à jeun, or, les éléphantes ne l’étaient pas. Bien que mandatée dûment par le propriétaire, la vétérinaire n’aurait pas prévenu officiellement le zoo de sa venue (mais les journalistes étaient présents au rendez-vous) et les éléphantes avaient mangé la veille. Toutefois, la vétérinaire a protesté car elle a adressé depuis le 14 décembre 2012 trois demandes de test au préfet. Le préfet a répondu qu’il n’avait rien reçu et qu’il fallait s’adresser directement au ministre de l’agriculture et attendre le protocole d’analyse exact qu’il préconiserait pour que tout soit réalisé dans les règles de l’art. Le ministre de l’agriculture a également envoyé un courrier au cirque qui l’a reçue le 1er février et cette lettre n’était pas très encourageante. J’ai écrit de "sa venue" et "le propriétaire" mais j’aurais dû écrire de "leur venue" et "la propriétaire". En effet, la propriétaire du cirque Pinder avait accompagné sa vétérinaire dans cette démarche. Enfin, pour être exact, c’est la fille du directeur du cirque. J’aurais pu croire que la méthode féminine serait plus douce et diplomate mais c’est apparemment le contraire puisque la propriétaire a accusé la ville de vouloir à terme empoisonner les éléphantes (et traite quasiment les autorités d’assassins). Pire, elle a même menacé de commettre des actions illégales, ce qui ne va pas plaider en sa faveur auprès dedites autorités : « Si les tests sont négatifs, on prend un camion et on les emmène. Qu’on nous laisse faire les examens et s’ils sont malades, qu’on nous laisse les soigner. On va venir dans la nuit s’il faut. On va les sauver, même s’il faut y aller par la force » (on notera aussi l’emploi abusif du "on" pris parfois, mais pas toujours, pour un "nous"). Pour l’instant, le cirque va aller au ministère pour une rencontre prévue lundi 11 février. Bon, j’espère donc que ce n’est que partie remise. À côté du volet médical, il y a le volet juridique. Le propriétaire du cirque avait assigné le préfet devant le tribunal administratif de Lyon en décembre pour annuler son arrêté. Mais le tribunal avait donné raison au préfet. Le propriétaire a alors remis le couvert début janvier avec un recours auprès du Conseil d’État, qui est l’instance administrative suprême. Sur un conseil de Rocard. Le Conseil d’État doit rendre son verdict le 20 février 2013, d’où la prolongation du délai à soixante-dix jours. C’est donc pour bientôt. S’il n’annule pas la décision du tribunal et donc, s’il n’annule pas l’arrêté, les éléphantes devront être euthanasiées rapidement (ce qu’ordonne l’arrêté). Et c’est fort probable que le Conseil d’État conforte l’arrêté car il ne jugera pas sur le fond mais sur la forme, et à moins d’un vice de forme, l’arrêté ne paraît pas illégal. Comme on le voit, il y a un véritable surréalisme sur l’incapacité de faire l’osmose entre les deux volets. Comment le Conseil d’État pourrait-il statuer valablement sans connaître l’état de santé réel des deux éléphantes ? Remarque, c’est peut-être ce qu’il ordonnera in fine, à savoir de refaire des analyses concluantes et en cas de maladie, de les euthanasier. Mais le Conseil d’État pourrait tout aussi bien rester sur le jugement précédent en se contentant des premières analyses de 2010 (qui sont aujourd’hui contestées par certains vétérinaires). Les babynépalophiles en rajoutent aussi pour dire que les deux éléphantes paraissent en forme, ne sont pas maigres et n’ont pas l’air du tout malade (au bout de deux ans de supposée tuberculose non soignée). Il reste encore un dernier recours juridique pour les deux avocats du cirque Pinder : une question prioritaire de constitutionnalité « pour que soit déclarée contraire à la Constitution la procédure prévue par le code rural ». Si les soupçons se révèlent inexacts, il sera à parier que ces éléphantes iront ailleurs de toute façon. Mais en cas de maladie, les éléphantophiles auront du mal à convaincre les autorités de les laisser les soigner (Brigitte Bardot serait prête à tout financer mais le propriétaire semblerait vouloir garder encore la maîtrise de ses éléphantes, chacun envisageant un destin différent pour Baby et Népal). Stéphanie de Monaco, Caroline de Monaco, Brigitte Bardot, Alain Delon, Michel Rocard, Bernard Debré et plein d’autres célébrités ont déjà apporté leur soutien à la cause de ces éléphantes, comme plus de cent mille signataires de la pétition. Depuis le Nouvel An, l’histoire des deux éléphantes a été beaucoup médiatisée si bien qu’il y a régulièrement des rassemblements en leur faveur au Parc de la Tête d’Or. La prochaine aura lieu le dimanche 10 février 2013 à quatorze heures à la Porte des Enfants du Rhône. Ce sera peut-être la dernière avant terminus. Une bonne occasion de visiter Lyon et sa gastronomie (on n’y mange encore pas d’escalope d’éléphant)… La véto (à gauche) et la fille du dirlot (à droite) : http://goo.gl/McmLA Les deux éléphantes (Baby à gauche et Népal à droite, ou le contraire) : http://minilien.fr/a0m8fp http://minilien.fr/a0m8fc http://minilien.fr/a0m8fr L’infâme maire (qui pourrait s’intégrer dans les dessins de Babar) : http://minilien.fr/a0m8fn Épisodes précédents : http://www.pointscommuns.com/c-commentaire-lecture-96003.html http://www.pointscommuns.com/c-commentaire-lecture-105555.html http://www.pointscommuns.com/c-commentaire-lecture-105768.html

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