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Le vieux misanthrope qui puait la pisse (3/4) par Abicyclette

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A présent du bruit au-dessous, ça bouge chez les voisins, des meubles que l’on tire, des voix, on dirait qu’ils sont nombreux, l’oreille au plancher j’entends que ça grouille. La vermine. Les chers copropriétaires du bas accueillis par les chers copropriétaires du haut. Dur à supporter cette impression d’être faits comme des rats n’est-ce-pas ? Peut-être avez-vous aussi tambouriné à ma porte, au plus fort du fracas n’est-ce-pas ? Peut-être même qu’acculés aux pires extrémités répugnerez-vous à tenter d’entrer dans le grand appartement qui sent la charogne n’est-ce-pas ? Porte anti effraction, fenêtres anti effraction, protections maximales, un sas de décontamination entre ma cuisine et le monde, ici on n’entre pas, rien ne peut entrer en mon domaine, sinon le calme, la sagesse, la paix intérieure. Déjà l’obscurité, la nuit va passer vite, ne pas en perdre une miette. Toujours la pluie, des grains d’acide, des têtes d’épingles de plus en plus fines, et maintenant des grondements sourds, énormes, colossaux. Là-bas ! Le sol s’ouvre, un sablier qui se vide ! Un autre sablier qui se vide ! Sabliers sur sabliers, de longues ombres d’immeubles vacillent face aux béances soudaines. Sous la ville un gruyère, le poids, des tonnes et des tonnes cumulées, la chaussée ne supporte pas. Ça doit leur faire un drôle d’effet dans les souterrains ! Encore de l’inattendu, on va de surprise en surprise, un césar pour la mise en scène bravo l’artiste j’applaudis des deux mains mais quoi pourquoi me poussez-vous ne me tordez pas les poignets pourquoi tout bascule ne me cognez pas s’il vous plaît j’ai mal mon épaule ma hanche ne me faites pas violence ma tempe pourquoi du sang sur ma tempe on ne bat pas un vieillard aidez-moi s’il vous plaît mais que se passe-t-il non personne ce n’est rien il n’y a personne relevons-nous relève-toi, et surtout calmons-nous calme-toi pourquoi tu t’affoles, respire, respire plus lentement, respire de plus en plus lentement voyons, l’immeuble a un peu bougé c’est tout, ne fais pas attention aux lézardes, prends un calmant prends en un autre, allonge-toi, essaye de sommeiller, tu jouiras de la fin du spectacle un peu plus tard, ne t’inquiète pas ; voilà qui est bien, voilà qu’il fait nuit noire ; laisse-toi bercer par les ronflements du cataclysme, tout est normal ; tu es ton propre centre en conséquence il ne t’arrivera rien ; il ne t’arrive jamais rien alors dors, dors un peu ; dors encore un peu. C’est bon. Tu dors. Tu es paisible. Plus aucun bruit. Tout a cessé ; le monde enfin pur te berce d’une lueur morne, d’un filtre grisâtre, c’est le jour peut-être ? Le chant de nouveaux matins. Ce sont des glapissements ? Où donc ? Du dessous. Frappe-t-on à ma porte ? Et mes fenêtres ? On ne distingue plus rien, le vitrage est flou, dépoli. Debout. Il faut ouvrir, voir l’extérieur. Mon dieu la poussière ! Une aurore de cendres. Qui prend la gorge, la trachée. Les vitres attaquées par l’acide. Ça picote, ça pique, fort, brûle, le visage brûle. J’ai mal. Il reste de l’eau dans la cuvette, du jus dans les boîtes. Se frictionner la peau partout. Surtout, surtout, ne plus ouvrir les fenêtres. Ne plus rien ouvrir. Calfeutrer les aérations. Mes vêtements, mes couvertures. Ça glapit dessous. Taisez-vous pendant que je travaille. Des particules de plus en plus fines. Une apocalypse qui a le chic de finir tout en légèreté. Hiroshima au ralenti. Ici je suis bien protégé, tranquille, étanche, joints et blindages, rien ne rentrera. Frappe-t-on à ma porte ? Oui ? Une respiration… plutôt un râle... Aigu ? Un enfant. (...)

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