Chère amie,
Non, non, je ne me sens pas obligé de vous écrire quelles sont belles, je ne me sens plus jamais obligé de rien, dans les limites de la bienséance, bien sûr : je suis un homme libre, accompli.
Je peux même vous dire quelles sont carrément affreuses.
Elles ressemblent aux vacances où lon se sent tout à fait léger uniquement lors de la première minute, celle précédant le départ, minute qui part de linstant de la main (tournant le robinet général de coupure deau) pour décliner jusquà linstant des reins (tortillant leur confort provisoire dans le creux du siège conducteur) ; et peut-être aussi les 5 premiers kilomètres, avant quon ne se soit rendu compte quil manque quelques choses essentielles laissées à domicile : le portable, les slips, le sac de bouffe, les illusions, la solitude.
A partir de ce moment, lenthousiasme conquérant doit se refaire une virginité.
Mais ce coup-ci cétait déjà foutu car la sortie de Paris a été une première et une seconde fois un enfer, les nuages bas et les têtes dabrutis sétant depuis longtemps accumulés sur lautoroute du soleil, rendant le bis repetita encore plus hautement démoralisant, prélude assommant à des neuf ou dix heures de complète hébétude moutonnière.
Aussi, depuis larrivée, ne réussissant plus à capter la moindre étincelle dénergie, je laisse passer mes journées, harassé, incapable de lever mon gros cul engoncé dans lépais fauteuil de lhôtel (un fauteuil à oreilles), les genoux recouverts dun plaid élimé, occupé à regarder des nuages inexpressifs rogner les cimes incertaines, le vent glacial mitrailler des flocons plus infimes que des têtes dépingles, les visages des touristes comme ceux des ivrognes, rougis à la toile démeri.
Derrière la vitre le paysage est somptueux, somptueux et inutile voyez-vous, car jai la tête vide, la léthargie facile, je memmerde, je memmerde, ô puissiez-vous comprendre à quel point je memmerde, libre, accompli, peut-être ; mais tout autant seul, vieilli, harassé.
Alors, par moments, il me faut la distraction dun stylo et dune carte postale pour me prouver aussi, chère inconnue, à travers ces quelques lignes dédiées à votre facticité, quil reste encore quelque chose de moi, un peu de jus à presser, et que, finalement, je ne suis pas, autant que je limagine lors de chaque période de congé, quand lesprit rompt ses automatismes débilitants, un zéro libre, accompli : un gros zéro tout rond.
NB : peu de SAV prévu, pour cause de vacances (!)
:)
:p
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