C'est une histoire de piano, une toute petite histoire faite de trois notes.
Elle pique une noire une blanche ici ou là, allant sur la pointe des pieds avant de s'échapper par l'autre bout du clavier.
Un flibustier de musicien, son apprenti moussaillon et peut-être non loin dans la brume, un trois-quarts-de-queue encore indompté.
- T'as pas peur qu'un piano te tombe sur la tête ?
"Mais non..." Il grommelle. "Pas peur."
Tire sur sa pipe, esquisse à peine un sourire dans sa barbe de plusieurs jours.
- Et euh... t'as déjà vu un piano qui roule à toute allure?
...
-Passque moi, j'en ai vu hein tu sais: là-bas !
(Petit bras tendu vers un objectif lointain et incertain).
Et même, il allait tellement vite qu'il renversait tout sur son passage !
"Ah bon..."
Le petit attend, hausse un sourcil, le regarde par en-dessous.
- Mais t'as vu quoi alors?
(Moue sceptique).
"J'ai vu un piano algues !
Tout recou-vert, traînant sa carcasse de piano le long des rivages! Nom d'un ptit bonhomme c'que c'était beau !"
"J'ai vu un piano fumant aussi. Lui avançait à la vapeur, son pianiste pédalait de tout son soûl, la nuit comme le jour, à en perdre la raison.
Celui-là mon gars, il en laissait plus d'un baba sur son chemin..."
"Mais le plus captivant si j'y pense, c'était le piano mirage, qui prenait ses virages si vite..."
Le vieux loup de mer se tait et redevient songeur....
Le piano sauvage, ce n'est pas un marin d'eau douce qui en jouerait, ça non...
Le petit règle son tabouret. Timide, il reprend ses gammes.
Un jour, je do ré mi fa solerai.
↧