Elle avait à peine 16 ans.
Seule fille avec 4 garçons adolescents aussi, elle avait, une nuit, passé la frontière au lieu-dit ''La porte de fatima''.Dans quel dessein ... l'histoire ne le dit pas. C'était après les massacres de Sabra et Chatila. Ils avaient facilement déjoué la surveillance de l'occupant et des collaborateurs pour parcourir ce sud martyrisé mais ne parvinrent pas à aller très avant en terre "ennemie".
Arrêtée, elle fit le voyage de retour pour être jetée sans autre forme de procès dans cette forteresse qui surplombait les champs d'olivier à perte de vue.
8 ans !
Sans jugement.
Nous déambulons à travers les couloirs étroits et j'entends son récit. Des mots, sur les images qui naissent sous mes yeux en me glaçant d'effroi. Mais je veux garder mon acuité, ne pas me laisser submerger par l'émotion. Etre à la hauteur de sa dignité.
Elle me dit la promiscuité, à plusieurs dans cette cellule exigue dont le plafond est très haut, et rendue encore plus opressante par un second plafond grillagé à hauteur d'homme.
Elle me dit le froid, intense ; la chaleur, etouffante ; le manque de vêtements et l'absence d'hygiène, la faim, l'isolement.
Elle me dit la torture, l'électricité, un fils sur un doigt et l'autre sur la langue. Elle me montre dans une cour, au quartier des hommes, un poteau où le "rebelle" était attaché presque nu, été comme hiver et je le vois, sans visage, s'effondrer sous la brûlure du soleil ou la morsure du froid.
Elle me dit l'humiliation, un seul regard jugé insolent et elle était enfermée dans une cage où elle ne pouvait se tenir qu'accroupie des heures durant, et se rappelle l'officier de l'ALS qui urinait sur elle. A-t-elle subi pire outrage ? je n'ai pas osé lui demander.
Elle raconte ... ce qu'elle a envie ou peut livrer. Un sourire grave sur ses lèvres accompagne son récit, quelques fois je sens ses doigts se crisper sur mon bras.
Mais elle me dit aussi l'espérance, la solidarité avec ses soeurs de captivité, la foi en la vie, la vie plus forte, la vie acharnée, la vie opiniâtre, la vie résistante ... et par la grâce d'un regard, cette étincelle d'Amour qui a jailli en elle ... pour lui.
8 ans. Puis sans autre forme de procès,encore, elle est sortie.
Myriam l'a attendu, il a été libéré quelques années plus tard. ils se sont mariés partageant depuis un inépuisable amour mais aussi leurs pires cauchemars.
Ils n'ont pas eu d'enfant.
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