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Le paradis blanc par Cypou

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Le Paradis blanc Ce soir je suis allé au lit très tôt : 22 heures Une pièce de théâtre avec Pierre Arditi n’a eu raison pour me tenir les yeux en eveil. Il est 1 h 30, j’ai mal au bras droit, est-ce pure coïncidence pour mener avec toi, qui peut-être ne dors pas, réflexion sur le sens de la vie ? Jamais je ne me suis posé autant de questions. Cela fait 1 mois ½ que tu es hospitalisée et étrangement le temps n’est pas long pour moi, propice à gamberge sur le sens de ma vie ; cette vie pas toujours très simple mais ô combien riche en enseignements. Je te sais en sécurité et il n’y a plus d’urgence même si ton cœur peine toujours alors j’essaie d analyser la situation avant que les derniers résultats d’examens ne disent si tu es opérable ou pas. Comme je le fais souvent j’essaie de m’effacer, de ne plus résonner en pensant que tu es celle que je ne veux pas perdre. Depuis le jour où nous avons convenus, après avis initié de ta petite fille adorée, que l’on n’ouvrirait pas celui qui, fragile, te fait aller encore de l’avant, je me parle en disant tes mots. J’essaie de me mettre à ta place ; tu me dis que tu es perdue, que tu oublies parce-que tu n’es pas dans ton environnement mais moi j’écoute et j’essaie de traduire quand tu t’adresses a moi. -« Je veux vivre pour vous, pour vous voir vous et mes petits enfants, vous êtes tout pour moi : TOUT tu comprends ! » C’était il y a un mois déja ; tu avais levé les bras vers moi en brandissant les poings et tes yeux qui depuis longtemps ne peuvent plus pleurer, s’étaient brouillés. Alors j’ai réfléchi, et un jour je t’ai posé une question : -« Maman si nous n’étions pas là que ferais – tu ? » -«je m’en foutrais » C’était il y a 15 jours alors j’ai réfléchi ; mes réflexions se nourrissent des tiennes que tu exprimes en paroles et dont je vois l’évolution. -« Par la fémorale oui » C’était il y a 3 semaines -« Tu sais l’opération je n’y tiens pas ; j’ai déjà 84 ans » C’était il y a 15 jours . -« Je ne veux pas me faire opérer » C’était hier , avec des yeux supplicatifs . Cette nuit je ne dors pas et je me dis que je dois t’écouter. Je sais que le pronostic vital est engagé à moyen terme si on ne fait rien. Nous en avons parlé mais comme tu as perdu la mémoire récente, je pense que tu as oublié. Serais-je en train de me persuader que je veux te garder ? Comme disent les médecins, « il faut évaluer le rapport risque bénéfice ». Tous s’accordent à dire que l’intervention, quel qu’elle soit, est à risque. J’ai toujours eu pour principe de ne jamais vouloir que l’on fasse ou pense comme moi alors je viens de trancher. Je n’ai plus envie de te dire ce que je sais parce que je ne sais pas, pas plus qu’eux d’ailleurs. Je dois m’effacer devant ce qui était ton désir de vivre pour nous ; tu ne dois vouloir vivre que pour toi maman et ce con qui a dit à ma frangine qu’il y avait « non assistance en personne en danger » ne fera pas trembler mes convictions de respect que je te dois. Je veux que tu sois libre, toi seule doit choisir, je te répéterais encore une fois si tu le veux ce que je sais c’est-à-dire pas grand-chose ; des choses bassement matérielles face à la vie ; face à la mort devant laquelle je n’a i déjà été confronté que par de brèves et moins éprouvantes épreuves parce que ce n’était pas toi qui était concerné, toi qui m’est si chère. L’évolution de tes souhaits, me laisse à penser que tes choix on été dicté par cette raison que l’on pense perturbée quand tu me demandes dans un moment d’errements : « tu crois que l’on peut la changer la valve ? » Maman je t’ai répondu oui en souriant ; sourire d’un fils qui passe de longs moments à tes côtés et qui s’interpelle lui-même pour éviter de répéter sans cesse à toute fin de te convaincre. Ce mot n’est plus d’actualité, c’est le mot de l’égoïsme de celui qui veut s’approprier l’autre. Tant d’autres l’ont fait dans d’autres domaines idéologiques que je combats et qui mène à des dérives meurtrières que l’on connaît. Ma décision est prise ; tu nous à laissé le temps, le temps t’a laissé du temps pour réfléchir et je rejoins ta sérénité un instant brouillé par l’urgence pour t’accompagner dans tes vœux. Voilà maman pour la suite du chemin je serai là, même si je suis absent pour le jour où tu décideras de partir. Hier encore tu voulais que je t’apporte du jus de fruits et du sel. C’est vrai elle est dégueulasse cette bouffe. Maman je ne peux pas apporter la boîte à épices à l’hôpital, je vais déjà remettre un peu de cette eau défendue dans la carafe ; ils ne vont quand même pas « nous manger » ; tu as bien raison ….d’ailleurs ils le savent…et tu as bien compris que bien qu’ils le disent je ne les laisserai pas t’attacher sur ton lit….dont les barrières sont bien trop peu hautes pour qu’elles ne t’empêchent de sauter même avec cette saloperie de sonde qui va désormais t’accompagner et qui parfois te rappelle a l’ordre…. Tu vas regagner ta maison ; il y a bien longtemps que je n’ai dicté ta raison en matière de bouffe, d’ailleurs tu ne m’aurais pas écouté comme un jour je l’ai fait quand j’ai décidé de partir de la maison ; ton job était alors terminé ; quel cadeau tu m’as fait maman pour prendre ce chemin de la vie ! Quel cadeau ! Je ne te dis pas tout mais je vis de passion et la passion m’aide à vivre. VIVRE ce mot que d’autres que j’aime emploient pour signifier que le temps passe trop vite ; je ne m’en étais pas encore aperçu…. VIVRE parce que je sais que tu as choisis ce mot pour me dire de te foutre la paix. VIVRE parce que te toute façon même si tu pars je mènerai l’enquête pour te retrouver et te chérir encore. Maman avant de partir de la maison qui est la tienne où je t’attends pour t’installer je referai le stock de confiture et de chocolats ; la salière et ta bouillotte seront au même endroit. Si je peux me permettre maman je voudrais juste te demander une chose : tu sais que j’ai 5 heures de route pour venir te voir…… Quand j’arriverai tu pourras alors me comprendre comme tu le fais déjà en lisant sur mes lèvres alors passe moi un coup de fil d’accord ? Je voudrais bien que, comme papa, tu sois dans mes bras pour te déposer dans ce paradis blanc. Cypou le 30/03/2013

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