Picasso a quitté ce monde il y a maintenant quarante années. Quarante années avant Margaret Thatcher. Le 8 avril 1973. Cela fait loin. Est-il pour autant oublié ? Je ne le pense pas, au contraire !
Je regarde ce que javais pu écrire le 11 décembre 2008 sur ce grand peintre et je maperçois quil y a quelques mises à jour à faire.
Là, le 11 décembre 2008 :
http://www.pointscommuns.com/le-mystere-picasso-commentaire-cinema-74637.html
Jexpliquais alors que je venais de terminer mon époque dichotomique : Picasso OU Dali. Et que jévoluais très progressivement dans lépoque consensuelle : les deux mon général !
Lévolution sest donc poursuivie, dautant plus quentre ces deux com, je suis allé dans deux grandes expos sur les deux grands peintres (dans deux grands musées dans une grande ville dun grand pays dune petite planète).
Dali a en effet fait sa rétrospective il y a quelques mois au Centre Pompidou et cétait délicieux. Laffluence hélas était au rendez-vous. Les derniers jours furent en non-stop, cétait ouvert tout la nuit !
Javais bénéficié de ces ultra-nocturnes au Grand Palais pour Picasso (et ses maîtres). Javais pris rendez-vous à une heure trente du matin et jai quand même été mis à la porte à quatre heures (car ils fermaient quand même quelques heures le matin). Cétait la nuit du vendredi au samedi et lexpo finissait le lundi. En fin janvier ou début février 2009, si ma mémoire est bonne (jy suis allé le 30 janvier 2009 et lexpo a fini le 2 février : ma mémoire était bonne).
Il y avait du monde, certes, mais bien moins quun samedi après-midi, et puis, quelle magie de traverser les salles en pleine nuit. Jadore la nuit, propice à la réflexion, au rêve et à lémotion.
Cest là où jai pu comprendre lextrême génie de Picasso. Mais pas seulement comprendre (car cest très cérébral, la compréhension). Aussi ressentir.
À lâge de dix-huit ans, il était déjà capable de faire des copies extraordinairement réussies des plus grands maîtres du classique. Il navait donc rien à envier à personne. Plus rien à prouver. Donc, tout à découvrir.
Très vite, il a pu senrichir grâce aux commandes qui affluaient. Le contraire dun Van Gogh. Il était donc débarrassé (comme Dali) de toutes les contingences matérielles. Il pouvait se consacrer pleinement à son art sans faire de lalimentaire bridé ou bridant.
À chaque période, sa muse. Dans le film de Clouzot, non, dans un documentaire sur Picasso, une de ses égéries (vivant encore à lépoque du tournage) expliquait quelle avait compris quelle allait être jetée dehors (avec toutes les rentes et appartement associés) avant quil ne leût annoncé quand elle a vu quil venait de changer de style.
Bref, Picasso était un chercheur expérimental en peinture, comme Pierre Henry est un chercheur expérimental en musique.
La confrontation directe à luvre, dans les grandes salles du Grand Palais, ma fait parfois tressaillir le cur, par cette furtive perspective qui, soudain, prenait corps dans ma tête et faisait sens avec mes propres référents.
Je serais bien incapable décrire des thèses sur sa peinture, à lévolution complexe qui nécessite déjà une très grande connaissance. Mais je crois, à ma grande surprise, avoir réussi un truc inimaginable il y a une vingtaine dannées, à savoir, davoir troué cette bulle sanctuarisée et dêtre rentré dedans, par un petit trou.
Alors, cest sûr, je réagis maintenant différemment quand je lis (fréquent sur Internet) ou jentends (plus rare dans les médias) ceux qui, plutôt sans savoir, critiquent bestialement la peinture de Picasso, considérée comme dégénérée, comme du grand nimporte quoi et quun enfant de trois ans serait capable de produire.
Avant, silencieux, jopinais plutôt du chef, puis je la ramenais avec mon Dali adoré. Aujourdhui, je reste tout aussi silencieux (à quoi bon un débat sur les goûts et les couleurs ?) mais je souris un peu dans mes moustaches. Javais limpression dêtre allé un peu plus loin que ce stade basique et primaire. Que javais fait leffort dentrer dans Picasso. Je ne my sens pas encore entièrement à laise, cest vrai, mais certaines uvres me font maintenant sens. Parce que je les ai déjà regardées. Avant, je méclipsais.
Et puis, peut-être aussi parce que Degas est passé, puis plein dautres. Que Dali, qui a été mon idole dadolescent, nest plus unique. Que je nai plus à formater mon cerveau sur la stupide division Picasso versus Dali. Que mon esprit, plus mûr, peut prendre une dimension supplémentaire ou deux, et en plus, parce quil y a de la place pour tout le monde.
Plus généralement, cest mon ouverture à lart contemporain qui a perturbé mes petites idées reçues. Car la curiosité la emporté sur mon préjugé très défavorable sur tout ce qui se fait de moderne ("cétait-mieux-avant").
Et je suis à laise pour me dire que je suis aussi capable de critique, car jai par exemple apprécié une uvre de Boltanski mais détesté une autre uvre du même auteur.
Le meilleur crash test me paraît très personnel.
Il est évidemment déviter linfluence extérieure (ce qui est parfois difficile dans ce monde de matraquage didées reçues). Mais complètement : ne pas refuser une uvre parce quelle est très courue. Quand jétais jeune, cela ma valu quelques retards à lallumage : jai découvert très tardivement quelques pépites que jaurais pu savourer bien plus tôt, simplement à cause de ma peur du grand nombre.
Indépendance, plus ou moins réelle, donc, et inutilité dune connaissance encyclopédique. Eh oui, jadore les encyclopédies mais je déconseille daborder une uvre dart par lintelligence. Je ne la recommande quau second jet, que pour la seconde lame de rasoir.
Car ce qui doit lemporter, et cest donc très personnel, cest lémotion que le regard dun tableau engendre. Sil fait sens ou pas. Cest très subjectif. Cest carrément indicible.
Lart na pas besoin dargument, et Picasso en est le plus bel exemple.
Le lien de la dernière grande expo Picasso :
http://www.rmn.fr/picasso-et-les-maitres
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