Cest un bien gentil garçon. Cest une bien gentille fille.
Rapidement, ils se sont échangés les numéros.
Il a réussi à ramasser le courage étranglé dans les nuds de ses intestins pour le faire remonter dans son index droit : zéro, six,
. bip, bip, bip, bip, bip, bip : il la appelée.
Et comme au premier appel on a une légère trouille on a le cur qui bat on écoute la voix, le timbre et les intonations davantage que la discussion - laquelle na souvent aucun intérêt ; parce quon navigue à vue, parce quon ne sait pas quoi dire, alors, il ne savait pas pourquoi, ni comment, ni par quel biais, par quel interstice, lors de quel virage, comme sil était tombé du décousu de la conversation, Van Damme avait surgit et sétait incrusté entre eux.
Il avait parlé de Van Damme quil admirait, puis avait continué sur Van Damme, car il était gêné de parler à cette inconnue, et quil essayait de décrypter sa voix, et quil essayait de deviner sa bouche, ses yeux, ses cheveux tombant en boucle comme sur la photo ; il avait parlé de Van Damme pour se raccrocher à nimporte quel sujet pourvu que ça fasse un peu décho, mais là ça tombait vraiment bien, parce que Van Damme, ah comme il développe, Van Damme ah quel coffre, Van Damme ah quelle attaque, Van Damme ah quel registre de poitrine, bref elle aimait beaucoup Van Damme.
Oui ça tombait bien il avait de la chance, il avait presque tous les DVD, et dailleurs pourquoi ne pas nous voir, justement ya un truc un peu exceptionnel avec Van Damme qui passe ce soir au ciné, tu sais, le rôle du Commandeur, pas loin, un truc qui envoie, en 3D.
Au ciné en 3D ? Oui, elle est étonnée, cest surprenant ce genre de diffusion, mais en France on est éduqués, cest pas comme aux States, ou partout ailleurs où le cinéma est sinistré, en France on a une culture. Bon, ben, daccord, je veux bien, on pourra faire « plus ample connaissance », bien que ce soit peut-être un peu tôt je suis intimidée, mais daccord, on sy retrouve cest où ? Pas loin pas loin à tout à tout on raccroche en tremblant.
Et on a la sentiment de n'avoir rien dit mais gros d'espoir d'avoir encore tout à aborder.
Et puis cest la rencontre.
Elle est en retard, elle court, ils se reconnaissent, vite cest commencé, il a pris les billets, les lunettes rouges et bleues, il lentraine au premier rang, malgré les sièges vides partout, malgré les trois pélés et le tondu éparpillés dans ce cinéma déserté.
Vite, mais il a le temps de lui chuchoter : « au premier rang on en prendra plein la gueule ! ».
Alors seulement elle prend conscience des explosions sur lécran, du vacarme de lhélicoptère et des mitraillettes, elle comprend quelle ne verra pas José - son van Dam à elle - ni Leporello, ni Dom Juan, ni la statue du Commandeur, ni Mozart, ni Losey.
Par contre elle peut arrêter de faire sa moue de bourgeoise intellectuelle contrariée : qu'il se désintéresse manifestement de sa présence, depuis qu'ils sont assis, nest pas en soi une mauvaise nouvelle : elle pourra peut-être senfuir.
Car il est à ce point absorbé quil dodeline de la tête pour éviter, avec son Van Damme à lui, les coup des méchants, en marmonnant « ouais, ouais
on en prend plein la gueule
on en prend plein la gueule
»
Mais il ne faut pas lui en vouloir de la délaisser, parce quau street fight, dans lultime combat, et avec des lunettes 3D, cest sûr : on est complètement dedans, bien connecté...« aware ».
La célèbre photo :
http://www.siroko-web.com/wp-content/points-communs-pour-siroko-copie.jpg
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