Elle s'était assise sur le rebord du petit muret en pierre, sa jupe rouge sagement ajustée sur ses genoux. La tête légèrement inclinée elle le regardait avidemment de ses grands yeux verts.
Il passait tous les jours à la même heure, de cette démarche un peu nonchalante, l'air d'avoir la tête en l'air, ses cheveux bruns bouclés formant comme un halo autour de sa tête.
Il tenait toujours une veille sacoche en cuir dans sa main droite, aujourd'hui sa chemise était verte, comme le gazon qui avait repoussé de plus belle après des journées de pluie.
Elle passa une main dans ses cheveux longs, blonds comme le blé, cascade de lumière entre ses doigts.
Il s'était arrêté pour répondre à un appel et avait posé sa sacoche contre ses pieds.
Elle l'observa plus à loisir, sa chemise entreverte laissant voir un torse d'où s'échappaient quelques poils.
Ses yeux étaient sombres, semblant toujours chercher un point quelque part dans l'horizon.
Elle se redressa, tirant sur les pans de sa chemisette marron et tourna la tête vers ce point qu'il fixait intensément, essayant de deviner quel paysage pouvait bien s'y dessiner pour lui, peut-être pourrait-elle l'y rejoindre.
Elle tripota la chaîne autour de son cou, une colombe en or que lui avait offert ses parents, quel prénom pouvait bien s'allier à ces lèvres sensuelles et pleines, elle imagina alors ses lèvres roses et minces se posant sur cet océan de peau doux et ferme.
Il continuait à parler, d'une voix grave et posée, agitant ses bras de temps en temps comme s'il s'adressait à un auditoire invisible.
POurquoi passait-il tous les jours par ici , traversant son territoire à elle où rien ne lui échappait, chaque banc connaissait ses couples enlacés ou ses vieux emmitouflés, chaque muret ployait sous les cris et les bagarres des plus jeunes, et les bacs à sable se transformaient en champ de bataille à l'heure du goûter.
Un jour il était apparu, sortant de nulle part et partant vers un ailleurs dont elle ne savait rien.
Elle le guettait depuis, toujours au même endroit; l'air de rien, faisant semblant d'écrire un texto ou un livre à la main pour faire bien, il avait fait tombée sa sacoche un jour et des livres dont elle n'avait pu voir le titre s'étaient éparpillés.
Peut-être l'aborderait-il en la voyant ainsi mais il n'en faisait rien. Il marchait, son jean bien droit retenu par une ceinture, indifférent à ceux qu'il croisait.
Aujourd'hui le soleil brillait et ses yeux verts se reflètaient dans son désir d'en savoir plus sur cet inconnu, mais elle n'osait pas, alors elle restait où elle était.
Il n'avait pas d'alliance, ses mains n'avaient plus de secret pour elle, des mains de bâtisseurs, puissantes mais faites pour caresser, parcourir le dédale d'un corps pour y sentir ses secrets et ses envies.
Elle en frissona et secoua la tête, quelle idiote !
Il avait raccroché, l'air tendu, concentré sur les derniers mots qui flottaient encore dans l'air, elle retint sa respiration.
Que faisait-il là, immobile, alors que tout l'univers s'agitait autour de lui. Elle le fixait maintenant sans aucune retenue, cherchant à s'approcher de son silence.
Il baissa la tête un instant puis se retourna et la vit.
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