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Ephémère et légère par Annaconte

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"Elle portait d'amples et orageux jupons, volants et autres dessous que je ne saurais nommer. Tout cela se soulevait en moutonnant et froufroutant ..."* "Ceux qui la suivaient, qui la regardaient trotter avec ses petits pieds, et qui mesuraient cette large croupe dont ses jupons légers dessinaient la forme, doublaient le pas."** Lui, ne se suffisant plus à la suivre, un matin la dépassa, flanqua ses yeux dans les siens et exigea d’elle un rendez-vous. Ce fut facile. Prompte et limpide comme une rivière qui court vers l’océan et s’y jette éperdue, elle fondit en lui. Et lui en elle. Ce qu’il voulait, c’était la voir danser. Virevolter dans ses jupons fripons, et balancer ses hanches en déambulant dans la maison, dans le jardin. Vive, ou retenue, à jouer des gambettes, c’était cela qu’il aimait, la regarder, s’entrouvrir comme une fleur, se mouvoir comme une vague, chaude et ronde comme une dune de sable sous un puissant été. Elle dansait pour elle. Pour lui elle dansa. Et lui, ça lui brûlait la peau lorsque parfois mine de rien, elle frôlait son bras. Ou se plaquait effrontément contre ses reins. Elle le rendait fou. Puis soudain se transformait en papillon, les ailes déployées, prenait des poses, avant de s’immobiliser, les yeux clos, la bouche humide, tremblante de perles de rosée. Alors sous son regard, la voilà qui devenait simplement et purement poétique et il n’osait s’avancer. « Elle dansait, seule, éphémère et légère ».. Tandis qu’il se mourait devant tant de beauté. "Un jour cependant il voulut l’embrasser, « mais il s'emberlificota dans les jupons, qui lui barraient le chemin et faillit tomber »*** Faut dire ! Elle en avait des dessous, dessous ! "Des jupons blancs de toutes les longueurs, le jupon qui bride les genoux et le jupon à traîne dont la balayeuse couvre le sol, une mer montante de jupons, dans laquelle les jambes se noyaient."**** Elle apprit alors à danser nue. Effeuillant un à un ses jupons de fleurs. Les laissant choir en pétales autour d’elle. Elle ondulait son corps en douceur des pieds jusqu’à la tête. Parfois au bord de la transe comme emportée, et lui croyait vraiment voir vibrer ses seins. Ses bras et ses épaules déliés, intuitivement trouvaient des envols confiants d’oiseaux. Emu il la regardait, transfiguré. Un beau jour, sans même prévenir, elle cessa de danser seule. Des silhouettes fines comme des arabesques entrèrent une à une dans la danse à ses côtés. Elle devint plurielle. Répliques absolues d’elle-même, et comme découpées dans la couleur des murs, elles gambadaient en rythme : la pointe de leurs pieds sautillants et l'arrondi de leur bras formaient des guirlandes comme en on voit dans les dessins de Matisse. La simplicité de ces corps libres et nus en mouvement créait une harmonie magnifique. Il ne savait plus trop qui d’elle ou des autres il choisirait d’emmener au bout de la nuit s’il le pouvait. Car les autres lui ressemblaient, à elle. On aurait dit la même. En plusieurs fois. Las, le temps fit son œuvre. Sa danseuse papillon s’arrondit, voluptueusement, généreusement, devint plantureuse. Ses seins pleins gênaient un peu ses contorsions, et elle rentrait sans arrêt son ventre tout rond, cessant de respirer pour garder l’équilibre, et donner l’illusion. Elle songea- et le lui avoua- à cesser de danser. Elle voulut valser voilée désormais. Elle bougeait son corps immense et lourd avec une lenteur divine, se réfugiait plus souvent dans le lit, cachait ses formes sous les draps, et s’inquiétait parfois qu’il la trouvât moins belle. Mais lui l’aimait lascive et ses nouvelles formes seyaient bien à sa danse. Il la rassura cent fois. Il arriva pourtant un jour où elle ne se montra pas. Il arriva qu’un jour elle ne se montra plus. Ni elle, ni ses autres. Il se sentit bien seul. Triste ... et se penchant pour ramasser un jupon tout froissé, il trouva sur le sol des éclats de miroirs où scintillaient encore des étoiles filantes. *Molloy, 1951, Samuel Beckett **Le neveu de Rameau, 1762, Diderot *** L'assommoir, 1878, Zola **** Au bonheur des dames, Zola Musiques et images http://www.dailymotion.com/video/xmz525_lucas-thanos-chorus-to-isadora_music#.UZ FkgcoZUq0 http://www.youtube.com/watch?v=B_d8vpY4x3U&feature=share&list=PL782C91B73D99AD46 on dirait un papillon – poésie http://youtu.be/hgbNYmQKWGk Noir et blanc https://www.google.fr/search?q=matisse+et+la+danse&client=firefox-a&hs=GG4&rls=org.mozilla:fr:official&tbm=isch&tbo=u&source=univ&sa=X&ei=d-2TUZe3MqHW7QbMu4DADQ&ved=0CC4QsAQ&biw=1366&bih=555 http://youtu.be/ioRL_4rqZQY musique douce de Puggy http://youtu.be/P5-QFRBTmHg de Pete Doherty Salome http://youtu.be/24ouOnBJJKA Elle danse seule d'Axelle Red http://youtu.be/d08iydiud-E Elle danse seule éphémère et légère de Gérard de Palmas

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