( ... à Barioline)
On lui annonce quelle est décédée. On lui dit quon na pas jugé utile de la prévenir. On lui épelle les coordonnées dun notaire.
Elle ne pose pas de question, elle raccroche.
Voilà, ça y est, elle est orpheline pour de bon.
La terre la avalée en silence. On laurait jetée aux chiens ou à la fosse commune,
ce serait le même silence sidéral, glacé.
Il y a très longtemps, un dimanche matin à laube, elle avait rejoint son père.
On était venu la réveiller avec précaution, cest fini, il a eu une belle mort.
La veille au soir, elle lavait laissé, comme lavant-veille et celle dencore avant,
mi- là mi- plus là.
Elle sétait fait une place près de son oreiller, elle lavait pris dans ses bras, lui avait chantonné des mots. Elle avait été surprise de sentir en lui caressant le visage sa barbe dure du matin, lui qui avait la peau légère. Il aurait passé sa main, il naurait pas aimé. Elle avait vite couru au bout du couloir supplier quon lui prête un rasoir.
Aujourdhui encore elle garde lempreinte de la tête de son père dans son giron,
elle le barbifie une dernière fois,
le temps, en toute tranquillité, les enveloppe dans leur douceur.
Elle qui ne croit quau néant sait que ce geste-là est le geste juste.
Elle, elle naurait plus à la toucher. Elle ne le pourrait pas. Vraiment pas.
Longtemps elle lavait accompagnée, dorlotée.
La dernière fois quelle a entraperçue, elle la spontanément vouvoyée pour dire en trois mots froids et polis tout le mal quelle pensait delle et serré la mâchoire pour sen tenir là.
Après ? Elle sest jetée dans lexil, ce serait plus simple.
Exilée. Amputée. Tout cela était dune bêtise à pleurer.
Les amis les plus sensés avaient compris appel du désert ou grandeur dâme des chameaux.
Ce nest pas faux.
La neige et le sable ont la même générosité de garder les traces.
Et le vent, celle de les effacer.
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