Vingt-deux heures trente, dimanche soir.
Il y a plein de gens qui descendent ma rue dhabitude si tranquille, des familles de vacanciers qui vont voir le feu dartifice depuis la plage en contrebas.
Je leur emboîte le pas.
Jai beaucoup damis qui détestent la foule.
Dans les lieux confinés je ne laime pas non plus mais bon enfant, à lair libre, venue partager un moment de liesse, si.
Je goûte la sensation de lui appartenir, dêtre la petite partie dun grand tout.
Je massieds sur un muret et jobserve les gens qui attendent sur le sable.
Jaime observer les gens pour ce quils ont de proche et aussi de différent.
Je les regarde et je me remémore les quatorze juillet de mes six décennies dexistence, si dissemblables malgré le caractère immuable de lévènement.
Jai été cette petite fille seule avec ses parents, émerveillée par les lumières de la ville et un peu paumée parce quelle na pas lhabitude dêtre debout si tard.
Elle regarde longuement dautres fillettes plus délurées qui font la roue en criant, elle finit par les imiter et quimporte si ses roues sont ratées, elle samuse.
Jai été cette ado maussade assise à ma droite sur le muret, que ses parents ont traînée au feu dartifice et qui rêve sans doute dune tout autre soirée et dune tout autre compagnie.
Le père sagace, la mère lexcuse, dit quelle est « crevée ».
Lorsque le feu dartifice commencera sur sa droite, elle tournera ostensiblement la tête vers la gauche, vers moi, et la gardera ainsi jusquau bouquet final.
Jai été cette jeune maman qui rassure son tout petit garçon effrayé par la foule des inconnus et le bruit assourdissant des pétards.
Le papa essaie de le distraire en lui montrant les lanternes chinoises que les gens allument et qui senvolent sur la mer où leur petite flamme fragile séloigne gracieusement.
Jai été cette femme qui frissonne soudain parce quune brise fraîche sest levée. Son compagnon vient alors lentourer de ses bras et la serrer contre lui.
La brise atteint le muret où je me tiens et jenfile un gilet, on ne se réchauffe pas toujours comme on le voudrait.
Le feu dartifice commence, il est beau et se reflète sur la mer.
Vingt minutes plus tard, cest fini. Tout le monde se hâte vers sa voiture.
Dans la vie cest souvent comme ça, une longue attente pour un instant de plaisir qui passe vite, bien trop vite.
Noyée dans la foule, je remonte la rue en regardant la lune.
Je lui demande comment sera mon quatorze juillet lannée prochaine, elle ne me répond pas.
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