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MUD, une histoire d'amuuuur : pas possible... par Staszek

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MUD Paysages fluviaux du Mississipi. Et son ciel immense (« the big sky ! ») traversé par de longues clefs d’oiseaux migrateurs. Des eaux fluviales à perte de vue qui s’évasent par endroits en une véritable mer intérieure d’où émergent des îles recouvertes d’une nature luxuriante et parfois hostile avec ses ruisseaux infestés de serpents venimeux... Deux adolescents, délaissés par des adultes (qui ont bien autre chose à faire que de s’occuper d’eux) explorent, à leurs moments perdus, les méandres du fleuve, ses rivages et ses îles… Sur une d’entre elles, une étrange découverte : un bateau perché sur un arbre ! Et puis, découverte plus étrange encore, celle d’un homme, un Robinson du Mississipi, Mud, qui se cache là... Début d’une aventure scellée par un pacte, qui débouchera sur une amitié entre un adulte, sorte de vagabond céleste, excellemment campé par Matthew McConaughey, orphelin errant, resté l’enfant sauvage qu’il a toujours été, amoureux d’une femme (faite pour lui et lui pour elle croit-il, mais qui, bien sûr, par là même, ne peut que rester hors d’atteinte…) et des enfants, qui ne le sont plus tout à fait, des adolescents plutôt, aspirant à devenir adultes et dont les yeux vont progressivement se dessiller au décours du film, suite à des épreuves non exemptes de quelques déceptions, pour accéder à un regard plus avisé sur le monde, surtout quant aux choses de l’amour… Des images soignées mais sans esthétisme excessif, un scénario bien charpenté et, de ci de là, quelques notes de musique, d’une belle sobriété qui n’accentuent jamais inutilement leurs effets, mais viennent ponctuer habilement, sans pesanteur et non sans grâce, en une subtile respiration, une intrigue de facture classique dont la fluidité paisible du déroulement, à l’instar du lent écoulement des eaux du fleuve, ménage progressivement un suspens, au demeurant prévisible et de basse intensité car, tout compte fait, assez secondaire pour l’intérêt du film. Le film propose une vision romantiquement orientée de l’humaine condition. Ce n’est pas la vie telle qu’elle est (souvent ennuyeuse), mais telle qu’on aimerait qu’elle soit (passionnante). Ce n’est pas la société telle qu’elle est (complexe, opaque, écrasante), mais telle qu’elle devrait être (transparente, juste, solidaire). Ce n’est pas l’homme tel qu’il est (indéchiffrable, imprévisible, autocentré), mais tel qu’on aimerait qu’il soit (généreux jusqu’au sacrifice, fiable, compréhensif). Aux antipodes en somme de la terrible, mais si européenne (anti-américaine donc) phrase d’un Montherlant : « Comme il est difficile de faire comprendre aux gens qu’ils ne sont rien pour vous ! ». Là c’est tout le contraire. Mud, lui, veut être tout pour sa belle et qu’elle soit tout pour lui. Ellis voudrait que Mud répare tout de ce que ses parents ont gâché : un foyer chaleureux et aimant. Ce qu’il fera d’ailleurs bien malgré lui et, comme il se doit, au risque de sa vie. Le cadre, naturaliste, à la H-D Thoreau, ou mieux encore de M. Twain, est c’est celui d’une Amérique « authentique », c’est-à-dire mythique. Mythiquement authentique, originelle : naturelle, rurale et, si photogéniquement, pauvre… Le vieux Sud, l’Amérique des « vrais gens », ou des « vrais Américains », ayant gardé quelque chose de l’opiniâtreté et de la rudesse des pionniers. Une image d’elle-même où l’Amérique cossue, voire obèse et hyper citadine des grandes métropoles, l’Amérique du bisness et de l’hyper-technologie, aime à se reconnaître pour s’y perdre un peu et s’y retrouver beaucoup, et meilleure qu’elle n’est, « dopée » ainsi ou « boostée », d’avoir glané quelque doses de son passé terrien, aventurier, sauvage… Le film s’adresse, en première lecture, à l’adolescent en nous : une histoire de confiance espérée, déçue, puis finalement retrouvée entre adultes et enfants, une histoire surtout d’initiation et de passage aux émois amoureux de deux « kids » à la dérive, négligés, incompris par des adultes trop accaparés par les déboires de leur propre vie, surtout sentimentale, pour se rendre disponibles à des ados qui découvrent, comme il se doit, c’est–à–dire par eux-mêmes et à leurs risques et périls, « les choses de la vie », dont la sexualité (« ils mettent toujours de la musique à fond pour faire ça ») et les émois amoureux : la jeune fille conquise un moment, croit-il, par le jeune Ellis qui croira l’avoir séduite pour s’être s’élancé sans hésitation à son secours en une ébouriffante démonstration de force du tréfonds de sa virilité naissante. On ne coupe évidemment pas à la lutte du bien (fragile, individualiste, mais au bout du compte triomphant !) contre le mal (puissant, clanique, mais qui sera nécessairement défait…). Le héros, solitaire et pourchassé, devra finalement affronter ses ennemis en une lutte inégale, mais dont l’issue fait peu de doutes… Tradition du western avec des méchants (la horde du père et de ses fils) tels qu’on les aime : des méchants avec la méchante dégaine de vrais méchants ! Et des gentils (Mud, le retraité du FBI et bien sûr les deux ados et le beau père d’Ellis) tels qu’on les adore : sous des airs un peu rudes, ils ont bien entendu un cœur en or… Mud se bat au nom du vrai, du bien et du juste, au nom de l’amour surtout et selon une loi transcendante, la loi du cœur, supérieure aux lois imparfaites des hommes qui ne veulent rien savoir des enjeux affectifs : « Celui-là il ne suffisait pas de le cogner, il fallait le tuer »... Mud se bat, et tue même pour sa belle (qui ne lui en demande pas tant ! ) au nom de ce cœur qui est pour lui le cœur de la loi, celle que les lois de la Cité nécessairement négligent ou ignorent. Monde agonistique, morale d’Antigone qui « ne cède pas sur son désir » (aimer envers et contre tout…), quitte à risquer d’y laisser sa peau... Un meurtre légitime pour protéger la femme de son cœur qui pourtant, de son cœur, si généreusement, voire si follement, offert, n’en veut pas. Finalement pourtant, Mud, placé devant l’évidence d’un « je ne peux pas te suivre », va renoncer… Ce qui demeure alors c’est un lien homo-sexué aux ados et à son père d’adoption incarné par un Shepard très en verve… Mud intègre le roc d’un impossible entre l’homme et la femme. Il cède… Il rompt… De ce portrait assez convenu d’une Amérique « profonde » et mythique à la fois, émergent différentes figures de l’amour (amour passionnel de Mud, amour naissant d’un adolescent , Ellis, amour conjugal des parents d’Ellis qui ne tient pas ses promesses et dont l’enfant est blessé…) qui toutes illustrent ce qu’il peut y avoir d’impossible dans le rapport entre les sexes : entre les femmes et les hommes ça cloche, ça s’enraye, ça explose, ça implose, ça se défait, éventuellement ça se répare un peu ou et ça se résigne (à cohabiter et poursuivre grâce au semblant de conjugo entre la mère et le beau père : un looser…), de guerre lasse, mais sans trop d’illusions… Bref, l’amour ça ne marche pas : entre la mère et le père d’Ellis (« tu n’as jamais su gagner ta vie ! »), ni entre le tuteur du copain d’Ellis et son amante (outrée de ses tentatives perverses), ni entre Ellis et celle dont il s’imagine qu’elle peut – être sa petite amie (« mais tu n’as que 14 ans ! »). Ca ne marche surtout pas entre Mud et sa femme idéale, qui n’a rien d’idéal, bien au contraire. Femme charnelle, nymphomaniaque, en quête effrénée de jouissance qui ne peut que se refuser à celui qui l’aime et que sans doute elle aime aussi, mais qui pour cette raison même préférera se jeter sur le premier venu plutôt que de se donner à Mud, de sorte à rester imprenable, inaccessible, « impossédable »… Enfin, en filigrane du récit s’aperçoit la figure tremblée et évanescente de la paternité dont le peu de consistance relie les différents destins... Comme une interrogation muette sur la figure improbable d’un père manquant qui brille par son absence même à travers les figures plus ou moins falotes de ses substituts (le beau père, le tuteur, l’agent du FBI à la retraite…) qui en relaient plus ou moins maladroitement la nécessaire fonction… C’est là à mon sens, tout l’intérêt et l’actualité du film et qui peut en expliquer au moins une part de son joli succès.

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