Nan, je ne vais pas vous conter lhistoire dun chaud lapin au pied musclé. Par ce bref billet qui na dautre objectif que de partager, je voudrais attirer votre attention sur une pièce de théâtre, que dis-je, un spectacle, un événement hors norme dont la générosité transpire jusquà vous oindre dun bien-être comme une gangue nourrissante. Je veux témoigner dune aventure qui dura plus de treize heures
Coincé dans un fauteuil de théâtre, prisonnier dans le ventre dune salle de spectacle alors que les seules chaînes qui retiennent rivé à lassise ne sont quintérêt mêlé à une palette démotions dont les nuances tirent à linfini, du rire (et il y en a beaucoup) à leffroi, de lenthousiasme au dégoût, de lémerveillement à la sidération
Les feux de la rampe irradient la salle et comme un millier de ftus avides de nourriture spectaculaire, les spectateurs deviennent acteurs de ces heures qui en perdent la durée. Le temps suspendu, je pense avoir fait corps avec ce millier formant un public uni dans la découverte, la surprise, lhumour et lénergie du déroulement de la pièce de Shakespeare : Henry VI, au TNB de Rennes.
Jirai même jusquà croire que Shakespeare en personne est venu, relevé de ses cendres et réveillé par la richesse de propos de cette mise en scène. Ce jour là cest sûr, il était dans la salle !
À proprement parler je ne suis pas un bas de théâtre, plutôt une chaussette de cinéma où j'aime moins ces temps y trainer mes guêtres. Bien souvent au théâtre je me suis endormie, je le confesse. Aussi quand le projet dy passer une journée entière ma été soumis, quelques craintes se trémoussèrent, mais Shakespeare est mon ami, je lui devais bien un chouïa de confiance en rétribution des heures de lecture quil mavait offertes.
Je me suis coulée dans laventure et ma journée sest écoulée sans voir la couleur du présent, hors du temps, ce jour devint une perle de mon existence, une bulle de tous les possibles, de tous les tourments, de toutes les turpitudes humaines, jen ai mouillé ma chemise, quoique confortablement assise.
Ces instants exceptionnels nont existé que par la force dune compagnie dont Thomas Jolly est le gouvernail, dirigeant une troupe dacteurs qui relève plus de la boule dénergie, tels des personnages de manga ou de jeux numériques, que des comédiens figés dans la poussière des costumes. Ce jeune metteur en scène construit une mise en scène digne des meilleures séries américaines (dailleurs le tout est découpé en épisodes de 1 à 4, ce jour là, ils jouaient lintégrale de lépisode 1 à 3, le 4 viendra clore laventure dans un futur proche à Avignon).
Au diapason de loriginalité de la pure mise en scène, la scénographie et les costumes campent personnages et situations au plus juste de lessentiel, comme un simple détail peut parfois en dire plus long quune robe dapparat et peut aussi nous tirer les larmes de rire. Il faudrait parler aussi de la lumière, des effets qui participent à créer des climats, qui impriment la rétine et semblent mener bataille sur les destriers dune bande son ébouriffée et nourrie de références. Cest bien simple, tout parle dans ce spectacle, tout est lien, tout est dit au-delà des mots et nallez pas croire que la narration dune époque révolue depuis des siècles nait de relations avec notre monde contemporain, cest le même avec les mêmes, à croire que la terre tourne en rond !
Mon seul crédit ne serait suffisant, ni assez persuasif, alors je lui accroche la description dune salle en délire, jamais je nai vu une salle aussi communicative au théâtre, on se serait cru au cur dun concert Rock aux meilleurs moments du Zénith ou du Bataclan. Pas un siège ne fut épargné, les postérieurs remplirent jusquaux derniers strapontins et ce jusquà la toute fin, des élans multipliés à lissue des nombreux entre-actes firent résonner les escaliers d'un entrain dynamique dy retourner et le public réclamait « la suite » en battant des mains tel des enfants impatients et passionnés par lhistoire contée. Laventure sest terminée par une standing ovation unanime, non pas une vague qui gonfle à mesure des applaudissements, mais un véritable tsunami à la hauteur du plaisir quune salle comble venait de vivre.
Je me suis laissée dire que Shakespeare avait vu dans son office la nécessité de donner à son uvre une fonction pédagogique, Henry VI, comme bien dautres pièces historiques de sa plume, écrite une centaine dannée après les événements quelle relate, devait instruire le peuple tout en le distrayant, aujourdhui on appellerait peut-être cela « documentaire » ou « politique fiction » sans la saveur du détournement et de la dérision exploités à merveille par la Piccola familia.
Thomas Jolly et toute son équipe, tant artistique que technique, donne à goûter à la coupe de lexcellence en rendant ses lauriers à lappellation parfois dévoyée du théâtre populaire. Pourvu que ce travail soit évalué par le monde influant du spectacle à la hauteur de lenthousiasme débridé démontré par cette salle et saluons lengagement de ceux qui le soutiennent.
http://blogs.rue89.com/balagan/2013/11/12/13-heures-dans-les-bras-de-shakespeare-quelle-orgie-de-theatre-231645
http://www.lapiccolafamilia.fr/thomas-jolly
http://www.sceneweb.fr/2013/11/thomas-jolly-et-son-integrale-henry-vi-a-avignon-cet-ete/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Deux-Roses
http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_VI_(Shakespeare)
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