Partager avec lui son art, quand il vous recevait chez lui, c'était avoir le sentiment d'être unique. Il aimait concocter des dégustations délicieuses de mélanges variés. Son talent résidait dans l'art de personnaliser en fonction des goûts de l'autre des recettes ayant fait ses preuves. Bien sur il connaissait les classiques sur le bout de ses doigts et aussi d'autres façons de faire plus audacieuses, en toque étoilée qu'il était.
Ce qu'il appréciait le plus c'était de mettre la main à la pâte pour la caresser, la canneler, la pétrir. Ses mains agissaient alors comme véritable levain. Il adorait chemiser, festonner avant d'enfourner et puis goûter aussi les différentes senteurs qu'il avait fait naître. Ainsi il n'aurait jamais commencé un repas sans une mise en bouche pour aiguiser l'appétit et stimuler les papilles.
Il donnait corps à ce qu'il faisait, aimant effeuiller puis goûter et toucher les ingrédients offerts, saupoudrer de quelques piments pour relever le tout. Sa palette était étendue et son art de dresser les buissons y contribuait également. Quelques amuse-gueule parfois venaient s'y ajouter s'il sentait qu'ils étaient les bienvenus avant d'attaquer l'entrée.
Servie en douceur, celle ci restait délicate et suggestive. Le repas n'en était qu'aux prémices. La cuisson mijotait à feu doux pour échauffer progressivement et faire frémir les arômes dévoilés. La composition du bouquet garni jouait bien sur de son importance pour libérer peu à peu un parfum particulier qui inciterait à attaquer le plat de consistance de telle ou telle manière.
Il s'agissait maintenant de mets plus corsés, de saveurs plus relevées. Point économe il limonait, lustrait et travaillait de ses doigts pour manier les chairs offertes. il lui fallait saisir et malaxer tout tendron à sa disposition. Parfois il laissait un peu mariner avant de braiser à feu vif. Il aimait entendre ainsi frémir et gémir sous les feux qu'il avait allumés. Selon les chants exaltés, il se décidait pour gratiner ou caraméliser le menu qu'il allait offrir, mitonné aux petits oignons pour un plaisir entier.
A chaque fois enivré par les odeurs dégorgées des émulsions dont il était l'instigateur, les fumets le liquéfiaient à en perdre tête. Extraire le jus, exprimer en toute déliquescence le suc était grande jouissance pour lui. S'ensuivait alors comme dernière douceur, en guise de dessert, une pièce montée ou un entremets nappé de sirop, ou quelques fruits confits... Tout lui était délice et de ce nectar il s'en pourléchait .
Mille et une recettes n'étaient pas de trop pour ce cuisinier amoureux d'offrir ainsi un menu de fête à chaque fois qu'il la recevait.
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